Taxi Driver

Un chef d'œuvre. Intemporel. Je l'ai vu à sa sortie et l'avais reçu comme un coup de poing. J'avais acheté le DVD il y a maintenant quelques années et viens de le revoir une troisième fois. Plus de quarante années ont passé et le coup de poing, s'il a évolué au cours des années, adresse, quand même, toujours aux mêmes interrogations.

Travis (De Niro) est un vétéran de la guerre du Vietnam, solitaire et désœuvré, qui ne trouve pas sa place dans la société. Il a vingt-six ans, ce qui est beaucoup et toujours rien de concret. Le sentiment diffus que la société, qui n'a pas hésité à l'envoyer au casse-pipe, ne sait pas quoi faire de lui. Comme il est insomniaque et passe la nuit à gamberger, il décide de devenir chauffeur de taxi de nuit. Une façon, aussi, de se prendre en main et d'avancer. Parce que, confusément, il y croit.

Travis rêve de pureté (la pluie qui doit nettoyer toute l'ordure des rues de New York) et c'est, d'ailleurs, la seule réponse qu'il est capable d'exprimer au candidat ("nous sommes le peuple !") qui le questionne dans le taxi.

Travis rêve de pureté et tombe amoureux d'une fille, Betsy, tout habillée de blanc ("elle avait l'air d'un ange"), assistante d'un candidat à une élection. J'avais admiré en 1976 et j'ai à nouveau admiré l'audace tranquille que Travis déploie pour draguer la fille et surtout l'intéresser. Evidemment, un faux pas et les différences criantes entre eux deux réapparaissent. Fin d'un premier rêve.

Travis rêve toujours de pureté et est bouleversé par cette prostituée enfant qui un jour monte dans son taxi avant d'en être brutalement extraite par son mac. Un évènement presque banal où Travis prend la mesure que la société n'a d'autre choix que de laisser faire, de courir à sa propre déchéance. Travis prend alors les choses en main : ce sera sa mission. Travis retrouvera un certain apaisement qu'on peut mesurer à la dernière scène dans le taxi avec Betsy où elle est bien plus émue que lui. Désormais classé héros, aura-t-il trouvé enfin sa place dans la société ?

Au-delà du personnage central interprété par un sobre et impressionnant Robert De Niro, il y a la mise en scène par Scorsese d'un New York nocturne admirablement tourné avec les reflets, les lumières, la vapeur qui sort des bouches d'égout, les couleurs, la saleté qu'on ne voit pas la nuit … il y a la mise en scène des personnages à travers les jeux de miroir, de rétroviseurs se focalisant sur des regards. La mise en scène du taxi sous toutes ses coutures …

La bande originale, légèrement jazzy, avec un saxo solitaire et troublant qui accompagne l'errance du taxi est magnifique. Elle est signée Herrmann dont c'est la dernière œuvre.

En conclusion, oui, c'est bien, pour moi en tous cas, un chef d'œuvre dans lequel je reste scotché sur la performance de Robert de Niro pour exprimer la générosité (cachée mais si évidente) de son personnage.