Shakespeare est le plus grand dramaturge de tous les temps et le cinéma lui a souvent rendu hommage à travers des adaptations plus ou moins fidèles (citons Laurence Olivier, Orson Welles, Akira Kurosawa ou encore Kenneth Brannagh pour aller au plus court). Ici, John Madden se livre (un peu comme Al Pacino dans son Looking for William) à un exercice de style qui consiste à se servir d’une pièce de Shakespeare (ou même deux) pour à la fois faire admirer la magnifique langue des vers du grand Will et éviter le piège de l’adaptation académique et potentiellement ennuyeuse. Contrairement à Pacino qui avait axé son travail sur le tournage d’un film, ici on est directement dans les coulisses d’un théâtre et, encore mieux, directement dans celui de Shakespeare. C’est un point de vue biographique, disons romancé, qui est donc le parti pris de Madden et je trouve qu’il s’en sort très bien. La reconstitution de l’époque élisabéthaine est certes académique mais elle est efficace. Les personnages historiques ayant existé sont bien en place : la reine Élisabeth elle-même, Christopher Marlowe (dont la mort mystérieuse va servir à l’intrigue), Philip Henslowe, Edward Alleyn, John Webster… Tout ceci est plaisant et fonctionne bien. Dans le rôle de Shakespeare, Joseph Fiennes montre une fougue contagieuse tandis dans un grand second rôle à contre-emploi de méchant pas si méchant que ça, Colin Firth est savoureux. La reine est superbement interprétée par Judi Dench et Ben Affleck est très plaisant en comédien plein de morgue et de générosité. Et puis, pour assurer définitivement le succès de cette œuvre grand public (mais dans le bon sens du terme), il y a bien sûr l’incomparable Gwyneth Paltrow. À chaque fois qu’elle apparaît, on est subjugué comme Romeo devant Juliette par tant de charme, de grâce et de talent réunis. Rideau !