Stalker, d'Andreï Tarkovski, c'est pour moi la découverte avec un cinéma d'une profonde singulartié. L'histoire d'une frustration d'abord, puis d'un apprentissage ensuite. C'est un film que j'ai dû voir deux fois, à un an d'intervalle.


Le premier visionnage, particulièrement dérangeant, m'avait vidé, laissé agars devant un film qui m'avait alors terrassé. Terrassé par son rythme, par ses images, par ses silences et le flot de ses paroles. L'impression de m'être heurté à un mur philosophique hors-norme. Puis avec détermination, je me suis lancé dans le visionnage désordonné des autres films du maître russe. Solaris d'abord, puis Le Miroir, Nostalghia, L'enfance d'Ivan, Andreï Rublev pour finir par Le Sacrifice. Avant de revenir, une nouvelle fois, me confronter au Stalker.


Apprécier Stalker c'est donc le récit d'apprentissage, un peu à la manière d'Howard Becker dans Outsiders, c'est se confronter à un anticonformisme cinématographique poussé dans ses retranchements les plus radicaux. Celui d'un cinéaste soviétique persécuté et torturé par le système politique de son pays, doublé d'une profonde réflexion poétique sur le monde et la nature qui l’entoure. C'est se confronter à un cinéma qui fait fit de toutes les structures narratives existantes pour conceptualiser son propre chemin et nous faire part de son histoire sur les hommes qui conduisent son récit, mais aussi à pousser le spectateur à déchiffrer l'introspection des désirs intimes qui se déploient à l'écran. C'est interroger son rapport à l'autre, mais aussi ses désirs et ses (dés)espoirs. A mesure que le récit se déploie, celui-ci se veut profondément ancré dans la réalité et profondément humaniste. Rarement une œuvre cinématographique n'aura à ce point rogné jusqu'à l'os la chair de notre époque.


Aux antipodes esthétiques des films de science fiction moderne, celui nous conduit jusqu'aux abîmes mental de l'âme humaine à travers une "Zone" aussi luxuriante que défiguré, grasse et humide. S'il convient de ne le comparer à aucun autre, ce film est une œuvre artistique total que résume les paroles de la femme du Stalker :


"Sans malheur notre vie n'aurait pas été meilleure. Elle aurait été pire. Car alors, il n'y aurait pas eu de bonheur, et il n'y aurait pas eu d'espoir"

ThibaultBgdd
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films des années 1970

Créée

le 20 avr. 2021

Critique lue 101 fois

ThibaultBgdd

Écrit par

Critique lue 101 fois

D'autres avis sur Stalker

Stalker
Cnarf06
1

Où l'on peut prendre le vide pour de la profondeur

Quand on voit une bouse hollywoodienne on ne se prive pas de déverser sa bile sur l'infâme produit qui nous a fait perdre 90 minutes de notre si précieuse vie. Mais comment admettre qu'on ait lutté...

le 14 déc. 2011

265 j'aime

127

Stalker
youli
9

Critique de Stalker par youli

Quelque part en U.R.S.S., un lieu attire toutes les convoitises : « La Zone ». Non-lieu post-apocalyptique, où des fossiles de civilisation industrielle sont envahis par la nature sauvage et la...

le 17 févr. 2012

225 j'aime

43

Stalker
Shammo
4

L'angoisse de la mauvaise note

Tous mes éclaireurs éclairés ou presque ont mis la note suprême (10) à ce film. Du coup, j'ai des sueurs froides en écrivant cette critique: mais je me dis que ça vaut mieux que de tenter de passer...

le 31 mai 2011

173 j'aime

37

Du même critique

Dune
ThibaultBgdd
7

Moins 100 degrés celsius

Aucun film n'aura suscité une telle attente pendant la pandémie et ses reports successifs. Après les brillants Premier contact et Blade Runner 2048, j'attendais que Denis Villeneuve nous livre...

le 23 sept. 2021

2 j'aime

2

Drive My Car
ThibaultBgdd
9

Nos douleurs d'aujourd'hui

Après les très réussis Passion, Senses ou encore Asako I & II, Ryusuke Hamagushi livre son film le plus complet et le plus puissant aussi bien sur la qualité de sa narration et de son rythme que...

le 31 août 2021

2 j'aime

Le Désert des Tartares
ThibaultBgdd
8

Le plaisir est dans l'attente

Ovni cinématographique, "Le Désert des Tartares" prend pour objet l'attente. Celle d'un bataillon et du lieutenant Drogo, tenant une citadelle septentrionale d'un pays imaginaire face à un ennemi...

le 9 avr. 2021

2 j'aime