Alors je l'ai vu il n'y a pas longtemps ce film (21/05/2013) et j'ai trouvé le discours extrêmement réactionnaire et réformiste dans ses solutions. Le passage qui m'a le plus parlé n'a duré que quelques secondes. Le reste du temps tourne autour du constat alarmant (sur l'être humain aussi bien que sur la qualité des sols et des produits) et sur ce qui apparaît être des astuces, agréables, ludiques, sincères mais qui ne remettent pas en cause la PAC par exemple, ne serait-ce que cela (pour moi, il n'est pas là le problème, mais évoquer le délire de la PAC serait un effleurement de conscience tout de même).


Au lieu de cela, j'ai découvert deux trois pratiques condamnées à demeurer en marge, idéales pour tous les individualistes désespérés ; dans une période de capitalisme déliquescent, la proposition de s'adapter au capitalisme plutôt que de l'abattre me plaît moyennement. Vous nous avez fait là un bien gentil film, madame Serreau !


Alors, j'ai découvert le jardin mandala, c'est sans doute très bien mais ça va être compliqué pour organiser la production, n'est-ce pas.


Quant aux AMAP, cela a été dit dans le film, elles sont saturées de demandes.
L'AMAP des Lilas ne peut servir que trente paniers hebdomadaires ! Pourquoi ? Parce que les petits producteurs n'existent pas davantage ! Le reste appartient à des grands groupes, tout simplement... Et que pour changer considérablement de qualité de vie, il faudra bien un jour cesser de se demander si le profit maximum est une loi juste dans ce monde ; il faudra bien exproprier ces grands groupes, ces Nestlé, ces Danone, ces Monsanto, ces Bonduelle qui sont protégés par l'Etat.


Le film ne le montre pas mais je souhaite faire un tour exhaustif de ce qu'il suggère. Il suggère par exemple de...


◘ Boycotter la grande distribution (boycotter les marques ou certains pays, grève de la consommation, journée sans télé, portable, etc.) ? Allons... Vous n'imaginez pas à quel point les Carrefour, les Casino et les Auchan sont capables de s'adapter pour satisfaire la demande ! C'est justement ça l'une des forces du capitalisme. Et boycotter quoi ? En fonction de quoi ? Des emplois licenciés ? Des profits ? Non, non... Du "productivisme", de l'obsolescence programmée ou de l'écologie. Moi, mettant l'homme au milieu de ma vision ? Oui, car seul l'homme travaille et le travail fait l'économie, et pas l'inverse. Boycotter Danone ou Monsanto, ça fera pas une meilleure école ou de meilleures hôpitaux.


◘ Relocaliser la production ? Quel projet réactionnaire ! Nous avons besoin de toutes les productions du monde pour vivre. Si, par exemple, tu peux lire cette critique, n'est-ce pas parce que la technologie le permet ? N'est-ce pas parce qu'il y a des mines de silice au Pérou pour fabriquer des câbles coaxiaux ?


Le film s'arrête sur ce constat de succès de l'AMAP saturé parce qu'il appelle à ce que d'autres ouvrent. Mais les petits producteurs la savent bien, la vérité ! Voilà pourquoi Serreau ne s'interroge pas le fait qu'il n'y en ait pas davantage.


Parce que du Parti de Gauche (qui comprend des membres de mouvement Utopia) à Lutte ouvrière, nous faisons le constat à différents niveaux que c'est le capitalisme qui conduit à détruire les petites exploitations.


J'ai lu il n'y a pas longtemps aussi cet article sur l'histoire économique récente de la Pologne. Il montre à quel point la nature du capitalisme est de s'en prendre aux exploitations modestes. http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/article/pologne-un-miracle-economique-qui


Ensuite, je vais bientôt lire, une réflexion en brochure (en pdf) : http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/la-decroissance-une-doctrine-qui-8991 Je reviendrais peut-être pour en parler aux personnes qui s'interrogent ou qui l'ont lu tout simplement.


Pour conclure, un film comme "Solutions locales pour un désordre global" est intéressant mais me pose problème moralement puisque si le désordre est bien là (mis à part quelques discours complètement farfelus), les solutions sont soit inappliquables à moyen terme (l'absence totale de remise en cause, à part une profonde indignation "raisonnable", est très préjudiciable ("Oh mon dieu, ma terre, que t'ont-ils fait !"). Soit les solutions paraissent trop minimales (il doit y en avoir deux, en tous cas j'en ai retenu deux (dîtes-moi si je me trompe). Enfin, parler de "solutions" me paraît très prétentieux...


J'aurais tant souhaité qu'on justifie ce titre et que ces solutions touchent l'intégralité de la population (française comme ailleurs), que des gens de Mouvement Utopia soit invités. Au lieu de ça, Serreau fait des violons avec des gens comme Guillet de Kokopelli (qui n'est rien d'autres qu'un concurrent de Monsanto, gentil concurrent diront certains), Rabhi (qui divague dans les paraboles comme toujours) ou encore Desbrosses, gentil technocrate auprès de ses humbles exploiteurs de l'Etat français et de Bruxelles.


Pour le coup, puisque ça ne parle pas de solutions applicables ("solutions locales..." en parlent tellement peu que je me permets), j'ai nettement préféré "we feed the world" pour le tableau explicatif de la violence capitaliste dans l'alimentation. Ce dernier ne parle pas de solutions mais il ne truque pas son analyse dès la première seconde. J'ai apprécié que Serreau nous montre les solutions de certains, de partager les connaissances et les expériences mais je n'en partage pas l'aveuglement promotionnel.


L'utopie, c'est de contourner le capitalisme.

Andy-Capet
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le 31 mai 2013

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le 12 juin 2013

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