« How many more Spider-People are there ? » MILES MORALES

Sony Pictures Animation s’associent avec Phil Lord et Chris Miller, le duo derrière Cloudy with a chance of meatballs, 21 Jump Street, The Lego Movie et 22 Jump Street, pour rajeunir la franchise cinématographique Spider-Man, en développant une comédie d'animation inédite et pouvant coexister avec les films Spider-Man en prise de vues réelle.

Spider-Man : Into the Spider-Verse est annoncé dans la scène post-générique du très, très moyen Venom pour une sortie en fin d’année 2018.

Le film d’animation se concentrera sur Miles Morales, créé en 2011 dans les comics Ultimate Spider-Man (version alternative de la continuité principale de MARVEL) par le grand scénariste Brian Michael Bendis et par la dessinatrice Sara Pichelli. Remplaçant Peter Parker décédé dans l’univers Ultimate, Miles Morales est un jeune afro-latino de Brooklyn également mordu par une araignée radioactive.

La première chose qui marque (la rétine), en regardant le film, c’est sa direction artistique. Elle se démarque en étant une sorte de comics vivant, coloré, très rythmé, mettant beaucoup l’accent sur les visuels et les jeux de couleurs. Sur ce point, le film peut se targuer d’être une réussite, regorgeant de belles idées, jouant avec les illusions d’optique et faisant fi de la gravité pour notre plus grand plaisir. Nos yeux parfois peu coutumiers risquent peut-être de, parfois, être dépassés par le côté explosif du métrage, mais l’adrénaline viendra compenser.

Les réalisateurs Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman peuvent se targuer d’avoir redéfini, pour un temps, le style des films d’animation.

Même histoire, masque différent : tel est le principe qui semble dicter le récit. Or n’est-ce pas la politique que le Marvel Cinematic Universe (MCU) suit depuis une décennie ? Avec ses intrigues reposant sur des artifices similaires et une esthétique neutre n’autorisant que quelques ajustements cosmétiques, chaque film du MCU se conforme à un moule. Ce film pourrait faire pareil. Au travers d’un découpage se répétant, les Spider-Men ou Women provenant des différents univers exposent leurs origines. On relève ainsi la récurrence inéluctable du schéma. Même combat que le MCU ? Pas vraiment et la fin du premier acte donne une clé de compréhension déterminante là-dessus.

Venant tout juste d’acquérir ses pouvoirs, Miles Morales assiste à la mort du Peter Parker de son univers. Ce Peter Parker pourrait se définir comme LE Spider-Man. Et donc, il est dégagé d’emblée. Plus qu’un ressort dramatique contribuant au parcours de Miles, on peut y voir une note d’intention nous disant que le film n’est pas intéressé par l’idée de représenter un Spider-Man parfait. Le film se distingue ici du MCU.

On note à quel point le film se méfie des formules toute faites. Les productions actuelles du genre reposent trop sur la croyance que la verbalisation d’une idée suffit à la traiter. Si on peut trouver déplaisant l’humour de Phil Lord et Chris Miller, il devient un moyen pertinent pour affirmer ce rejet. Tous les personnages se retrouvent gavés par la réplique « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » si abusivement répétée qu’on a envie de renier son message par pur esprit de contradiction. Lors de l’oraison funèbre de Mary Jane, la déclaration que n’importe qui peut être un héros derrière le masque est ouvertement renvoyée à sa dimension métaphorique. Le caméo de Stan Lee enfonce le clou. On ne se construit pas en suivant littéralement des messages de vie. Miles trouve finalement le meilleur mentor possible avec la version bedonnante de Peter. Lui dont la vie est un naufrage intégrale lui donne la seule leçon : on ne peut pas forcer les choses, mais on peut les prendre comme elles sont et accepter de faire le grand saut.

L’accomplissement de Miles passe par l’abandon du costume classique de Spider-Man pour revêtir le sien. Soit exprimer son propre style pour revendiquer son identité. C’est naturellement là qu’elle film en met plein les yeux et embrasse tous les écarts fantaisistes interdis dans le MCU. Certes, être Spider-Man conduit à prendre un certain parcours. La naissance de capacités incalculables, la confrontation à la mort, la difficulté de gérer un quotidien, etc… Autant d’éléments qui séduisent chez Spider-Man puisque nous renvoyant à ce que tout un chacun connaîtra à un stade de sa vie. En tant que Spider-Man, Miles ne fait pas exception à la règle.

Malgré une aventure impliquant la collision du multivers (avant même que le MCU annonce le sien), il complétera toutes les étapes du super-héros arachnéen. Mais la cohabitation des mondes parallèles met en évidence l’infinité des possibilités liées à ce déterminisme. Si chaque incarnation de Spider-Man affirme une approche esthétique différente, cette variété va au-delà de la simple coquetterie visuelle. Elle sonne avant tout comme une revendication de la spécificité de leur version de l’histoire.

Comme indiqué plus haut, le film se refuse à une verbalisation paresseuse. Il préfère la force de l’illustration. Si la stylisation est une préoccupation majeure de la production, c’est bien parce que l’essentiel passe par elle. La scène du graffiti est un exemple d’image l’emportant sur tout discours. En compagnie de son oncle, Miles exprime longuement sa créativité au travers de la réalisation d’un graffiti complexe. Au final, il recouvre celui-ci d’une silhouette noire impersonnelle.

Le réalisme est récusé au profit de l’exagération (voir le charadesign du Caïd), mais sans néanmoins sacrifier toute pertinence. L’usage de cadres reprenant les pensées de Miles est une bonne illustration d’une jonction bien dosée des médias du comics et du cinéma. L’idée intervient précisément au moment où Miles est obsédé par plusieurs questions et n’arrive pas à les démêler ou les écarter. Si ces pensées s’imposent au personnage alors elles s’imposent également à l’image. Cohérent mais ne cherchant jamais à être trop propre ou lisse comme la planche de comics émergeant d’une page blanche, sa dynamique permanente communique ce sentiment d’une pulsion créatrice s’extirpant du néant.

La bande-son de Daniel Pemberton est très urbaine et contemporaine. Elle sublime les images, et le doublage est correct (vu en VF). La présence des Champions du Monde 2018, Olivier Giroud et Presnel Kimpembe ne me dérange pas le moindre du monde étant donné le peu de ligne de dialogue qu’ils ont dans le long-métrage.

Spider-Man : Into the Spider-Verse est très justement récompensé de l’Oscar du meilleur film d’animation en 2019 devant Incredibles 2 de Pixar, Ralph breaks the Internet de Disney, Isle of Dogs de Wes Anderson et Mirai no Mirai de Mamoru Hosoda.

L’animation est proprement saisissante, tout est en mouvement, rapidité, vivacité, effervescence, déplacements des corps incroyable. La direction artistique est véritablement unique et les amateurs de comics apprécieront les cases et les bulles qui ponctuent le récit. L’identité visuelle forte de cet opus est accompagnée d’une bande originale moderne et sur-vitaminée. Tout est réuni pour passer un bon moment en compagnie de nombreux Spider-Men et Women.

StevenBen
8
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le 28 avr. 2023

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Steven Benard

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