Simple comme Sylvain est la troisième réalisation de Monia Chokri. C'est avec ce film que je découvre la réalisatrice canadienne et c'est un film qui me donne très envie de découvrir ses autres réalisations. Les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier ce film, drôle, touchant, intelligent, inventif, savoureux ... c'est une vraie bonne et belle surprise pour moi.

Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) est un professeur de philosophie vivant à Montréal et en couple avec Xavier (Francis-William Rhéaume) depuis dix ans. Sylvain (Pierre-Yves Cardinal) est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne, nouvellement acquise. Mais voilà, quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c’est le coup de foudre. C'est bien connu, les opposés s'attirent ... mais cela peut-il durer ?

Cette comédie au fort accent québécois est arrivée sur nos écrans précédée d'une belle réputation (festival de Cannes et de Toronto) et honnêtement, c'est amplement mérité. C’est un vrai bon feel-good movie comme je les aime. C'est le mariage parfait entre la comédie populaire et le cinéma d'auteur, pour nous offrir un film drôle et intelligent. Les situations comiques, bien soutenus par des dialogues parfaitement ciselés, s'enchainent à un rythme très soutenu. Et quel plaisir de repérer toutes les références cinématographiques (et philosophiques) qui témoignent d'un vrai amour du cinéma de la part de sa réalisatrice. La mise en scène de Monia Chokri est très soignée et inventive, avec l'utilisation fréquente du zoom (parfois à outrance, certes), rendant ainsi un bel hommage au cinéma des années 70 et à la Nouvelle Vague.

Le film n'évite pas les gros clichés, mais ce n'est pas bête et méchant pour autant. Au contraire, le film a cette capacité rare de nous faire rire, émouvoir et pleurer lors d'une même scène et il ne nous impose jamais quoi penser, quoi dire ou quoi faire. Le propos sur les rapports de classe et les rapports de sexe sont traités avec beaucoup de subtilité et ne viennent jamais occuper tout l'espace, sauf sur la fin (la fête d'anniversaire) où Monia Chokri force volontairement le trait. Et si en effet le propos qui tourne autour du mépris de classe occupe une place importante dans le scénario, Simple comme Sylvain c'est aussi et surtout un film sur le désir amoureux (et sexuel). Sans jamais être vulgaire, le film nous offre quand même plusieurs scènes de sexe assez crues et particulièrement intenses. De mémoire, jamais l'irrésistible attraction des corps n'aura été aussi bien montrée à l'écran.

L’amour est-il possible entre Sophia, une professeure de philosophie citadine et Sylvain, un charpentier brut de décoffrage amoureux de la nature ? Ce couple qui vit entre Montréal et les Laurentides, peut-il résister au choc des cultures ? Tout les oppose dans leurs milieux respectifs et c'est là où le drame et la comédie se mêlent à la perfection. Le film a le mérite de poser la question et tente même d’apporte quelques réponses et ceci en évitant tout cynisme. Tout les oppose, mais la complicité entre les deux personnages/acteurs est évidente et c'est une histoire d'amour à laquelle on a envie d'y croire ... et on y croit vraiment. Peut être que sur la fin, la fête d'anniversaire manque de cette subtilité qu'avait su tenir le film jusque là, mais c'est bien le seul reproche que je pourrais adresser au film.

Monia Chokri aborde d'une manière très personnelle la crise de la quarantaine et le désir amoureux. Elle laisse parler sa sensibilité à travers ses personnages, car Simple comme Sylvain c'est d'abord un film de personnages. Sophia occupe tout l'écran et il n'y a pas un seul plan du film où elle n'est pas présente. C'est à travers le personnage de Sophia et de l'actrice Magalie Lépine-Blondeau que Monia Choukri parle d'elle-même, c'est évident ! Le ton du film est très caustique, mais sans jamais oublier la tendresse et sans jamais être méchant (ou alors très peu). Ajoutez à cela des dialogues ciselés et jubilatoires et vous obtenez la comédie romantique parfaite. Dans ses moments de grâce, le film m'a rappelé le cinéma de Woody Allen et le meilleur de Woody Allen (Annie Hall et Manhattan). C'est comme si Woody Allen avait changé de sexe, avait rajeuni de 40 ans et avait migré à Montréal.

Pour finir, un petit mot sur les acteurs qui sont tous formidables, à commencer par les deux têtes d'affiche, Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal. Tous les deux sont excellents et ne tombent jamais dans la caricature, bien aidés il faut dire par l'écriture ciselée de leurs personnages. Mais c'est surtout Magalie Lépine-Blondeau qui impressionne le plus de part la finesse de son jeu et la large palette d'émotions qu'elle est capable d'exprimer d'une scène à l'autre et parfois même dans la même scène. Pierre-Yves Cardinal sans sort également avec les honneurs, mais son personnages est plus "simple" à interpréter, plus "monolithique". Il faut également mettre en avant les seconds rôles, tous plus truculents les uns que les autres et interprétés par des actrices aussi drôles que touchantes, à l'image des deux mamans (Marie-Ginette Guay et Linda Sorgini), de la belle sœur (Christine Beaulieu) et de la meilleure amie (Monia Chokri) ... surtout des personnages féminins, en fait ! C'est vrai que les personnages masculins restent au second plan et semblent parfois bien fades comparé aux personnages féminins.

Bref, Simple comme Sylvain est un film truculent, qui mêle avec virtuosité, des moments drôles, graves et tendres. On y retrouve toute la candeur, la sophistication et l'humour décapant de Monia Chokri. Simple comme Sylvain c'est une sorte de Bridget Jones venue du Canada et c'est la meilleure version de Bridget Jones.

lessthantod
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le 2 déc. 2023

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