Sin City. La ville où il fait toujours nuit. Je suis arrivée par le bus et par hasard, sur les conseils d'un éclaireur daltonien. A trop collectionner les bouteilles, ses yeux ont déconné et confondent maintenant le blanc et le noir. Sale temps pour un admirateur de Kurosawa.


Dès que j'ai posé les talons dans ce bar, j'ai senti fleurir le premier bâillement. Pas d'ambiance, tout est propret, bien cadré. Une blondasse oscille sur scène, toujours les mêmes ondulations. Elle ne semble pas à l'aise, je la verrais mieux dans une série pour ados. Il y a quelques gueules qui sont amarrées au zinc. Une se démarque, un profil de Grand Blanc, le cuir tanné, si épais que seul les yeux s'animent. Il y a un autre balaise, moins massif, plus félin mais moins féroce. Il a le regard du gars qui va s'envoyer la fille. Il a le nez de celui qui va se le faire briser. Il a des fesses que Herb Ritts auraient pu photographier. Et il y a le petit minet, belles ratiches et regard de fouine. Encore sobre je sais qu'il finira pas la manche. Il n'existe pas, il ne sert qu'à accentuer la détermination et la cruauté de son paternel. Encore un archétype, le papa, méchant pour les besoins du scénario. Il abat ses cartes et ses opposants.



Et il y a la femme, celle aux yeux verts et à la bouche... J'aimerais être lesbienne, maintenant. Les hommes sont envieux, les femmes jalouses. Je la veux et je la hais. Mais comme les autres, sa belle coquille sonne creux dès la première caresse. Même en noir et blanc le vide résonne. Son corps aux courbes elliptiques n'arrivent pas à cacher la vacuité de l'artifice. Comme cette ville, comme ces mâles, comme le sang qui jaillit, rien n'est authentique, viscéral. Je suis vivante mais mon cœur ne bat pas. Je respire et pourtant je suis froide.



Ma première excitation disparait comme la virginité à une soirée de Spring break. Ou est la crasse ? Ou est la poésie ? Ces esquisses d'êtres humains récitent de mauvaises tirades, à peine écrites et trop apprises. Les émotions n'affleurent jamais, l'implication m'a désertée. Je vide un autre verre, la fumée de ma cigarette ne donne pas plus d'épaisseur au spectacle. Les silhouettes se croisent, se frappent, s'accouplent. Seul l'alcool me réchauffe encore. Du noir. Du blanc. Du vide. Ma bouteille est un cadavre, ma bouche sucrée, ma déception amère.

Dans le rétro de mon cabriolet je vois les dernières lueurs de la ville s'éteindre. Pourvu qu'elles ne se réveillent jamais.

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le 24 févr. 2015

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Alyson Jensen

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