Shanghai Grand
7.2
Shanghai Grand

Film de Poon Man-Kit (1996)

Shanghai Grand, véritable OVNI du cinéma hongkongais, arrive à être l’une des meilleurs productions Film Workshop de l’histoire d’Hong Kong, en étant une véritable déclaration d’amour aux films Noirs américains, et en exploitant au mieux les décors dont il a hérité. En effet, le film se sert d’un ensemble construit pour le film Temptress Moon, sorti quelques mois plus tôt.

La scène d’introduction absolument halluciné, qui rend hommage à Mario Bava et son Giallo, mérite très largement le coup d’œil. Une scène d’action où un homme tente de libérer des prisonniers sur un bateau, se transforme rapidement en délire visuel assumé, où de la fumée, et des jeux d’ombre et de lumière en tout genre viennent donner un cachet supplémentaire à ce qui s’apparenterait, sans ses excès, à une simple séquence d’action à la Hongkongaise. Il n’en faut pas plus pour immerger le spectateur dans un film, créer une sensorialité en l’espace de quelques minutes. Poon Man-Kit ne se trompe pas, le spectateur rentre très facilement dans son égotrip monstrueux. Rajoutez à cela du sang à foison, et une musique dramatique typique au cinéma de ce pays, tout est là.

Pendant tout le film, la musique sublime les séquences clés, et est indissociable de ce qu’elle montre à l’écran. Le thème principal d’Andy Lau est formidable, en plus de livrer une prestation exemplaire, comme à son habitude, en mêlant dureté et tendresse à son personnage.

Dans ce Hong Kong crépusculaire bleuâtre, tel le photographiait John Woo, un trio amoureux se dessine au milieu de guerres de gang.

Par son lyrisme et par l’intensité de sentiments humains véhiculés par le trio, Shanghai Grand vient se hisser parmi les films les plus poétiques du pays.

Le trio parlons-en. Entre un Leslie Cheung touchant comme à son habitude, nous livrant une prestation digne de celles dans Le Syndicat du Crime et Happy Together, un Andy Lau glaçant et énigmatique partagé entre ses sentiments et sa raison, dilemme moral du à son statut dans la mafia, et la sous-estimée Ning Jim, qui n’aura pas eu la carrière à la hauteur de son talent. Clairement, le casting est pierre angulaire à la bonne réussite du film.

L’amour dans ce film est un poison mortel dont la substance efface l’humanité en tout être qui le consomme, l’espace d’un instant. Quand l’irréparable est commis, seul le souvenir surgit, l’amitié existe aussi.

Le récit est segmenté en plusieurs chapitres, chaque chapitre étant centré plus ou moins sur un personnage précis, venant donner une ampleur au trio, et donc un sens à ce qui est raconté. Il est important de préciser que le film est adapté d’une série hongkongaise à succès : The Bump. Le film s’inspire même de la série TV dans sa structure épisodique, et par la manière de narrer les différents segments, avec un climax à chaque fin de chapitre.

Les quelques scènes de Kung-Fu sont certes assez découpées, mais ça ne les empêchent pas d’être importantes et terriblement jouissives. Les personnages interagissent avec décors et accessoires, ce qui rend les combats très créatifs et orgasmiques, rendant l’expérience encore plus riches et impressionnantes.

Serait-ce l’Heroic Bloodshed ultime ? Mêlant une réalisation poétique rappelant Wong Kar-Wai, mais aussi Sammo Hung par son action décomplexée et viscérale, sans oublier John Woo pour la captation de cette ville crépusculaire à la violence sourde, Shanghai Grand est un pur bijou hybride, un véritable objet de cinéma qui ne laisse pas indifférent par ses partis pris osés et inspirés.

Entre séquences quasi oniriques et d’autres plus réalistes, on n’est jamais surpris par les excès du réalisateur tant tout est si parfaitement orchestré, on y croit. Et donc à partir de là, le film a tout gagné.

Cette grande statue d’ange, montrée dès la scène d’intro, dans une brume inquiétante, évoque directement le fatalisme du film et son caractère tragique. Elle réapparait plusieurs fois dans le récit, venant notamment s’enfermer dans le cadre avec le duo : Leslie Cheung et Andy Lau, tout deux épris de la même femme. L’ange s’efface, il n’y a pas d’espoir.

Paul-SAHAKIAN
9
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le 29 nov. 2023

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Paul SAHAKIAN

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