To boldly go where no blockbuster has gone before
Genre lyrique par excellence de la science-fiction cinématographique, le Space Opera n'est malheureusement pas si fréquent. Car cela coûte cher de faire virevolter des vaisseaux ou des corps dans l'espace et le public n'a plus la même avidité de chorégraphies stellaires que du temps de Star Wars. C'est d'ailleurs grâce au succès de la première trilogie de George Lucas que la série Star Trek avait été ressuscitée, d'abord sur grand écran, puis sur le petit. C'est cette période-là qui fit sortir de l'oubli la version télévisée des année 60, gentiment kitsch mais riche d'un univers potentiellement passionnant. Depuis, Star Trek est venu concurrencer Star Wars dans une guerre fratricide qui ne connaîtra probablement jamais de fin. S'il est difficile de nier que la première trilogie Star Wars domine de la tête et des épaules les films de la série classique de Star Trek, c'est à présent le contraire qui a lieu, tant ce rajeunissement de l'équipage de l'Enterprise efface sans mal la deuxième trilogie de Lucas. Savoir que J.J. Abrams va prendre les rênes de Star Wars est d'autant plus savoureux et on n'est pas trop inquiet du résultat s'il met autant de cœur à cet ouvrage. En ce sens, le rachat de la franchise par Disney ne cesse d'être une réjouissante nouvelle.
En attendant, Kirk et Spock assurent l'intérim avec un tel brio qu'on en vient à oublier Han Solo et sa clique. Revanche tardive mais méritée, d'une saga trop longtemps associé aux pires travers des geeks (élitisme, ridicule, beaucoup de bruit pour pas grand-chose). Depuis le redémarrage aussi malin que spectaculaire effectué en 2009, Star Trek est devenu accessible et attachant. Le résultat d'une alchimie de blockbuster parfait où tout semble soigneusement réfléchi sans jamais rien perdre de sa fraîcheur. Star Trek Into Darkness retrouve en particulier le même sens du rythme que son prédécesseur, en démarrant très fort, en développant très vite et en finissant sur une apothéose qui donne l'impression d'aller au cinéma pour la première fois de sa vie. Quasi épuisant, le film explose en tout sens sans jamais se perdre pour autant. Derrière le spectacle, une caractérisation plus subtile qu'il n'y paraît se poursuit. Le cœur du film reposant sur le resserrement des liens d'amitié débuté dans l'opus précédent. Certes, on n'a pas le temps pour les grands monologues et une philosophie profonde, mais Star Trek n'est pas Solaris et ce n'est pas ce qu'on lui demande.
On demande une bonne histoire, de bons personnages, de bons effets spéciaux et une grande évasion vers l'espace infini. A tous ces niveaux, Into Darkness ne déçoit jamais. Même lorsqu'il revient sur Terre, le film ne donne jamais le sentiment de céder à la banalité des blockbusters habituels. On n'est pas là pour casser des voitures ou se battre entre deux immeubles. Ce n'est pas une énième production Marvel ou Michael Bay. Le lyrisme évoqué au début de cette critique est omniprésent, ne serait-ce que par le formidable thème musical de Michael Giacchino, l'une des rares mélodies à avoir fait sa place dans l'histoire du 7e art des années 2000. Associé aux images iconiques d'Abrams, cela donne toujours des instants grandioses, très évocateurs. C'est du cinéma mythologique, avec ses archétypes et ses péripéties plus ou moins attendues, mais toujours traité avec le juste équilibre.
Il suffit de découvrir le principal antagoniste, judicieusement incarné par Benedict Cumberbatch. On le sait depuis le début, mais l'interprète de Sherlock est né pour jouer les méchants. Il vole le film à chacune de ses apparitions. Il est un maillon essentiel dans cette relecture du second opus de la série cinématographique classique, La Colère de Khan. Miroir astucieux de ce qui reste pour beaucoup le meilleur film Star Trek, Into Darkness lui fait écho et l'améliore à presque tous les niveaux. Bien sûr, les fans reconnaîtront toutes les références, nombreuses. Quant aux autres, ils profiteront de la quintessence de cet univers. Comme avec la reprise de Doctor Who depuis 2005, les Star Trek de J.J. Abrams héritent de 50 années d'enrichissement, tout en y apportant les innovations nécessaires à l'époque. Respectueux du passé, mais aussi totalement lié à son temps, Star Trek Into Darkness est, on le répète, avant tout et surtout un divertissement, qui nous précipite à toute vitesse dans son monde et nous abandonne, deux heures plus tard, au bord de l'épuisement, mais ravis. On en redemande, et cela fait bien longtemps qu'un blockbuster n'avait pas paru aussi court. Puisse cette franchise vivre longtemps et prospérer.