Un abysse de questions, entre Histoire et fiction

Des murmures en hors-champ, une quête de vérité, mais surtout une anarchie générale. Après la grandeur du Fils de Saul, le second long-métrage de László Nemes, nous baigne dans un abysse de questions, entre Histoire et fiction.


Au crépuscule de la première Guerre Mondiale, László Nemes, nous plonge au cœur de l’empire austro-hongrois. Nous restons accrochés au regard d’une jeune femme, Irisz Leiter, revenue dans la capitale hongroise afin de travailler dans un célèbre magasin de chapeaux, autrefois tenus par ses parents. Cette dernière apprend très vite qu’elle a un frère dont elle ne connaissait pas l’existence. Elle cherche alors à clarifier les mystères de son passé, ce qui va l’emmener dans une ribambelle d’actions qui semblent se suivre sans beaucoup de liens. La jeune femme se lance dans une quête effrénée et viscérale de la vérité.
Nous ressentons très vite la première ambition du réalisateur qui est celle de faire coexister deux histoires : celle de la jeune Irisz Leiter, revenue sur les traces de son passé et celle d’une guerre immense qui se prépare.


D’ailleurs, le film est impressionnant au niveau technique, malheureusement on peut se demander si cet étalage d’effets de caméra est réellement mise en service de la narration.


C’est tout d’abord grâce à la caméra subjective, que le réalisateur avait laissée avec Le fils de Saul, qu’il tente de mélanger l’Histoire (avec un grand H) et la fiction. Il fait alors de son personnage féminin le centre de gravité de sa nouvelle œuvre. Elle est au cœur de presque tous les plans, et si, dans de rares exceptions cela n’est pas le cas, la caméra se précipite pour la rejoindre. Pourtant, à force de filmer la nuque de l’héroïne, et en laissant souvent les décors et l’environnement dans le flou, c’est le film lui-même qui devient complètement indistinct. Très vite le film s’égare dans une série de séquences, dont nous ne parvenons pas toujours à saisir le sens. Des questionnements sont posés, pourtant nous restons frustrés car nous obtenons aucune réponses claires.


Néanmoins, nous pouvons souligner le magnifique travail du hors-champ qui remplit et construit mieux le cadre que les plans eux-mêmes. Les murmures qui érigent le passé, entourent la jeune femme tous au long de l’œuvre, comme si la vérité se tenait là, si près, mais toujours sur le point de s’échapper. Irisz, comme nous-mêmes, reste dans le flou durant tout le film.
D’ailleurs, les bruits hors-champ nous font confondre les espaces, l’extérieur s’invite à l’intérieur et vice versa, la fiction et L’Histoire se mélangent. De plus, les sons hétéroclites fusent de partout, comme pour mieux marquer la violence d’une époque dont on peine à percevoir les ressorts dramatiques. L’Histoire est prise en otage dans la fiction, mais sans que le réalisateur ne puisse lui rendre hommage en retour.


Cependant, visuellement, Sunset est un film qui regorge de moments cinématographiques à l’image du travelling final, métaphorisant le parcours de l’héroïne dans la sinuosité de ce monde en décomposition.
Aussi, dans les méandres et les rumeurs incessantes du film, se cache une noirceur irrémédiable et si le thème prédominant est le chapeau, la noirceur et la cruauté du monde semblent se cacher à l’intérieur de leur incroyable beauté. Nous regrettons cependant le parti pris qui mise avant tout sur l’esthétique.

laurebalka
5
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le 16 nov. 2021

Critique lue 26 fois

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