Fort satisfait de sa collaboration avec Joe Estzerhas sur leur précédent film Basic Instinct (1992), Paulo Verhoeven est emballé par l'idée de faire une sorte de musical et Estzerhas décide de localiser son histoire, au sein de la ville qui ne dort jamais, soit Las Vegas.


Liz Berkley (libérée de Saved by the Bell) est engagée, après la défection de plusieurs actrices, rebutées par le contenu du scénario.
Malgré le côté "too much" du-dit scénario, il est à noter que Paulo et Joe ont interviewé une pelletée de strip-teaseuses pour donner une image assez réaliste de ce monde particulier.
De fait, toutes les horreurs qui s'étalent sur l'écran sont un patchwork des différents témoignages d'effeuilleuses ayant bossé à Vegas.


Pourquoi "horreur"?
Parce que tout n'est que mensonges et exploitation crasseuse à Las Vegas . Du moins, dans la représentation factice de la femme dans ces "fameux" clubs pour hommes, où l'on vend du sexe sans sexe (enfin, sauf lorsqu'il y a une "rallonge" à la clé).


Les spectateurs (voyeurs) viennent en ces lieux pour y trouver de la "chair fraiche" qui se tortille vulgairement, pour assouvir leurs pulsions primaires.
Les "strippeuses" effectuent des "chorégraphies" la plupart du temps hideuses, étalage de corps dénudés dans des danses obscènes, où l'art en tant que tel n'a pas sa place .


C'est dans cet univers crapoteux que la jeune Nomi Malone (Berkley, donc) débarque, des étoiles dans les yeux.
Jeune fille sans éducation ayant un passé tumultueux et sombre, elle cherche à se faire une place au soleil parmi ses contemporains.
N'ayant que sa plastique comme avantage, Nomi décide de l'utiliser sans ambages.


Après s'être fait voler sa valise qui contenait toute sa vie (soit quasiment rien), elle fait la connaissance de Molly (Gina Ravera, qui ne fera qu'une triste carrière après ce film), une couturière travaillant au Stardust -casino présentant une revue musicale- qui lui propose de l'héberger.
Pour subsister, Nomi trouve donc un emploi d'effeuilleuse dans un club minable, le Cheetah (je vous rappelle qu'en français, ça se traduit par "guenon"...), géré par le phallocrate Al (formidable Robert Davi, vu dans License to Kill, Maniac Cop 2...).
Le Cheetah est donc une usine à fille dénudées plutôt glauque et bas de gamme, où gravitent les mâles basiques venus voir de la "fesse" pas chère et assister par la même occasion, aux réparties grivoises de la tornade Henrietta ( Lin Tucci, même sanction que pour Gina Ravera...)et son inimitable show, ponctué par un bustier articulé....
Étant donné que Molly a ses entrées au Stardust, Nomi assiste à une représentation du show phare "Goddess" et en est éblouie autant pour la qualité du spectacle que par la renommée de la meneuse principale, Cristal Connors (Gina Gershon, apparue dans Red Heat, Bound, Face/Off...).
A partir de ce moment là, Nomi se voit déjà en haut de l'affiche, du moins lorsque Connors ni sera plus...


A la première vision de ce film il y a 20 ans (20 ans...), je n'ai vu que la surface de Showgirls, c'est à dire un film vulgaire, racoleur, assez mal écrit et interprété.
Seule la B.O a trouvé grâce à mes yeux en ce temps-là...


Et hier, après avoir entendu Verhoeven parler de ce film dans un reportage -en plus d''une vidéo montrant Berkley faire une apparition surprise lors d'une diffusion du film en plein air- j'ai décidé de m'y replonger après que j'ai appris que Showgirls avait versé dans le côté "culte"...


Je sors à peine de cette nouvelle vision et force de constater, que j'ai eu l'opportunité d'y regarder de plus près.


Le film n'est toujours pas parfait à mes yeux, mais les griefs passés ont à présent un sens à mes yeux.
Le côté "repoussant" des personnages bénéficie en fin de compte, de plus de profondeur que la caricature que j'y ai vue auparavant. De fait, l'interprétation outrée des comédiens y trouve une justification de bon aloi.
Si cette galerie de "freaks" se comporte ainsi, c'est qu'il s'y trouve une certaine dose de "réalisme cru", car ces personnes se contentent de se couler dans le moule, au contact de cet environnement factice et putassier, comme peut l'être Las Vegas.


Vegas n'est qu'une immense vitrine vendant du vide, à des gens vides de toutes substances. Une sorte de fête foraine où l'on balance du clinquant, la promesse de gagner de l'argent facile mais aussi du sexe par procuration.
Mais forcement, derrière ce décorum (on pourrait presque parler de décors de cinéma) il y a des coulisses où des gens s'affairent comme des insectes, pour aguicher et contenter les innombrables clients qui s'y pressent.
Et c'est là que la pertinence de Verhoeven prend place, car il parle du rêve américain dans toute sa laideur. Comme à son habitude, Paulo appuie là où ça fait mal et dénonce la saleté d'un système qui promet monts et merveilles.


-Nomi est une petite provinciale sans avenir, qui veut sa part de rêve. Qu'importe les moyens pour y parvenir, tout est bon (dans le cochon)...
-Nomi incarne la jeunesse désœuvrée américaine, nourrit à la célébrité clinquante s'étalant dans les journaux, à la télé, à la radio ou au cinéma. Ne vit-elle pas dans le pays où tout est possible?
-Nomi va donc s'employer à gravir tous les échelons pour accéder à la reconnaissance, pour prouver au monde qu'elle existe. Et pour se le prouver à elle-même, peut-être...


La jeune femme y croise alors:
-James (Glenn Plummer) un danseur désenchanté (qui finira par se retrouver dans l'obligation de se ré-orienter dans le cycle "basique", soit un travail alimentaire et sans éclat),
la vedette de music-hall Cristal proche du déclin (que Nomi précipitera littéralement),

- Zack (un Kyle McLachlan abject) golden-boy manipulateur,
-Andrew Carver (William Shockley, acteur TV) une célébrité aux sombres penchants...
Toute une faune hétéroclite évoluant dans un monde pourri, régi par des règles immondes.


Verhoeven s'amuse comme un fou, pointant (encore) du doigt les dérives de l'american way of life, par le biais de situations sordides dans des décors tour à tour somptueux (le Stardust), glauque (le Cheetah) ou peu reluisant (le mobile-home de Molly ou le lieu de résidence de James).
Sous un couvert "racoleur" poussé au paroxysme par Paulo (voir les innombrables scènes de sexe sans glamour, de nudité frontale parfois gratuites, des dialogues orduriers à la pelle...), Showgirls livre tout de même une virulente critique sur l'industrie du spectacle clinquante de Vegas, doublée d'une certaine réflexion sur l'exploitation sans vergogne de jeunes femmes paumées, par des exploitants peu regardants sur la déshumanisation progressive de ses employées.


Le film semble être surtout une partie du voyage initiatique de Nomi (Vegas n'est en fin de compte qu'une étape dans la vie de la jeune femme), où elle apprendra comment affronter la vie et sa diversité ( passant de la prostitution au braquage pour sortir de la misère -son passé- et la célébrité éphémère fait de strass, de paillettes, de mensonges et de sexe -son présent- pour voguer vers un avenir incertain, où tout est encore possible).


Showgirls a donc du sens dans la filmographie du Hollandais énervé, même si cela se fait via un film "mineur" de prime abord (en comparaison de ses précédentes œuvres).


P.S: A mon humble opinion, Liz Berkley s'est embarquée avec passion dans ce projet, car Verhoeven+Estzerhas= méga hit que fut Basic Instinct, qui propulsa sa star (Sharon Stone, donc) en orbite. Je me dis que Liz s'imaginait suivre la même trajectoire, au vu de la "dreamteam" aux manettes...
Mais la nudité de Stone fut filmée avec un certain glamour, vu que son personnage Catherine Tramell était l'archétype de la femme-fatale (sous tous les angles).
Alors que Nomi Malone n'est qu'un personnage arriviste, ces (trop) nombreuses scènes de nues la reléguant au rang de vulgaire "corps-vitrine", pour assouvir les désirs voyeurs.
J'oserai donc supposer que Liz Berkley s'est fourvoyée et n'a pas lu correctement le scénario de Joe Estzerhas ou du moins, n'en a pas mesuré la réelle portée.


Bref, Showgirls n'en devient pas pour autant "culte" à mes yeux, mais il apporte de l'eau au moulin Verhoeven, ce qui n'est déjà pas si mal du tout!

Franck_Plissken
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le 6 nov. 2016

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The Lizard King

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