Le cinéma, c'est aussi s'émerveiller devant la fertilité que peut atteindre l'imagination. Et ce Tale of Tales est là pour nous le rappeler, en cette époque si noire pour la créativité et si rose pour l'industrie. Tant de scénarios et d'histoires préfabriqués, de personnages stéréotypés, d'intrigue blêmes de linéarité, parsèment notre paysage cinématographique contemporain que quand un objet singulier comme ce Tale of Tales sort en salle, eh bien difficile de ne pas s'en réjouir et d'être prêt à pardonner toutes les maladresses du monde.


Nous avons ici affaire à un film de type choral, avec trois contes distincts partageant le même pays et le même univers. On est dans un Moyen-Age fantasmé et fantastique, fourmillant de monstruosités diverses et variées. On aura droit à monstres marins, à des puces géantes, à des ogres au grand coeur, à des sorcières couvertes de verrues. Egalement à des princesses en mal d'amour, à des monarques mégalos (superbe Salma Hayek en reine castratrice, femme fatale et mère surprotectrice), à des fantassins bariolés, à des dresseurs d'ours.. J'en oublie sûrement, tant l'univers construit par Garrone est dense.


Une densité visuelle, grâce au décors vintage (que ça fait du bien de voir du vrai décor phyisque à l'ère du tout numérique - et c'est plein d'inventivité en termes d'objets) et aux constumes touffus, impressionnants de précision. Certaines scènes sont de véritables tableaux baroques, avec arc-en-ciels chromatiques et composition luxuriante.


Une densité sonore, grâce à la bande originale composée par Alexandre Desplat, qui une fois de plus sait alterner rythmes dramaturgiques et mélodies lyriques, parfaitement imbriquée dans l'intrigue par le chef d'orchestre; Matteo Garrone.


Car ce dernier, qui n'a décidément pas peur de changer de registre (après Reality, très bon, et Gomorra), fait un travail remarquable de supervision à tous les niveaux cités précédemment. Le petit bémol va à la mise en scène, trop peu aventureuse dans ses prises de vue. On aurait aimé plus d'intimité avec ces personnages qui demeurent finalement assez étrangers. Les contes sont fait pour faire rêver; certes à travers son univers, ce qu'a très bien compris et appliqué Garrone, mais également à travers l'histoire de ses personnages. C'est là que le bât blesse. Garrone s'est peut-être laissé emporter par l'élaboration minutieuse de son monde. Ce dernier en devient un poil nombriliste, et perd de vue l'empathie du spectateur, son autre objectif. Qui n'est atteint qu'à demi, au mieux.


Tale of Tales n'en reste pas moins une production originale et extrêmement riche, qui, rien que pour ça, mériterait plus de reconnaissance de la part des médias et du public.

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le 21 juil. 2015

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