Et si les coïncidences n’existaient pas ?

Sorti le 16 Octobre 2002, M.Night Shyamalan, maitre du suspense, après nous avoir éblouit comme jamais dans Incassable, revient pour un film à l’atmosphère angoissante maitrisée de manière impressionnante. Entre cauchemar éveillé, message sur la foi et rencontre du troisième type, votre angoisse ne fait que commencer et cette fois, même Mel Gibson ne pourra vous sauver…


Quand le sentiment d’insécurité prend tout son sens


J’ai beau avoir vu un grand nombre de films d’horreur, du bien gore à l’œuvre misant sur une tension oppressante, Signes est celui remportant haut la main la palme. Un vrai traumatisme malgré le fait que je l’aime profondément. Mais pourquoi m’a-t-il tant traumatisé ? Déjà, il faut se dire qu'à l'époque, le sujet me fascinait, me parlait beaucoup. Ensuite, il faut remonter au jour où je suis allé le voir à sa sortie au cinéma. J’avais 17 ans à l’époque et je me souviens encore de l’ambiance dans la salle, surtout lors d’un moment très précis où Signes passe à un niveau supérieur. L’atmosphère était tellement pesante qu’une grosse odeur de transpiration s’échappait de tous les rangs. Cette sensation, jamais elle ne c’est estompée. C’est dire à quel point ce film était réussi.


Cette réussite, on ne la doit pas qu’à l’aspect technique de l’œuvre. C’est aussi grâce à son maigre casting qu’il tire toute sa force. Depuis Braveheart, Mel Gibson n’a plus à prouver quel acteur talentueux il est. Et pourtant, avec Signes, il trouve encore le moyen de nous épater et surtout, nous émouvoir. Quant à Joaquin Phoenix, l’acteur égal à lui-même, réussit à égaler Mel Gibson. Et les enfants dans tout ça ? Alors que la petite Abigail Breslin enchaine les moments de mignonneries jamais atteints, Rory Culkin captive par son jeu authentique et juste. Un jeune garçon asthmatique (comme par le plus grand des hasards. Lui, il va douiller sévère) passionné qui veut croire en l’impossible.


Fan de science fiction, en particulier de petits hommes verts, je ne suis pas étonné d’avoir été si marqué par ce film. La dernière fois que c’est arrivé, il faut remonter aux années 90 où à la télévision, était diffusé en plein trilogie du samedi sur M6, l’épisode Duane Berry de la série culte X Files. Le reste du temps, la thématique sur les Aliens rimait avec humour noir ou spectacle. Quand ce n’est aucun des deux et que ça tente d’être effrayant, le visuel ne fait jamais réaliste. Ici, on se pose des questions dès le départ. Canular ? Réalité ? Tout comme nos personnages, Shyamalan joue sur nos nerfs, joue avec l’effet de surprise et le brouillage de pistes. On se sait plus que croire. Comme si ça ne suffisait pas, les jeux de bruits, d’ombres, de lumières, de reflets (télé/fenêtres), Shyamalan joue avec nos peurs d’enfants, un peu comme le récent Mister Babadook. Tout se fait dans la suggestion, notre esprit, nos propres réflexions font le reste.


Le but d’une œuvre du réalisateur, ça n’est pas d’atomiser les yeux du spectateur à coup d’explosions et d’effets spéciaux de dingue. Non, Shyamalan, en plus d’opter pour un rythme lent et progressif, il transpose les histoires/contes/entités/monstres fantastiques dans la vraie vie. Il se pose des questions intéressantes et y répond à travers ses œuvres. Joli message sur la foi, démontrant que rien n’est dû au hasard. Rien de plus terrible pour un pasteur ou un croyant de perdre la foi. Nous est montré dans ce film que tout homme de foi porte sa croix, doit constamment surmonter des épreuves remettant tout en question, allant jusqu’à remettre en question ses propres croyances. Oui, contrairement à ce que certains pensent, la vie d’un « disciple » de dieu n’est pas de tout repos, c’est un combat quotidien entre le mal nous faisant douter, et certaines personnes refusant de croire que quelque chose de supérieur veille sur eux. Et vous ? Face à ce phénomène ou tout autre évènement de ce genre, seriez-vous dans le déni ? Ou vous laisseriez-vous convaincre ?


La trouille a un nom : Signes


Et si les aliens existaient, débarquaient sur notre planète et nous voulaient du mal ? Mettez de coté Independance day et sa surdose de scènes catastrophes, sa propagande pour l’US Army et son humour. Signes, c’est un film traitant de manière réaliste ce qui arriverait à notre monde si nous avions des preuves véridiques que les petits hommes verts existaient et qu’ils étaient parmi nous sans qu’on le sache. De quoi tout remettre en question.


Suspense, émotion, humanité, message universel, telles sont les qualités d’une œuvre d’M.Night Shyamalan, telles sont les qualités de « Signes ». Pratiquement toute notre intrigue se passe dans une ferme avec une famille. On apprend ce que c’est de vivre dans une ferme coupée du reste du monde. Surtout vivre avec une famille durant une période horrible. La seule manière d’avoir des informations sur ce qu’il se passe hors de la ferme : la télévision. Instrument important et mit en évidence dans notre film.


A chaque film son style et sa manière très personnelle de nous conter son histoire. Signes n’en déroge pas à la règle. Shyamalan aime incorporer des faits réels dans ses histoires, tout en y ajoutant une bonne grosse dose de surnaturel pour faire gagner en épaisseur son intrigue. C’est sans l’ombre d’un doute pour cette raison que ses Sixième sens, Incassable, et Signes sont si marquants.


Le titre « Signes » provient de ses formes géométriques nommées « Crops Circles » découvertes dans des champs un peu partout sur la planète. On s’en rappelle dans les années 80 quand ses formes ont commencées à apparaitre aux quatre coins du monde, notamment aux Etats Unis, en Angleterre, et en Inde. A l’époque, on imaginait que c’était un canular à grande échelle. Pour d’autres, c’était des signes venant des extraterrestres. Ecraser juste une tige de maïs, c’est difficile. Alors imaginez pour 300mètres d’un champ de maïs ? Tout ça indique clairement que ces signes ne peuvent êtres humains. Ces formes, devenues un phénomène, suscitent tellement de mystère, sont tellement intrigantes qu’elles passionnent. Shyamalan a vu une occasion rêvée de tourner ce film en partant de ces formes. Pour Signes, certains cinéphiles s’en rendront vite compte, le réalisateur c’est inspiré de trois films : Les oiseaux (où un évènement surnaturel se produisait sans explications), La nuit des morts vivants (qui, tout comme Les oiseaux, se terminait dans une maison), et L’invasion des profanateurs de sépultures (pour son suspense prenant).


Entre drame et science fiction


Etant dès le départ comme habitants de la ferme des Hess, on se retrouve connecté aux personnages. Ce qui fait qu’on s’imagine vivre à leur cotés cette expérience surnaturelle. Se rajoute à cela un sentiment de claustrophobie où aucun endroit dans la maison n’est vraiment sûr. Mais, pour réussir à maintenir cette sensation sans que ça en devienne pesant et nuise à la qualité du long métrage, on va faire sortir nos personnages en ville, le temps d’une scène ou deux, avant de retourner dans cette ferme et l’histoire principale. Lors de ces scènes, nos protagonistes se sépareront. Ceci permettra de raconter l’histoire de chacun, leur donnera de la profondeur, et donc, créera un lien affectif plus fort entre eux et nous.


Contrairement à tous les films du genre, Signes possède une autre dimension que celle que l’on connait déjà. Ce film, plus intimiste, est une métaphore, une sorte de conversation entre dieu et le personnage interprété par Mel Gibson (d'après les dires de Shyamalan lui-même), un homme qui a perdu la foi, et qui est à la recherche d’un signe montrant que quelqu’un veille sur lui et sa famille. Du coup, Signes a deux sens : les formes, et la foi. Il y aura alors dans notre œuvre une grande sensibilité émotionnelle ressortant du personnage de Mel Gibson. Aussi puissant qu’un drame. De plus, il ne faut pas oublier que dans la vie réelle, Gibson est un homme de foi, ce qui sonnera plus juste dans le film.



« Morgan, ces signes sont fabriqués de toutes pièces par une bande de
tarés qui sont pas foutus d'avoir des copines. Ils ont la trentaine,
ils s'inventent plein de codes entre eux et ils décortiquent la
mythologie, et montent des sociétés secrètes ou d'autres tarés qui
n'ont pas de copines peuvent les rejoindre. Ils font ces conneries
pour se persuader qu'ils sont formidables. »



Attention, bien que le thème et le ton soit sérieux, dans Signes, il y a de l’humour. La situation étant confuse, les personnages réagissent de la même manière que tout autre être humain. Une phase donc de déni, avant d’accepter la réalité…ou non. Il y a certaines scènes inédites, jamais vues dans aucun autre film. Repensons à cette scène calme où Graham et Merrill sont assis sur leur canapé et discutent devant la télé. Un passage pour le moins inspirant, forçant à méditer sérieusement dessus.



« Les gens peuvent se diviser en deux groupes : quand un évènement
heureux se produit, ceux du premier groupe y voient plus que de la
chance, plus qu’une coïncidence, ils croient que c’est un signe, la
preuve que quelqu’un là haut se préoccupe de leur sort et suit les
évènements. Pour le deuxième groupe ce n’est qu’un pur hasard, un
simple coup de chance. Je suis persuadé que la plupart des personnes
de cette catégorie envisagent ces quatorze lumières avec suspicion.
Pour eux, il n’y a en fait que deux possibilités : soit c’est mauvais,
soit c’est bon. Mais au fond d’eux, ils sont convaincus que quoi qu’il
puisse se passer, ils sont tout seul, et ça, ça les empli de frayeurs.
Mais il y a aussi beaucoup de gens dans le premier groupe, qui
regardent ses lumières et y voient un miracle. Et au fond d’eux, ils
savent que quoiqu’il puisse arriver, il y aura quelqu’un pour les
aider et leur tendre la main, et cette idée les remplis d’espoir.
Demandes-toi à quelle catégorie tu appartiens ? »



Comme pour tout Shyamalan qui se respecte, Signes possède souvent des plans longs. Cette manière de filmer est voulue afin que le spectateur se mette à tendre le cou vers l’écran, s’interrogeant sur ce qu’il voit. Tout est pratiquement subliminal. On veut vous voir réagir comme les héros du film, on veut vous entendre dire « Qu’est ce que c’était ? », quitte à embêter votre voisin de fauteuil.


Du suspense, de la terreur à son plus haut niveau, un sentiment de malaise constant, les réactions réalistes des personnages, Signes se devait d’avoir une bande originale suffisamment travaillée pour qu’elle augmente ce sentiment d’oppression et de mystère. James Newton Howard aux manettes, on peut être sûr que la musique sera réussie. Danger, menace, mystère, telles sont les qualificatifs ressortissants de ses titres. A commencer par le thème principal entendu dès le générique d’ouverture. Le film n’a même pas commencé que déjà c’est très fort. On se retrouve directement plongé dans l’histoire. Intense, glaçant. On se doute qu’avec une musique pareille, quelque chose de terrible arrivera tôt ou tard à un moment donné. La question est de savoir où, quand et pourquoi ? Ces titres, en plus de nous malmener émotionnellement, sont pour nous informer sur ce que l’on va voir. Gare aux violons et aux percussions !


Au final, Signes, c’est une expérience inédite à vivre au moins une fois sous peine de rater quelque chose d’émotionnellement lourd. L’ambiance, la mise en scène ultra réaliste et détaillée, le travail sur les bruitages, la force des dialogues, l’acheminement de l’intrigue, le jeu incroyable des acteurs, Signes est à mes yeux un chef d’œuvre. Du pur génie que seul Shyamalan est capable d’offrir. Laissez libre cours à votre imagination, laissez vous porter par l’histoire, je peux vous garantir que la sensation que vous aurez pendant toute la durée du film vous marquera à vie. Et vous ? A quel groupe appartenez-vous ?

Créée

le 24 juil. 2017

Critique lue 348 fois

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Jay77

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