"Dans la lignée de Terrence Malick. Une vision élégiaque de l'Amérique profonde." Le tableau est dressé, ce sera un film contemplatif et mélancolique. J'en déduis aussi que c'est une oeuvre qui fût très apprécié lors de ses passages dans différents festivals. On apprend beaucoup de choses à travers une affiche, mais ce qui prédomine, c'est cet adolescent sur son bicross. J'ai envie de le connaitre et de savoir ou il va m'emmener durant 1h15.


Dayveon (Devin Blackmon) pédale tranquillement sur les immenses routes vides de l'Arkansas. Dans sa tête, il déclare trouver tout ce qui l'entoure stupide. Rien de bien surprenant de la part d'un adolescent s'ennuyant durant les vacances d'été. Son attitude trouve un autre écho, lorsqu'on apprend que son grand frère est décédé. Il était en admiration devant lui et veut suivre le même chemin en devenant un membre des Blood. Il va traîner son spleen en passant ses journées à glander avec son pote Brayden (Kordell Johnson), en exécutant les ordres du chef du gang Mook (Lachion Buckingham) et en traînant dans la maison de sa sœur Kim (Chasity Moore) et de son ami Brian (Dontrell Bright).


Stupid Things; dont on se demandera longtemps pourquoi le titre original Dayveon n'a pas été conservé ; est un premier long-métrage avec des acteurs non-professionnels. Cela lui confère un côté réaliste proche du docu-fiction, mais ses effets superflus et artifices nous rappellent que nous sommes dans une oeuvre cinématographique. Ce côté amateur est moins séduisant, le film reposant entièrement sur les épaules fragiles de Dayveon.


L'adolescent est touchant dans sa retenue, dans sa manière de rire de tout, d'avoir l'air de s'en foutre et de ne rien prendre au sérieux. Derrière cette façade, il y a son admiration pour son grand frère défunt avec l'incapacité d'exprimer sa douleur. Il a quitté le foyer parental pour se réfugier chez sa sœur. Il tente de fuir sa tristesse, mais ne peut s'en défaire. Elle le suit comme son ombre, lui collant à la peau. Plusieurs choix s'offrent à lui, il est à un carrefour de sa vie, soit il écoute Mook en prenant le même chemin que son défunt grand frère, soit il attrappe la main que lui tend Brian. Il est en recherche d'une figure paternelle, susceptible de l'aider et de le comprendre. Mook ou Brian? Le mal ou le bien? Qui peut remplacer ce grand frère qu'il admire tant.


C'est une tranche de la vie de Dayveon et non une plongée au cœur d'un gang de l'Arkansas. L'adolescent est le centre de toutes nos attentions. La caméra ne le lâche pratiquement pas. On le voit regarder encore et encore le portrait et photos de son défunt grand frère. On l'écoute se plaindre en sortant la poubelle avec un sourire en coin, comme si c'était juste une attitude et non une vérité. On assiste à son initiation, à l'absurdité de ce rite de passage pour devenir un membre des Blood. On le voit galérer pour reproduire les signes du gang, ce qui accentue le ridicule de cette pseudo famille de substitution. Il y a un côté bande de pieds nickelés chez ces dangereux petits hommes en rouge. Ils foirent tout ce qu'ils font et sont encore plus en galère que les gens avec un travail dit normal. Ils n'ont pas des billets plein les poches et rêvent d'un travail pour régler toute les factures s'accumulant sur leurs tables crasseuses. Ils ont pathétiques mais ils ont un flingue. C'est leur seule force, celle d'avoir la capacité de prendre une vie à tout moment, sans cela, ils ne sont rien.


Mook n'est pas crédible avec son épave de voiture, encore moins lors d'un braquage foireux. Pourtant, il se permet de donner des leçons de vie à Dayveon, alors que la sienne est à l'image de son véhicule, en ruine. Dayveon a la chance d'être dans un foyer avec une structure dite normale. Il peut se reposer dessus pour avancer, surtout qu'il ne semble pas être à l'aise dans l'univers machiste et superficiel de la vie d'un gangster. Il veut être comme son grand-frère mais il ne lui ressemble pas. Il n'a pas sa place dans ce monde fait de violence et de trahison. Sa sensibilité s'exprime guère, mais on la voit dans son regard et son refus de vivre dans la violence et la débauche.


Une oeuvre réaliste, imparfaite et mélancolique dans un coin perdu de l'Arkansas semblant coupé du monde face à des gens tentant de survivre. Sa poésie est à la fois séduisante et agaçante. Son côté docu-fiction limite sa portée émotionnelle et m'a un peu lassé sur le bas côté en compagnie d'un essaim d'abeilles où la vie semble plus agréable.

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le 5 oct. 2017

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Laurent Doe

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