Smells like Palpatine Spirit

Fans divisés par l'iconoclaste Episode VIII, Carrie Fisher nous quittant prématurément... autant dire que la tâche n'était pas facile pour quiconque serait aux commandes du dernier Star Wars. Mais JJ Abrams avait surpris avec son meilleur film à ce jour, l'Episode VII, pas original pour un sou mais mené tambour battant. Aussi me dis-je que même s'il se contente de faire du IX avec du vieux, au moins on aura un spectacle pétaradant pour clôturer notre saga préférée...

Malheureusement, une fois encore les premières bandes-annonces n'augurent rien de bon. JJ va repêcher l'Empereur Palpatine, vilain canonique des anciens épisodes, pourtant mort-explosé-dans-un-puits-sans-fond-à-gros-rayon-plasma au cours du climax du Retour du Jedi. Tout ce que je craignais : il court se raccrocher à la rambarde et ne va plus prendre aucun risque, quitte à calquer cet épisode sur le VI en question.

De plus, à cause du décès de Carrie Fisher, l'Acte I du film est un remake embarrassant de Dead Men don't wear Plaid de Rob Reiner ! Récupérant des scènes coupées, rotoscopant l'actrice, changeant sa coiffure, et son étalonnage, mais aussi à l'aide d'une doublure numérique, il va intégrer Carrie de façon posthume au film, lui faisant même l'honneur d'avoir son nom en premier au générique ! Ça provoque des contre-champs confus et des dialogues sans queue ni tête pendant dix minutes...

"Je ne suis pas digne du sabre-laser de votre frère..."
Deux scènes plus tard :
"Tiens, si en fait, le voilà."
Déjà, en vrai, c'était avant tout le sabre d'Anakin Skywalker ( le sabre de Luke c'est le vert ) et en plus Rian Johnson avait pris soin de le détruire au cours de son épisode. Là il est rafistolé sans explication...

Cette façon d'essayer de regagner son public à tout crin, au mépris de tout travail de dramaturgie et de cohésion scénique, va parasiter l'ensemble du film. Il y a tout à la fin un moment extraordinairement comique qui vient parfaitement illustrer le malaise :

Ce gag pourrait être un gros troll alambiqué, venant satisfaire les geeks de tous poils fans du personnage, mais à vrai dire aucun d'entre eux n'a jamais vraiment exigé qu'un tel évènement ait lieu. C'était juste bon à alimenter les conversations avec Kevin Smith...

JJ Abrams l'offre au monde entier, au premier degré, comme si bel et bien ça allait être un pic émotionnel sans retenue !

Ce minuscule segment devrait être aisément balayé sous le tapis des fan-services-inutiles, mais il est pourtant symptomatique de ce qui ne va pas chez JJ. Il ne sait pas écrire alors il jette des pâtes sur le mur pour voir ce qui colle. Et seules les pâtes qu'il connait déjà semblent adhérer...

C'est pour ça que, comme anticipé, il ressuscite Palpatine dès le texte défilant d'ouverture, court-circuitant ainsi tous les conflits et dissensions intéressants mis en places au cours des deux épisodes précédents. On avait un monde magique représenté par Kylo Ren en opposition au monde technologique du Général Hux et au milieu de tout ça, le meilleur-des-deux-mondes : Rey, la charognarde d'épaves interstellaires sujette à une grande Force.
Ce triumvirat promettait un conflit triangulaire des plus inter... Oh ouais non, oubliez tout ça, JJ ne sait pas écrire, il dégage Hux comme une vieille capote, remet un Palpatine pendu au plafond comme Glados ( le deuxième gag le plus drôle du film ! ), ajoute une poignée de MacGuffins triangulaires et une nouvelle révélation minable.

Si cette révélation explique bien pourquoi Rey était si prompte à maitriser la Force, elle est totalement irrationnelle, ajoutée sans préparation juste parce que les pâtes collent au mur, et on doit la digérer sans sauce ni beurre...

Le résultat de cette réappropriation sauvage des éléments mis en place dans The Last Jedi est que The Rise of Skywalker n'a pour seul but que de se bagarrer, gagner et détruire. Or la narration veut que certains personnages n'ont pas pour velléité de se battre. L'exemple le plus frappant est le combat entre deux vagues sur les vestiges de l'Étoile de la Mort : Kylo Ren veut convaincre Rey de se joindre à lui pour détruire l'Empereur, Rey veut que Ben Solo redevienne gentil. Et là, ils se bagarrent. Ça faisait un moment qu'il n'y avait pas eu une scène d'action alors ils se bagarrent, un peu à la manière de Roddy Piper et Keith David dans They Live de Carpenter : "Tu vas mettre ces lunettes !?"

Ne vous y trompez pas, ces combats sont du travail de pro et sont parfaitement exécutés, et d'ailleurs les scènes d'action du métrage sont plutôt solides et entrainantes ( y'en a même une à la Mad Max Fury Road qui est vraiment sympa ) mais le problème c'est qu'en l'occurence ils sont souvent motivés par rien, arbitraires, et leurs issues laissent le spectateur de marbre.

On finit par accueillir tous les rebondissements avec un haussement d'épaule, parfois juste de sourcil. D'autant que trop souvent, rien n'est grave ni permanent...

JJ va même plus loin, il va essayer de redresser la barre, sur des points où elle n'était pas tordue.

Quelle ignoble façon de cracher sur l'ambulance et de tirer dans la soupe ! Qu'une poignée de fans vociférants soient passés à côté des qualités de l'épisode c'est une chose, mais tenter de regagner leur adhésion ainsi, c'est limite indécent. Au moins Rian Johnson ne perdait pas son temps à dire que le VII était moins bien !

Alors de cette Ascension de Skywalker il reste de chouettes moments, un côté chasse au trésor pas mal, un combat-multi-lieux-par-la-Force assez bien mené, mais également des caméos qui réchauffent le cœur... Si jamais le final était époustouflant, on pourrait oublier ces quelques peaux de bananes laissées sur le chemin pour se péter la gueule...

Même les fans déçus du traitement singulier de Rian Johnson ne trouveront pas ça meilleur...

Embourbé qu'il est dans ses envies de bien faire sans trop de talent, JJ Abrams a de nouveau pondu un film complètement moyen, au niveau de ses Star Treks et à peine meilleur que Rogue One au sein des Star Wars produits sous la bannière Disney. Triste et cruelle manière d'achever une saga aussi dense et importante...

Attendons maintenant de voir ce que donnera l'Episode X.