Nanar barbare féministe argentin (et encore plein d'autres qualificatifs)

Voir Stormquest, c’est aussi un peu mourir des oreilles. La composition est signée Óscar Cardozo Ocampo, qui avait pourtant déjà signé une trentaine de musiques de films argentins depuis la fin des années 1960. Sans pouvoir juger de la qualité de ses précédents travaux, le massacre auditif ici subi s’explique par un instrument mythique de la décennie des années 1980, mais parfois utilisé à tort et surtout de travers : le synthétiseur.


Son emploi dans Stormquest est limité à quelques notes, qui bouclent rapidement, avec parfois quelques nouvelles notes insérées peu discrètement dans la partition pour accentuer un moment. Le plus souvent, on pourrait jurer que le compositeur n’a que trois touches à sa disposition. La bande-son est ainsi criarde et répétitive, mais en plus le synthé est utilisé pour souligner un moment, le plus souvent comique, avec un bruit qu’on pourrait assimiler au cri de douleur d’un synthétiseur esclave d’un maître fou. Cette bande sonore est ainsi tellement exagérée et malhabile qu’elle en devient drôle.


Et c’est pour ses défauts potentiels que Stormquest a été choisi pour égayer ma soirée, dans l’optique de passer un bon moment décomplexé devant un nanar, pour se moquer de lui avec tendresse. Le constat est clair, sans être un des meilleurs représentants, le film d’Alejandro Sessa s’y rattache.


C’est l’arrière du boitier DVD qui a mis la puce à l’oreille, avec son histoire qui pouvait présager du pire. Car dans le monde de fantasy de Stormquest, il y a deux royaumes, tous deux gynocratiques, où ce sont les femmes qui sont au pouvoir. Dans l’un, les hommes sont chassés et utilisés pour leur semence avant de disparaître ; dans le second, le royaume s’accommode de la place masculine, tant qu’elle se limite à deux possibilités, celui d’esclaves, sexuels ou hommes à tout faire, abrutis par leur nourriture droguée.


Le postulat de départ est intéressant, et le discours égalitariste est bien présent, la fin venant préciser que tous les sexes sont égaux, sans aucune hiérarchie. Un discours tout de même bien rare dans un tel cinéma d’exploitation, où les femmes n’ont pas souvent le meilleur rôle. D’ailleurs, malgré une surreprésentation féminine, si le film s’autorise quelques tenues un peu sexy, sans que ce ne soit trop alarmant, il n’exhibe jamais la plastique de ses actrices, qui resteront ainsi toujours habillées. Le physique reste toutefois assez similaire, toutes taillées dans le même moule, la taille mannequin, tandis que les deux femmes un peu plus rondes constituent des rôles comiques que le film va moquer.


Dans un tel contexte, l’histoire qui va constituer le fil rouge est celle de deux groupes rassemblés, celui de femmes punies dans le premier royaume pour différentes raisons, et d’hommes du second royaume entrés en résistance pour contrer le sexisme qu’ils subissent. Ces guerriers et guerrières vont s’unir, pour qu’un meilleur monde soit possible entre les sexes (bonne chance).


Pour autant, le film est principalement composé de rebondissements un peu faciles, avec des personnages très fortement catégorisés, mais pour certains avec une certaine prestance, où l’action est fortement marquée. Ces guerriers et guerrières ont le sabre facile, pour se défendre ou pour aller à l’assaut. Le réalisateur choisit de représenter les affrontements dans de grandes batailles, un choix plus difficile à assumer que du un contre un. Les mêlées sont chargées, avec différents personnages se battant en même temps, mais tout n’est pas finement exécuté. Certains coups sont mous quand d’autres apparaissent au spectateur comme bien trop lointains pour faire croire qu’ils touchent. Les pugilistes affectionnent les tours sur eux mêmes, tandis que certains figurants en arrière-plan moulinent l’air avec leurs épées.


La réalisation peine donc à rendre ces affrontements aussi palpitants qu’espérés, la faute à des compositions trop chargées. Elle tente d’ailleurs quelques idées, à l’image de ces plans en caméra subjective, mais le tremblement de l’image jure avec ce qu’on peut attendre de telles scènes. Il y a aussi de graves problèmes de montage, des scènes se coupant brusquement, d’autres reprennent de façon confuse. Un rafistolage de pellicule peut-être pas très professionnel, ce qui expliquerait des problèmes évidents de continuité entre certaines scènes.


Mais cela pourrait être de la faute des scénaristes, et il est vrai que le film ne manque pas de certaines grosses largesses à ce niveau.


L’image d’ailleurs est assez terne, sans éclats. Le DVD français de MAP sorti en 2005 propose une copie assez peu retravaillée par rapport à une version VHS.


Ce qui est certain c’est que le jeu des acteurs est assez aléatoire, avec une distribution américaine et argentine qui semble un peu peiner à se mettre en valeur. Ce sont les rôles les plus caricaturaux qui se retiennent le plus, grâce à un surjeu qui veut insérer du second degré à un film mais qui loin d’amuser consterne plutôt, pour le plus grand plaisir de l’amateur de nanar.


Cette relecture argentino-américaine de la “Sword (beaucoup) & Sorcellery (moins)” est assurémment intriguante, d’abord pour son contexte, et même pour son message, surtout dans un tel genre qui aime la jeune fille nue et lascive aux pieds du héros musclé. Il n’a pas la belle démesure des meilleurs séries B de barbares en slips (The Barbarians, les Dar l’invincilbe), et c’est ce qui lui empêche d’être un grand nanar. Mais il se vautre malgré tout dans certains excès (ses touches d’humour, certains personnages comme la reine, l’affreuse bande-son) qui entrainent le sourire amusé. Stormquest est assurément une belle curiosité, sans être un grand nanar ni un bon film.

SimplySmackkk
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le 19 mars 2021

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