La reine des pommes

Tout juste sortie d'une cure de désintoxication, Jessica est sur le point de quitter la demeure familiale avec sa petite fille et son bébé pour tenter de démarrer une nouvelle vie loin de son compagnon aux veines toujours remplies d'héroïne. Alors qu'elle débarrasse les dernières affaires de la cuisine, son incapacité à placer correctement un cale-porte l'emprisonne à l'intérieur de son propre cellier (comme le film le prouvera ensuite dans l'hilarité générale, cette petite pièce a visiblement la porte la plus capricieuse et solide de toute la bâtisse). Pendant que sa fille essaie de l'aider, son compagnon junkie et un acolyte supra-louche en profitent pour s'introduire dans la maison...

Punaise, dans le genre thriller qui accumule les âneries à un niveau quasi-céleste, on peut dire que "Shut In" est une sacrée bête de concours !
Son postulat est déjà en soi d'une bêtise sans nom (pourquoi diable n'avoir jamais réparé cette porte avec des enfants dans les parages ? Faut-il avoir un Q.I. véritablement élevé pour bien bloquer une porte que l'on sait en plus défectueuse ?) mais il peut s'excuser à cause de la fragilité de son héroïne qui n'a pas forcément la tête sur les épaules entre ses efforts pour rester clean, ses devoirs de mère, son départ apparemment précipité et la peur de voir ressurgir à tout moment son compagnon drogué jusqu'à l'os.
C'est d'ailleurs cette menace -et celle bien plus dangereuse qui l'accompagne- qui aggrave encore un peu plus la captivité de Jessica et l'oblige à demander le soutien de sa petite fille. On a bien sûr un peu de mal à croire à la totale absence de matériel susceptible de l'aider à sortir au sein du domicile mais l'entraide entre l'adulte et l'enfant, fruit d'une communication forcément un brin chaotique, se révèle la phase la plus convaincante de "Shut In", où les belles preuves de solidarité pour assurer un semblant de continuité de vie familiale se disputent à des douloureux rappels de la précarité de la situation.

Mais cela ne dure hélas qu'un court moment car, dès lors qu'un adversaire entre plus directement en jeu, le film de D. J. Caruso va se mettre à agrémenter son récit de condiments si avariés qu'ils sont habituellement conservés dans le cellier des thrillers les moins inspirés ! Malgré toute la gravité et la tension qu'il veut dégager, "Shut In" se vautrera ainsi dans le ridicule le plus complet en alliant des choix d'une stupidité lunaire (creuser un trou à un mètre de la porte alors qu'il y a déjà un espace à élargir de la même manière sous celle-ci pour passer en dessous...), des solutions miraculeuses (comment Jessica n'a pas pu se rendre compte d'une certaine opportunité pendant autant de temps dans un lieu si étroit ?? Elle en avait connaissance qui plus est !) et, peut-être pire que tout, un lot redondant de bondieuseries lourdingues nous martelant que la foi est le seul rempart face à la tentation de l'addiction et, plus particulièrement ici, de ses incarnations humaines prêtes à tout pour faire replonger cette héroïne décidément très malchanceuse.
Faute de rebondissements originaux à proposer, rien ne viendra plus désormais sauver "Shut In" de sa trajectoire médiocre (à part quelques fous rires nerveux mais ce n'est en aucun cas volontaire) qui le conduira à se crasher dans la niaiserie gênante de son épilogue, celui-ci aura néanmoins le bon goût de ne pas nous montrer une Jessica entamant une carrière à succès dans la serrurerie, ça aurait été la pomme pourrie sur un gâteau que l'on ne vous recommande pas.
Pensez à surtout bien claquer la porte en sortant, merci.