Souvenez vous en 2001 un jeu réalisateur, Richard Kelly, crée l'événement avec le surprenant et instantanément culte Donnie Darko. Un film complexe et brillant qui mêlait voyage dans le temps, aléas de l'adolescence, lapin géant et fin du monde.
Un coup d'essai transformé en coup de maître, il n'en fallait pas plus pour attendre de pied ferme son second film. Une attente longue ponctuée par une sélection officielle à Cannes en 2006. C'est précisément à ce moment là que les choses se gâtent: accueil catastrophique, pression de la production et remontage qui dura près d'un an pour une sortie aux USA en Novembre 2007.
Mais les ennuis ne s'arrêtent pas là puisque le film fait un four monumental, apocalyptique même. Distribué en salles dans seulement une demie-douzaine de pays le film n'a trouvé aucune débouchée chez nous et finit par sortir directement en DVD... 16 mois après la sortie américaine.
Southland Tales est il un grand film maudit ou une purge qui mérite le sort qu'il a reçu ?


-Sac de noeud

Autant être franc, résumer Southland Tales est difficile. Pour faire simple c'est une uchronie se passant dans un 2008 alternatif où les USA ont subit une attaque nucléaire et ont déclenché la 3ème guerre mondiale pour anéantir l'"axe du mal" (qui n'a rien à voir avec le déodorant pour homme). Dans ce climat délétère évolue une tripotée de personnages tous plus étranges les un que les autres mais chacune de leur histoire gravite autour de celle d'une star de cinéma revenu amnésique d'une escapade dans le désert dont on ignore la nature exact. Tout cela est aspergé de science-fiction à base d'énergie révolutionnaire et de régime techno-fasciste contre lequel se bat une résistance néo-marxiste prête à tout pour l'abattre.

Ce joyeux bordel est soutenu par une réunion d'acteurs effrayante au premier abord. On trouvera notre chasseuse de vampire Sarah Michelle Gellar en actrice porno (désolé mais il n'y a pas de scène hard avec elle), Sean William Scott (l'obsédé d'American Pie) en flic jumeau, Dwayne Johnson (le Roi Scorpion) en superstar du cinéma amnésique, Justin Timberlake (l'un des mecs qui vous casse les oreille si jamais vous avez le malheur d'allumer la radio) en vétéran mutilé ou encore Christophe Lambert (qu'on ne présente plus évidemment) en trafiquant d'arme. Aussi improbable que le pitch du film lui même ce casting n'est pas franchement aidé par une direction d'acteur vraiment outrancière. Ca roule des yeux, ça appuie la moindre intention, ça en fait des tonnes.
A ce petit jeu tous ne sont pas armés de la même façon et dans la plupart des cas ça ne fonctionne pas de manière optimale. Pour être complètement honnête c'est globalement irritant à suivre tant la plupart des acteurs en font des tonnes.
Cependant on retiendra Sean William Scott, étonnement sobre et juste dans ce chaos et notre charismatique catcheur de service, Dwayne Johnson, qui sait tirer parti de ces outrances pour offrir un jeu exagéré mais finalement jubilatoire.

Pitch tordu, personnages par pelletés, casting à risque, le film ne recule devant aucune difficulté et essaye de brasser des thèmes aussi vastes que délicats. Ainsi on trouve de nombreuses références à la religion, aux manipulations électorales, à la politique extérieure américaine, au terrorisme, au contrôle de la population, à la responsabilité des USA face au monde, la prescience, etc... Qu'on ne s'y trompe pas Richard Kelly nous raconte encore une fois la fin du monde et comme dans Donnie Darko il ne s'intéresse pas aux moyens d'y remédier mais d'avantage aux causes et aux réactions des personnages face à cela. L'empilement de tous ces éléments dessine les contours d'un projet très ambitieux. Ambitieux mais également potentiellement indigeste tant l'équilibre entre ces différent ingrédient est délicat.
Le scénario est sortit tout droit de l'esprit de Richard Kelly et par conséquent tout repose sur ses épaules pour placer le ciment où il faut.


-Tête de noeud ?

Malheureusement s'il y a bien un constat a retirer suite à la vision de Southland Tales c'est que le film est incompréhensible, les motivations des deux tiers de personnages sont complètement obscurs et dans certains cas carrément contradictoires. Les différents éléments de l'intrigue se développent et partent dans tous les sens sans qu'au final on comprenne leurs lien avec le destin du monde tel qu'on nous le décrit alors même que le script aimerait en faire la synthèse.
On assiste à une sorte de tourbillon de personnages et de situations étranges parfois à la limite de l'hallucination pure et simple. Si certaines pistes explorées sont intéressantes prises individuellement (particulièrement celle du pardon) elles cohabitent finalement assez mal et ont tendance à se parasiter.

En plus d'être mal dégrossit le script se complait dans cette accumulation gratuite de thèmes forts comme pour se donner une certaine importance. Le fait est que plus on avance et moins on comprend l'intérêt des séquences que l'on vient de voir, les pièces s'ajoutent mais ne se complètent que peu. Au final le film se veut une critique profonde de l'Amérique de Bush mais à plutôt l'air d'une baudruche pleine d'air.
La narration est complice de ce sentiment et tente de masquer la vacuité de la démonstration par des allers-retours incessants entre les différents pôle d'intérêts quitte à gonfler artificiellement le rôle de certains personnages transparents. En découle un rythme haché qui tend vraiment à plomber un intérêt déjà tout relatif.
Préférant jongler avec les éléments de l'histoire plutôt qu'en tirer quelque chose Richard Kelly s'évertue à compliquer inutilement les situations comme si cela pouvait leur apporter de la substance. Aborder un thème est différent de le traiter et c'est dans cette impasse que tombe le film. C'est d'autant plus embarrassant que sur pas mal de point le film brode sur des bases caricaturales ou peu fines.

Derrière sa caméra Richard Kelly déploie des cadrages très soignés et des idées de mise en scène parfois vraiment pertinentes mais à tendance à se noyer, là encore, dans l'excès de procédures narrative. Notamment une voix off trop présente qui rajoute une quantité d'informations par forcément nécessaires par dessus des images déjà bien chargées. Le pire étant que malgré ça le film ménage des séquences parfois complètement décalées et hallucinée (au sens propre comme figur ) qui peuvent se révélé vraiment pénible.
A nouveau on a ce désagréable sentiment que le réalisateur s'amuse à épaissir la mayonnaise au lieu de lui donner de la cohérence.
Ceux qui ont vu Donnie Darko savent que Richard Kelly aime les histoires et les narrations torturés mais là la machine coince irrémédiablement faute d'une véritable ligne directrice sous-jacente. On passe d'un séquence typée Sitcom à une séquence musicale pop insupportable avant d'embrayer sur une bulle multicolore et contemplative et finir sur une séquence que l'on jurerait emprunté aux films de SF des années 50. Parfois on croit lire du second degré puis bizarrement on se rend compte que la scène est grave... à moins que ça ne soit l'inverse.
Dans ce bordel sans queue ni tête ne ressort même pas quelques moments de pure cinématographie, malgré un effort visuel pour broder certaines ambiances on ne retient rien tant on est paumé.

Et pourtant la bande son aurait du me pousser à l'indulgence mais même avec du Muse, du Pixies, du Radiohead ou du Black Rebel Motorcycle Club mais ça ne suffit pas. En même temps fallait peut être pas abuser autant de Moby non plus.


-Le noeud du problème

Aussi ambitieux que bancal Southland Tales se voit bien en critique globale et définitive de l'Amérique de Georges W. Bush mais ressemble plus à une baudruche prétentieuse.
Dommage le film avait du potentiel avec son histoire que l'on jurerait tiré d'un roman de Philip K. Dick. Embrouillé, laborieux et un peu chiant le film retombe comme un soufflet. Richard Kelly a eu les yeux plus gros que le ventre, a trop vouloir tricoter il a perdu de vue l'essentiel, une prise de risque constante et louable mais malheureusement pénible et vaine. Southland Tales est définitivement un film malade mais également raté.
Vnr-Herzog
5
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le 16 mai 2010

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