blue light yokohama ou l'écho d'une bittersweet life

bon, une famille il y a de ça 20 ans s'est vu amputer d'un de ses membres et le corps familiale souffre désormais de la maladie du membre fantôme.
kore-eda dépeint ici une famille tragiquement unie dans la mort au travers d'une caméra qui se veut intime, parfois même voyeuriste, les mouvements de caméra sont d'ailleurs extrêmement rare car elle se fixe, capte l'instant.
la force évocatrice du film se fait en filigrane, dans le verbe, dans les non-dits ou au travers d'un regard fugace. "lorsqu'on épouse une veuve, on se retrouve comparé à l'être perdu", tout dans "still walking" semble ramener a quelque chose d'autre, chaque éléments faisant écho à un autre tôt ou tard dans le film, cette phrase prononcé par la mère, prend au fil du temps des airs de lapsus tant c'est elle qui semble constamment faire la comparaison entre son fils perdu et ryota.
Ce fils encore vivant, ryota, ne rend visite qu'en de rares occasions à sa mère et son père tant il semble pâtir de la comparaison avec son frère, cette figure sacré qui s'est sacrifié pour son prochain, lui qu'a t-il fait de cette vie qu'on lui a offert ? il est au chômage et le cache tandis que son père voulait un fils médecin, l'un d'eux aurait pu l'être, mais lui a été arraché, par qui ? un jeune homme grassouillet qui semble ne rien faire du cadeau qui lui a été fait, mais leur doit il réellement quelque chose ? la mère semble le penser.
Au cinéma, tout symbole, tout icône, se réfère au domaine du sacré et le fils défunt prend des airs christique, chacun semblant devoir lui rendre compte de ses propres avancés (still walking). cette vision qu'ont les parents de leur enfant parfait et fantasmé, kore-eda lui donne un écho, le chef sushi, décrit comme étant de base un petit voyou semble avoir prit en quelques années une voie toute différente, celle de la droiture et de la famille, et c'est la mère qui le dira elle même " l’être humain est une énigme", son fils aurait donc put suivre un tout autre chemin.
Cette famille qui a quelque chose d'universelle et sacré a elle aussi ses petits rituels, notamment la cuisine qui occupera un grand temps d'écran et c'est un plaisir de les voir élaborer ensemble des plats tandis que les repas se font un peu plus emplis de faux-semblant. je dis faux semblant mais en vérité c'est que tous semblent porter un masque.
ryota cachant son manque d'activité au point de laisser croire sa famille qu'il allait restaurer un chagall ou bien la mère de nature excentrique et sincère qui cache une profonde tristesse, tristesse qui se révélera en deux temps mais je n'en parlerai qu'un peu plus tard. Le père lui, est un bonhomme d'apparence dur et froide alors qu'il chante de la variété japonaise en karaoké et qui, malgré le fait d'être à la retraite, continu d'être des plus serviables avec le voisinage.
Le père cache en fait son déclin, ce déclin que l'on redoute tous et auquel on ne peut échapper, la vieillesse, ryota s'en rendra lui même compte en voyant son père impuissant face au pompier et perdu comme un enfant sur le trottoir.
on en revient au masque de la mère donc, la mère si sincère qui parle à plusieurs reprises en invoquant son mari alors même qu'elle dévoile le fond de sa propre pensée, et c'est dans une scène d'une grande mélancolie qui sera désamorcé par le père auprès de la famille (en se baffrant) que la mère met une musique dont on comprend d'elle qu'elle l'écoute régulièrement,blue light yokoama, "sans cesser d'avancer", "seule avec toi je suis heureuse", jamais elle n'a fait son deuil et jamais elle ne le fera. chose impossible de reprocher à une mère, mais cela devient plus problématique dès lors qu'elle l'exige de tous, y comprit de ce petit grassouillet qui lui a prit la vie de son fils, lui n'est pas de la famille, lui doit souffrir, toute société y comprit à échelle réduite à besoin d'un bouc émissaire et ce petit gros l'est, c'est le moyen que la mère a trouvé de ne pas détester son mari.
Au fond ces masques que tous portent, à l'image du père qui ne veut pas être vu avec un sac de course, c'est pour faire bonne figure, autant aux yeux des vivants que des morts, et c'est cette journée symbolique qui est là pour leur rappeler de ne pas oublier, mais aussi de rendre compte de leurs avancées et d'apprécier la vie.
Plusieurs rancœurs sont présentes au sein de cette famille et plusieurs conflits où des vérités enfouit auraient pu être dites sont morts dans l’œuf, notamment la haine de la mère envers le père de ne pas avoir été présent pour sauver leur fils, mais il n'y a rien de plus normal, dans la vie l'Homme évite les conflits, d'autant plus quand il s'agit de famille, ces rancœurs, ils apprennent à vivre avec.
Il reste encore un ou deux points à traiter, le but tout naturel de l'Homme et donc de la famille, celle-ci ne faisant pas exception, est de procréer, d’engendrer une descendance de manière à laissé une empreinte en ce monde, la notion de légitimité et d'héritage est capital pour la vieille génération de cette famille qui attendent de leurs enfants de perpétuer un certain schéma social, le fils doit être médecin et la fille trouver un bon mari, la fille parait suivre la voie de sa mère même si son mari ne semble pas être entièrement a la hauteur des exigences parental.
Le fils par contre se marie avec une veuve qui a déjà un enfant, ce qui sera mal perçu par les parents même si contrairement a ce que la mère en dit c'est bien à elle que cela pose le plus de problème et non au père.
Ryota lui même, étant petit, voulait devenir médecin tandis que son frère serait chirurgien, ici on voit bien comme toute la famille tenait en haute estime junbei et les attentes qui reposaient sur ses épaules, à son décès, ce sont naturellement répercuté sur son cadet ryota qui emprunta une voie tout autre, mais d'une nature différente ? rien n'est moins sûr.
en effet ryota, doué de ses mains aurait surement même été le plus à même de devenir chirurgien mais son opposition avec son père dont il, on verra tout le long du film, partage le même caractère, le mena à une carrière de restaurateur de tableau, profession qualifié par la soeur de ryota comme "médecin pour les tableaux". Ces deux hommes partagent donc bien plus de choses (les deux utilisent leurs femmes pour ne pas s'accuser, l'un pour ne pas rester la nuit chez les parents, l'autre pour sa chute) qu'ils ne les opposent, comme le fait que ryota n'aime plus le base ball depuis son enfance.
l'épisode du papillon pour la mère et le manque d'activité pour le père sont des signes qu'ils ne sont plus entièrement à leur place ici bas, où chaque choses, comme le dit le père, a sa place. pour le fils sa place sera évoqué entre la mère et son enfant, c'est une place de père qui se construira petit à petit auprès du gamin.
je me souviens bien, il y a de la musique à seulement trois instants dans le film, d'abord elle accompagne le père qui parle avec une voisine de leur possible mort prochaine, puis celle de la mère comme dit plus haut et, après que des promesses entre père, mère et fils ne soient pas tenu, à l'image de celles de la sœur, kore-eda filme la famille de ryota au cimetière, une petite fille les a rejoints et une musique se fait entendre la caméra monte vers le ciel comme pour nous signifier que deux âmes montent au dessus de yokohama.
il reste encore des tas de choses à dire comme la soeur qui semble moins impliquer que son frère dans les problèmes familiaux notamment par le fait qu'elle gravite autour d'un nouveau noyau familial tandis que ryota est dans une phase transitoire.
Still walking est virtuose dans sa justesse d'écriture et de mise en scène offrant un traitement à ses sujets comme le deuil, l'héritage générationnel ou encore le noyau familial, d'un réalisme bouleversant, où sa dialectique met en exergue comment l'Homme vit et se développe autour de la mort au travers d'une famille représentant différente face du deuil et de la manière dont on doit continuer d'avancer jusqu'à que notre heure sonne à son tour. En respectant scrupuleusement les lois de la synecdoque kore-eda donne à son film une portée aussi intemporelle qu'universelle où la banalité a du sens, de la mère qui évoque le temps qui passe au travers des lilas des indes, jusqu'au plan sur ces lilas qui ce sont ternis, signe de déclin..
mais la descendance est là !

jeremie13010
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes cinématographie et Top 10 Films

Créée

le 1 avr. 2021

Critique lue 38 fois

jean kitanovski

Écrit par

Critique lue 38 fois

D'autres avis sur Still Walking

Still Walking
takeshi29
9

Un joyau asiatique de plus

Voilà un film tout simplement extraordinaire, qui trouve sa place, dans la tradition japonaise du film de famille, parmi les plus grands comme "The Taste of tea" ou "Yi Yi", pour ne parler que des...

le 11 juin 2011

28 j'aime

4

Still Walking
Docteur_Jivago
8

Voyage à Yokohama

Hirokazu Kore-eda est, à juste titre, souvent présenté comme l'héritier d'Ozu, et Still Walking en est un symbole fort, tant sur le fond que la forme (sans jamais tomber dans le plagiat ou l'hommage...

le 28 août 2020

26 j'aime

Still Walking
Torpenn
7

La saveur de la pastèque

Même si je n'arrive toujours pas à comprendre l'adulation extravagante de mes éclaireurs pour Kore-eda, je parviens pour l'instant à voir ses films avec un certain plaisir et une absence d'ennui...

le 5 mars 2013

26 j'aime

12

Du même critique

Heart
jeremie13010
7

tu serais pas un peu mignonne toi ?

un petit film bien sympathique, le pitch est simple, les pérégrinations sentimentales d'une jeune femme réalisatrice. en mêlant le vrai au faux le film prend une dimension meta assez intéressante,...

le 7 déc. 2021

2 j'aime

Bronson
jeremie13010
7

le guerrier bavard

bronson est en complète opposition avec le film que refn réalisera l'année suivante "le guerrier silencieux". ici bronson nous présente un spectacle, celui de sa vie et il faut dire qu'elle frise...

le 2 nov. 2021

1 j'aime

Living Still Life
jeremie13010
8

une femme fait du cinéma

je n'avais encore rien regardé de bertrand mandico bien que je lorgnais son cinéma depuis un certain temps et c'est une belle surprise, c'est fou comme le beau vient côtoyé le lugubre et ce en un...

le 3 avr. 2021

1 j'aime