Intrigué par un article du Citizen News relatant la véritable épopée du couple Ila Fae et Robert Dent, Steven Spielberg développe le sujet de Sugarland Express aux côtés des scénaristes Hal Barwood et Matthew Robbins. Première œuvre pour le grand écran du célèbre réalisateur, ce road movie offre la particularité d'avoir suivi les traces du couple Dent en posant ses caméras dans les lieux mêmes où s'est réellement déroulée l'action. En l’occurrence, Sugarland Express fut intégralement tourné au Texas et permit à Spielberg d'exposer les obsessions qui priment dans la quasi-intégralité de ses premiers films.

Traumatisée par le placement judiciaire de son fils dans une famille d'accueil, Lou Jean Poplin décide de faire évader son mari du centre de réinsertion où il purge sa fin de peine. Le but de la jeune femme : récupérer coûte que coûte l'enfant qui réside désormais à Sugarland. Forcé de kidnapper un jeune agent de police qui conduit le couple vers sa tragique destinée, toutes les forces de police du Texas sont aux trousses des fuyards qui deviennent, peu à peu, de véritables célébrités, symboles de la liberté nord-américaine qui se voient interviewés par la télévision et acclamés par la population venue saluer leur folle détermination...

Si l'ombre de L'Épouvantail, autre road movie U.S. du début des années 1970, vient inéluctablement hanter Sugarland Express de par l'engagement de son génial chef-opérateur Vilmos Zsigmond, il n'en reste pas moins que Spielberg s'approprie totalement l'histoire du couple Coplin et de leur prisonnier en y injectant ses propres penchants humanistes clairsemés de pessimisme. On y décèle ainsi les prémices des principaux personnages qui apparaitront dans Les Dents De La Mer (le shériff Brody), Rencontres Du Troisième Type (l’électricien Neary), E.T. L'Extraterrestre (le collégien Elliott) ou encore La Guerre Des Mondes (le docker Ferrier), des personnes ordinaires qui vont s'empêtrer dans une aventure extraordinaire. À l'image ici du policier kidnappé ou du représentant en commerce gratuitement poursuivi par un terrifiant camion-citerne dans Duel, réalisé 3 ans plus tôt. Un univers obsessionnel que Spielberg dépeint avec une facilité confondante tout en se voyant épaulé par le véritable policier, Kenneth Crone, qui fut pris en otage par le couple Dent en 1969 et que le réalisateur engagea en tant que conseiller technique pour toujours plus de véracité narrative.

À l'aide d'un casting très solide (dont une Goldie Hawn exceptionnelle dans le rôle de cette femme-enfant ardemment animée par le désir de retrouver son fils), Sugarland Express préfigure amplement de 20 ans (en nettement moins radical) le célèbre Tueurs Nés d'Oliver Stone de par la fascination (et le symbole) que représente un couple de fugitifs aux yeux du peuple américain. Et si le film suit (plus ou moins) les traces de Bonnie Et Clyde, L'Épouvantail ou encore La Balade Sauvage, Spielberg démontre déjà ici la victoire du merveilleux sur le quotidien qui illustrera bon nombre de ses futurs films. En l'état, Sugarland Express reste donc une sorte de brouillon, certes plus pessimiste qu'à l'accoutumée, mais un brouillon qui n'oublie jamais d'être un réjouissant festin pour les yeux et l'esprit.

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le 13 janv. 2024

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