Un puissant drame horrifique ayant perdu de sa saveur

Si certaines œuvres de Stephen King restent omniprésentes dans l’inconscient collectif, outre leur grande qualité d’écriture, c’est aussi grâce à la renommée de leur adaptation respective. Il est vrai qu’aujourd’hui, personne ne connaîtrait autant Carrie, Shining et Dead Zone sans les films de Brian De Palma, Stanley Kubrick, David Cronenberg et consorts. Malheureusement, d’autres best-sellers de l’écrivain n’ont pas connu cette chance, malgré leurs indiscutables atouts. Et parmi ces malencontreux romans, qui méritaient amplement un long-métrage à leur hauteur, se trouve en tête de liste Simetierre. L’un des plus grands succès de l’auteur, se retrouvant pour le coup entiché d’une adaptation oubliable sans toutefois être honteuse.


Il faut quand même avouer que contrairement à ses aînés, Simetierre peut se présenter comme un film pour le moins osé. Et pour cause, ce dernier propose une distribution faite de personnes inconnues du grand public. Ici, point de Jack Nicholson ou bien de Christopher Walken à l’affiche. Faites place à Dale Midkiff (la série Les 7 Mercenaires), Denise Crosby (48 Heures et la série Star Trek : La nouvelle génération) et Fred Gwynne (pas grand-chose de notable au compteur…) ! Sans oublier la cinéaste Mary Lambert, qui n’avait jusque-là réalisé que trois films, dont Siesta. La pauvre femme tient malheureusement avec Simetierre sa seule œuvre potable, étant donné qu’elle livrera par la suite des nanars sans nom tels qu’Urban Legend 3 et Mega Python vs. Gatoroid, c’est pour dire ! Non, s’il fallait compter sur un seul nom au tableau, c’était bien celui de Stephen King lui-même, qui officie ici en tant que scénariste. Mais cela ne sera pas suffisant…


Il est décevant de voir à quel point l’auteur ait pu autant faire l’impasse sur une œuvre aussi riche et puissante que Simetierre. Un roman qui traitait du rapport d’une personne à la disparition brutale d’un proche, des conséquences de cette dernière si la résurrection était possible. Une histoire incroyablement riche et complexe. Une montée horrifique qui ne laissait aucunement indifférent une fois l’ultime page tournée. Voir Stephen King s’occuper de l’adaptation de son propre best-seller avait de quoi espérer bien des choses… ce qui n’est malheureusement pas le cas. Du livre de 630 pages, l’auteur en livre un scénario ne reprenant que les grandes lignes de son modèle. Un script qui va trop vite à l’essentiel, préférant sacrifier la complexité des personnages et tout leur background (présenté sous la forme de flashbacks anecdotiques, voire guignolesques) pour ne s’intéresser qu’aux passages principaux de l’histoire. Comme si King se préoccupait plus du côté horrifique de l’œuvre et non de son aspect émotionnel. Celui-ci est pourtant bien présent, mais son impact est amoindri par ces coupes gargantuesques. Sans compter les diverses répliques à consonance métaphorique, donnant l’impression de sortir d’un chapeau et n’ayant tout bonnement aucun sens. Avec un tel constat à l’arrivée, le spectateur risque fort de ne pas plonger corps et âme dans un récit ayant perdu une bonne partie de son essence et même de son intérêt.


Son rendu mitigé, Simetierre le doit également à Mary Lambert. La réalisatrice s’est en effet livrée à un travail maladroit, oscillant entre banale mise en images du script et quelques preuves de savoir-faire. Pour illustrer pleinement ce propos, il est bon de préciser que la cinéaste ne fait que filmer ses comédiens, ceux-ci ne livrant que le strict minimum, sans jamais retrouver la sinistre atmosphère du livre. Mais qu’à certains moments, elle parvient à reprendre le côté menaçant (toutes les apparitions du chat Church et son regard illuminé, figure de proue de l’histoire) et la puissance des passages clés (la mort tragique d’un des protagonistes principaux) de l’œuvre originelle, tout en saupoudrant le tout de quelques minutes de pure tension. Malheureusement, toutes ces bonnes notes se retrouvent très vite gâchées par des effets de montage et de mise en scène qui font tourner l’ensemble en ridicule : un diaporama de photos survenant aussitôt après le décès d’un personnage, des mises à mort rappelant un peu trop Vendredi 13 (une ressemblance qui se ressent jusque dans les compositions musicales d’Elliott Goldenthal)…


Le reste du film va également dans ce sens, proposant d’un côté de bonnes choses, de l’autre des défauts difficiles à effacer de son esprit. Un fait qui touche principalement les effets spéciaux, ayant soit très mal vieilli (la faute à un faible budget), soit tenu les décennies. Même constat pour les maquillages, qui peuvent tout aussi bien paraître bluffants (le personnage fantomatique de Victor Pascow) que grotesques (Zelda, la sœur de Rachel Creed). La liste est encore longue, mais il n’est pas nécessaire de continuer pour dire qu’à cause de ses imperfections, de son travail à moitié bien fait, Simetierre manque cruellement d’envergure. Et ce malgré les bonnes intentions qui se sentent à travers le projet.


Ce n’est un secret pour personne : pour une bonne adaptation et obligatoirement un bon film, il faut avant toute chose une équipe talentueuse. Simetierre ne fait malheureusement pas partie de cette catégorie, la faute à un Stephen King qui est meilleur auteur que scénariste. À une réalisatrice qui n’a ni la carrure d’un Kubrick, ni d’un De Palma. À un rendu final si bancal qu’il ne trahit pas l’œuvre originale mais ne lui fait pas honneur pour autant. Simetierre, malgré la portée émotionnelle du livre, ne restera qu’une série B horrifique faisant pâle figure aux mastodontes que sont Carrie, Shining et consorts. Et ce n’est pas la suite, à nouveau réalisée par Mary Lambert en 1992 et sobrement intitulée Simetierre 2, qui viendra arranger les choses…


Critique sur le site Cineseries-mag --> https://www.cineseries-mag.fr/simetierre-un-film-de-mary-lambert-critique-82992/

Créée

le 8 janv. 2017

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