Projet longtemps annoncé puis repoussé par Scorsese, ayant fait fantasmer plus d'un cinéphile lorsqu'il était encore question que Daniel Day-Lewis tienne le rôle finalement échu à Liam Neeson, Silence a finalement débarqué dans les salles en ce début 2017 et le moins que l'on puisse dire est que l'attente n'est pas récompensée. On sait les rapports ambiguës que le cinéaste entretien avec la foi et la chrétienté et l'on pouvait s'attendre à un film dans la lignée de sa Dernière tentation du Christ. Malheureusement, force est de constater que le résultat est loin des espérances.
Difficile de cerner ce qui a bien pu intéresser le cinéaste dans cette histoire tant le film se révèle, au fur et à mesure de son déroulement, avoir la finesse d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Totalement manichéen (les gentils paysans un peu idiots, le très méchant Shogun et les bienfaiteurs missionnaires), le film semble ne jamais parvenir à trouver son équilibre et la complexité que l'on était en droit d'attendre d'un tel cinéaste, d'autant plus pour un projet tant élaboré.
Après tout, un traitement manichéen n'est pas systématiquement un défaut. C'est une construction archétypale qui peut tout à faire se défendre et donner de très bons scénarios. Il me semble toutefois qu'il est beaucoup plus risqué de tenter ce genre de construction pour un film avec une telle thématique au risque de tomber dans le piège d'un film sulpicien, flirtant avec la propagande. Tant est si bien que l'on se demande parfois si l'on est chez Martin Scorsese ou Jean Delannoy.
Pire, on a parfois l'impression d'être dans le musée des tortures japonaises tant Scorsese n'en finit plus de nous montrer que le Shogun est vraiment méchant en empêchant les missionnaires de répandre la vérité. Il y avait pourtant sans doute possibilité d'écrire un scénario beaucoup plus complexe, dépassant son sujet pour amener le film sur un vrai niveau de réflexion sur la religion, la différence entre les cultures, la part d'égo chez les missionnaires,... Finalement, il faudra attendre la toute dernière partie pour que les quelques questions qui fâchent soient évoquées mais cela arrive bien trop tard et Scorsese n'y prête d'ailleurs pas plus attention que cela, le personnage de Garfield n'étant au final guère ébranlé par sa rencontre avec Ferreira.
Il reste bien sûr le talent évident de cinéaste de Scorsese qui signe quelques très beau moments et des scènes marquantes. On note aussi un très beau travail sur le son. Pour ce qui est de l'interprétation, Andrew Garfield n'a pas les épaules pour porter un tel film et il aurait sans doute été plus judicieux que le film se tourne sur Adam Driver plutôt que sur lui. Liam Neeson, très peu présent, n'est pas très inspiré. Heureusement, Issei Ogata vole le film à chacune de ses apparitions.
Silence est au final un film beaucoup trop monolithique pour susciter l'intérêt. Contrairement à sa Dernière Tentation du Christ qui parvenait à captiver quelque soit les convictions du spectateur par sa capacité à poser des questions universelles, ou au Sous le soleil de Satan de Pialat qui parvenait à faire ressentir le trouble de la foi même pour un non croyant, Silence se déroule comme la démonstration laborieuse d'un cinéaste vieillissant qui semble faire un film pour répondre à ses propres interrogations, au risque de laisser le public complètement sur le carreau.