J’en suis encore tout estomaqué. Complètement retourné. Voici que ce film désavoué par nombre de mes connaissances qui, depuis plusieurs mois, me le vendaient comme un spectacle d’une hilarante vulgarité auto-masturbatoire, vient de me foutre un high kick d’expert en plein dans ma sale gueule pleine de préjugés.


Harmony, même si ton nom m’évoque celui d’une stripteaseuse faisant le tapin pour payer ses études, sache que tu as réussi à me surprendre. Et après avoir découvert ton film, voilà que je m’en veux. Je m’en veux de t’avoir jugé sans savoir, de t’avoir hué sans te voir. Car le fait est là, ton Spring Breakers défonce. Alors certes ne nous mentons pas, des postérieurs rebondis et des poitrines affriolantes se trémoussant sur du Skrillex, il y en a. Même beaucoup. Et il y a aussi une fellation pratiquée sur un Beretta avec silencieux (si ma mémoire est bonne). Mais que veux-tu cher spectateur désormais dubitatif, la destruction de l’enfance se doit passer par le sexe, le sang et les larmes afin d’être complète... Et détruire l'enfance il n'y a que ça de vrai, n'est-ce pas cher Harmony ?


Là où nombre de spectateurs semblent avoir vu de la provocation stupide et vulgaire dans le choix de ces 4 Disney Models que tu as armées et sexualisées à outrance, sans doute par pur plaisir sadique d'amener à la destruction des rêves de chaque petites filles qui les auraient un jour vénérées comme des idoles, je vois une impertinence à la fois brillante et délicieusement ironique. Car tu es un vilain garçon d'une insolente impertinence, et c'est exactement ça qui fait la force de ton film. Tu te noies dans un merchandising ricain tellement vulgaire qu'il ne provoque plus que le rire, pour mieux le déconstruire par la puissance de ton parti pris. C'est beau.


Magnifiquement coloré par les teintes délicieusement chuppashuppesques de notre ami à tous : le vénérable Benoit Debie, cet amoncellement de bikinis aguicheurs et d'armes automatiques encore chaudes se présente comme une réflexion des plus pertinentes sur l’émotion la plus désespérément humaine qui soit : le fantasme. Un long fantasme coloré et somnambule embrumé de substances illicites, illustrant avec un brio exemplaire ce désir typique de la frontière entre l’enfance et l’âge adulte que nous nommons adolescence, qu’est celui de ne plus être soit. C'est comme cela que j'ai perçu ton film Harmony, comme une illustration pop de cette indicible volonté que nous avons tous eu de plonger, et ce dans le plus simple appareil, au cœur d’un clip de rap ricain bien cliché agrémenté d’une légère touche de GTA, et de se laisser aller à la destruction de l’autre comme un moyen d'expression de ses souffrances intérieurs, quitte à en oublier que la réalité existe, et que ses conséquences nous attendent bien sagement à la maison. Mais tes personnages emplis de naïveté se refusent à atterrir. Ils planent toujours plus haut, ils s’aventurent toujours plus loin… Et finissent logiquement par descendre aux enfers. Et je les aime pour ça. Je les aime pour ce refus jusqu’au-boutiste du réel qui les plonge dans une sorte de léthargie onirique, et qui nous laisse à tous (spectateurs et personnages) un arrière-gout doux-amère en bouche...


Ton film est beau, sombre et profondément mélancolique... Il m'a foutu le bourdon tout en m'émerveillant, et peu de films peuvent en dire autant. Harmony, j’ai réussi à apprécié un film avec des nanas qui se versent de la bière sur les boobs au ralentit sur de la dubstep… Je ne me reconnais plus... Comme quoi l’art peut prendre des formes bien différentes. Pas besoin de came pour planer, le cinéma est là pour ça. Ton film nous le prouve encore une fois, et je t'en remercie.


Certains ont la mémoire courte...

Dex-et-le-cinma
8
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le 22 mai 2016

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