Fatih Akin, auteur allemand d’origine turque, qui nous a déjà donné maints petits bijoux dans son style original et puissant (Im Juli, De l’autre côté, Soul Kitchen) nous apporte ici avec son troisième long-métrage un film référencé, cultivé, qui s’inscrit dans l’histoire du cinéma pour venir y apporter une contribution respectable. Le début est fellinien, et plus précisément un hommage plein de respect à Amarcord à travers l’évocation nostalgique de l'enfance du héros dans sa famille italienne. Puis on pense à Fassbinder avec l’arrivée de la famille en Allemagne au détour des années soixante-dix… Et peu à peu, ce réalisateur si créatif qu’est Fatih Akin dégage son propre style, comme le fait son personnage principal forcé de tailler sa route parmi les vicissitudes de la vie. C’est un film sur l’immigration (d’Italie en Allemagne), sur la famille, sur la jalousie fraternelle bien sûr, mais c’est aussi - et peut-être surtout - un film sur le cinéma et sur la faculté qu’il a de faire supporter la vie, même quand tout va mal. La séquence où l’amie de Gigi repeint le mur pour en faire la toile d’un cinéma à ciel ouvert est l’une des plus belles que j’ai vues ces dernières années. Au total, on a presque un chef-d’œuvre à qui il manque seulement une pointe d’homogénéité. Akin se disperse parfois (de façon infinitésimale comme dans la séquence où les deux frères sont dans la voiture) mais c’est un défaut mineur car il est le reflet de son amour pour la vie, pour la couleur, pour « l’ardeur et la passion », comme l’inculque le vieux maître au jeune apprenti en cinéma… Quelle leçon !