Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que le jeu vidéo va s’imposer durablement avec la NES de Nintendo et la Master System de Sega. L’industrie vidéoludique est sur le devant de la scène, en 1989, la comédie The Wizard présentera pour la première fois au cinéma le jeu vidéo sous un jour favorable et amusant. C'est d'ailleurs précisément au détour des années 1990, et avec la popularité toujours grandissante de Nintendo, que s'amorce le projet de ce qui deviendra notre fameux Super Mario Bros.

En 1991, le producteur Roland Joffé est le premier à avoir l'idée d'adapter le jeu vidéo Super Mario Bros. en film. Il s'envole à Kyoto pour rencontrer Hiroshi Yamauchi, alors président de Nintendo afin de lui présenter ses idées. Dix jours plus tard, Roland Joffé repart pour Londres avec un contrat lui cédant temporairement les droits d'adaptation de Super Mario Bros.

Dès l'étape de la rédaction du scénario, le problème de savoir comment adapter un jeu vidéo en film se pose. Comment réaliser un film autour d'un petit plombier en salopette qui passe ses journées à sauver une princesse ? La rédaction du script est donc un véritable casse-tête, et pas moins de huit scénaristes doivent s'y reprendre à plusieurs fois pour aboutir à un scénario suffisamment consistant.

La toute première version du scénario reprend très fidèlement l'univers du jeu vidéo, en faisant se dérouler le film dans un décor coloré et fantaisiste. Shigeru Miyamoto (le co-créateur de Mario) n'approuve cependant pas ces choix, préférant au contraire que l'opus essaye, tant que possible, de développer son univers propre, au lieu de chercher à parfaitement retranscrire l'ambiance du jeu vidéo. Une seconde version, beaucoup plus ancrée dans la science-fiction, est alors écrite, puis remaniée très largement pendant plus d'un an.

C'est au couple de réalisateurs Rocky Morton et Annabel Jankel que revient la tâche d'adapter sur grand écran l'univers du célèbre plombier moustachu. Ils ont une carrière commune, se spécialisant notamment dans la réalisation de publicités et de clips musicaux. Le duo, toujours en quête de nouveaux défis techniques, travaillera d'ailleurs largement sur ses nombreux projets en mêlant prises de vues réelles et animation assistée par ordinateur. En 1985, les deux se verront même récompensés d'un Emmy Award pour leur travail sur le générique du programme musical de NBC : Friday Night Videos.

Le tournage peut commencer et les esprits de toute l'équipe technique sont déjà échauffés avec l’arrivée des deux réalisateurs sur les plateaux car ils sont complètement perdus dans ce scénario traitant d'un univers qu'ils ne connaissent visiblement pas. De plus, le couple va mener la vie dure aux acteurs, en développant largement l'esthétique du film au détriment de son histoire.

Bob Hoskins et John Leguizamo dans les rôles de Mario et Luigi sont souvent contraint d’improvisés leurs dialogues. La plupart de leurs dialogues ou blagues sont souvent à côté de la plaque. Hoskins incarne un Mario très proche de Eddie Valiant dans Who framed Roger Rabbit ? Il peine à trouver du travail dans New York, alors qu’une compagnie concurrente rafle tous les contrats. J’aime Hoskins dans ce genre de rôle, mais sur ce film, il laisse beaucoup plus de place au jeune Leguizamo qui incarne un Luigi au centre de l’histoire grâce à sa relation avec Daisy.

Le rôle de la princesse Daisy (la princesse Peach étant absente de l’histoire) revient à la toute jeune actrice Samantha Mathis. Née d'un œuf de dinosaure et élevée dans un couvent, la jeune femme deviendra, par la suite paléontologue. Elle sera enlevée par les sbires de Koopa, avant que Mario et Luigi ne volent à sa rescousse, c’est la princesse a sauvée.

L’antagoniste du film, King Koopa (on ne cite même pas Bowser), est confié à Dennis Hopper. Un acteur prolifique. Il endosse le rôle d’un tyrannosaure venu d'une autre dimension et qui a évolué vers une forme humanoïde. Véritable tyran régnant sans aucune pitié sur le Royaume Champignon, version alternative de Manhattan, il envoie ses sbires enlever des jeunes filles à la recherche d'un mystérieux artefact détenu par l'une d'entre elles pour fusionner le Royaume Champignon ainsi que la Terre.

Le joueur, habitué à se promener dans le Royaume Champignon à la recherche de la Princesse Peach, sera donc certainement perplexe face à cette toute nouvelle interprétation de l'univers de Mario, pour le moins déconcertante. D'autres surprises ponctuent le long-métrage, comme l'apparence ridicule des soldats Goombas, la naissance de Daisy dans un œuf, l’apparition de certains personnages complètement hors-sujet (Toad, Iggy, Bertha, etc…). L’exception réside dans l’apparition du superbe animatronique du petit dinosaure Yoshi.

Plus haut je parlais des problèmes de relations entre les deux réalisateurs et les équipes techniques ainsi que les acteurs. Pour y revenir plus en profondeur, Rocky Morton et Annabel Jankel, ont accordé une importance abusive à l'esthétique de leur film, au dépend de l'histoire et du développement des personnages. On y voit très clairement une inspiration de Blade Runner ou Demolition Man pour la création du Royaume Champignon.

Les acteurs semblent en roue libre (notamment Dennis Hopper), n’ayant aucune direction de la part des réalisateurs préférant soignés leur décors. Bob Hoskins et Dennis Hopper s'accordèrent pour dire qu'ils vécurent sur le plateau la pire expérience cinématographique de leur carrière. Les deux acteurs ont ainsi largement critiqué le couple de réalisateurs, qu'ils décrivent comme arrogants, complètement perdus et indécis, en plus d'être davantage préoccupés par l'esthétique de leur film que par son histoire. Le couple de réalisateurs engloutira l'argent à une vitesse vertigineuse, refaisant inlassablement les mêmes prises, modifiant parfois même le scénario ou les dialogues quelques heures avant de tourner une scène.

Super Mario Bros. sort en 1993 et c’est un échec, tant critique que commercial. Le couple de réalisateurs ne survivra pas au film se séparant quelques années plus tard.

Catastrophe scénaristique et déception esthétique, Super Mario Bros. est un cas d'école à bien des égards. Victime d'un processus de création proprement chaotique et de nombreux conflits internes, le long-métrage a, malgré lui, réussi à se hisser au rang de film culte, pour toutes les mauvaises raisons qui l'entourent. Le spectateur peut néanmoins passer un bon moment divertissant devant Super Mario Bros. pourvu qu'il lui pardonne ses incohérences et qu'il se laisse emporter par sa folie.

StevenBen
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le 3 avr. 2023

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Steven Benard

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