Que ceux qui s’attendraient à un film érotique et sulfureux passent leur chemin ! La sexualité, thème omniprésent dans le film, n’est mise en scène que très subtilement et les scènes de sexe ne sont que très suggestives. 
Ann MULLANY est une femme au foyer, mariée à un avocat gagnant bien sa vie, qui habite une très belle maison à Baton Rouge. A priori, le bonheur d’Ann est sans nuage, aux côtés d’un mari idéal dont toutes les femmes voudraient : « Beaucoup de jeunes filles seraient heureuses d'avoir un jeune homme normal et gagnant bien sa vie ». Et pourtant, Ann n’est pas heureuse dans son mariage, dans son intimé et s’en plaint à sa sœur et à son psychanalyste car « le bonheur n’est pas si génial que ça ».
Au début du film, on a du mal à avoir de l’empathie pour Ann. C’est l’archétype de Madame Parfaite, précieuse et sans rien qui dépasse mais aussi complètement frigide, énervante et pudibonde. Elle a arrêté de travailler pour se consacrer entièrement à son foyer et tente de meubler son quotidien. Ann est totalement aux antipodes de sa sœur cadette, Cynthia, jeune barmaid. Cynthia mène sa vie comme elle l’entend, est exubérante, séductrice, capricieuse, rebelle et ne supporte pas qu’un homme résiste à ses charmes. Les deux sœurs sont souvent en conflit et Cynthia prend un malin plaisir à provoquer son aînée, jusqu’à coucher avec John, le mari d’Ann.
Un jour, John annonce à sa femme qu’un de ses amis de la fac' cherche un appartement pour s’installer dans le coin et qu’il lui a proposé de l’héberger en attendant. Tout oppose John et son ami de fac', Graham. Leur opposition en est même caricaturale. Nous avons d’une part, John, avocat, marié, qui gagne de l’argent, qui a réussi et qui a toutes les femmes à ses pieds. D’autre part, Graham mène une vie de célibataire bohème, voire de vagabond, et est impuissant. A première vue, tout oppose également Ann et Graham. Et pourtant, dans leurs problèmes, ils vont se retrouver et Graham va devenir un confident pour Ann.
Ce film peut paraître banal, plan-plan et bavard à première vue. Mais il apporte une réflexion très riche sur des thèmes personnels voire tabous comme le bonheur et la sexualité. Non, nous n’avons pas tous les mêmes attentes et nous n’attendons pas tous la même chose du sexe. Là où John recherche la satisfaction primaire, Ann en attend quelque chose de plus stimulant, profond, spirituel, attente partagée par Graham. La délurée Cynthia, elle, a un besoin permanent de se sentir séduisante et convoitée par tous les hommes. Est-ce possible de conquérir le mari de sa sœur ? Cynthia l’a fait. Mais, une fois John dans son lit, le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Finalement, loin d’être une femme fatale qui s’assume, Cynthia n’est qu’une gamine qui se cherche et qui veut provoquer sa grande sœur si parfaite.
Les personnages, à l’exception de John, ne sont pas heureux dans leur quotidien et chacun se ment à soi-même. Ann, qui tente malgré tout de sauver les apparences, s’ennuie dans son mariage et ne supporte plus que son mari la touche. John ne la satisfait pas et Ann confie même qu’elle n’a jamais eu d’orgasme. Cynthia, quant à elle, a besoin du regard des hommes pour se sentir désirée. Elle vit une relation passionnée et charnelle avec John et le danger de cette relation l’excite. Mais, elle va se rendre compte qu’elle a fait le tour de cette relation et que cette dernière ne lui suffit pas pour être heureuse. Elle avait juste besoin de se rassurer sur son pouvoir de séduction et de voir jusque où John serait capable d’aller pour elle. Une fois que l’avocat a annulé ses réunions avec des clients importants, elle se lasse de John, elle en a assez vu. Graham, lui, essaie de se remettre de sa relation passée et de renouer avec ce qui, socialement, constitue une partie essentielle de la virilité d’un homme. Il passe ses journées à regarder des enregistrements de femmes qui lui parlent de leurs expériences sexuelles, en espérant que cela le stimule.
La transformation d’Ann au cours du film est spectaculaire. A la fin du film, c’est une femme métamorphosée. Sans devenir délurée comme sa sœur, Madame Parfaite a remballé ses grands airs et sa morale et est devenue une femme libre, plus ouverte d’esprit, à l’écoute de ses désirs et moins dans le jugement.
Si Ann s’est libérée, c’est grâce à la parole et à l’écoute d’elle-même, encore faut-il trouver le bon interlocuteur ! En la personne de Graham, Ann a trouvé un confident d’une franchise parfois un peu déroutante pour elle. Mais, avec Graham, Ann dit franchement ce qu’elle pense et ose être elle-même alors que c’est presque un inconnu pour elle.
En conclusion, le film peut paraître cliché sur certains points, comme les personnages, mais je pense que cela est à relativiser compte tenu de la date de sortie du film (1989). De mon point de vue, *Sexe, mensonges et vidéos* est un film, sans fioritures, sans prétentions et qui nous offre une critique intéressante de la société matérialiste et sourde aux désirs.
Claragrafe
7
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le 2 mai 2020

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