Ce n'est pas la première fois qu'on nous promet le manga live. On a déjà trépigné d'impatience, on a souvent été déçu et du coup, maintenant, on reste prudent. Avec Space Battleship Yamato, la donne ne change guère et le film émerveillera les uns autant qu'il laissera les autres de marbre. Alors, autant apprécier le film pour ce qu'il est : un film japonais avec tout ce que ça implique en terme de style et de rythme, parfois bien loin des standards du pop corn movie. Mais c'est aussi un vrai blockbuster lorgnant du côté des mastodontes américains avec pour objectif de s'adresser à un large public. De cette hybridation, le film en tire des qualités mais aussi des défauts.


Son gros point fort : la direction artistique a "de la gueule" ! Décors, costumes, effets spéciaux, photographie... rien n'est à jeter. Les CGI sont dignes d'une production américaine actuelle (genre Star Trek 2009) et servent magnifiquement toute l'imagerie de l'univers de Leiji Matsumoto. Car la patte du créateur du manga d'origine est omniprésente, tant visuellement qu'au niveau du scénario. L'histoire du film se situe dans la grande tradition de ses précédents ouvrages : un navire, dernier espoir de l'humanité, voyage à travers la galaxie à la recherche d'une planète providentielle. Que le vaisseau s'appelle Yamato ou Arcadia/Atlantis, que le héros s'appelle Kaido ou Harlock/Albator, l'histoire ne change guère et les fans des séries animées japonaises des 70's et 80's se retrouveront très vite en terrain conquis. Les thèmes chers au papa d'Albator, tels que l'écologie, la poésie, ou le sens du sacrifice (le spectre de la Seconde Guerre mondiale n'est jamais loin) sont eux aussi bien présents.


Malheureusement, tout n'est pas parfait. Si les enjeux dramatiques sont vite posés, on les perd un peu de vue au profit d'une caractérisation poussée des protagonistes. Ce n'est pas un défaut en soi — loin de là —, bon nombre de films proposent des personnages fades, mais il eut été judicieux de rééquilibrer l'ensemble. Le film fait également de nombreux clins d'œil aux grands succès de la science-fiction américaine (le Battlestar Galactica de Ronald D. Moore, Star Wars, voire même Independence Day...) mais ne digère pas assez ses références et on a trop souvent l'impression de revoir des copiés/collés de scènes bien connus. Quant aux batailles spatiales promises sur l'affiche, elles sont trop peu nombreuses et de trop petite envergure. Quand aurons-nous droit à une scène digne de l'attaque de l'étoile noire de Star Wars (toujours une référence aujourd'hui) ? Des défauts trop pesants sur la première heure du métrage, mais vite rattrapés par une deuxième bien plus rythmée, nous offrant la dose d'action que nous sommes en droit d'attendre. Au bout du compte, le film s'avère être un sympathique space opera qui se paye le luxe de réussir totalement son final (qui réévalue considérablement le film), et ce sans promettre de suite. La chose est assez rare pour le signaler, à l'heure où un film de cette envergure se réfléchit systématiquement en terme de franchise.


Imparfait mais sympathique, Space Battleship Yamato est un film dépaysant, un véritable manga live nettement plus réussi qu'un Casshern en terme de narration, servi par une mise en scène soignée, mais qui satisfera surtout les fans de Leiji Matsumoto. Pour les autres, c'est aussi une belle porte d'entrée.


P. S. : l'idéologie derrière la saga Yamato a toujours posé problème. En effet, le nom "Yamato" fait référence au fameux cuirassé de premier rang de la marine impériale japonaise pendant la seconde Guerre Mondiale. Il fut envoyé en mission suicide pour mettre à mal la flotte américaine lors de la bataille d'Okinawa. Si Leiji Matsumoto a toujours prôné la liberté, la tolérance et le respect de la vie humaine avant tout, Yoshinobu Nishizaki, le producteur de la saga à qui est attribué le concept initial, est un personnage nettement plus sulfureux. Cependant, la série animée prend ses distances avec le bâtiment d'origine lorsque le capitaine Jyuzo Okita condamne la vocation de l'ancien cuirassé Yamato ("Ce Yamato-ci n'a pas été conçu pour la guerre. Son but premier est de prévenir la vie d'être détruite.") Qu'en est-il du film ? Les intentions de l'équipage sont clairement louables, mais un discours du héros faisant référence à l'illustre ancêtre du cuirassé peut laisser le spectateur perplexe. La traduction française nous fait-elle perdre quelque subtilité ? Le doute est permis.

MajorTom
7
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le 16 oct. 2011

Modifiée

le 25 juil. 2012

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MajorTom

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