Le regard de Travis Bickle peut résumer à lui seul l'entièreté du film.
Un œil noirci par le pessimisme dans lequel luit une pointe d'espoir.
Un œil doux le jour qui se durcit à la nuit tombée. Un œil épuisé par un sommeil fuyant, par les images qu'il accumule entre le cinéma porno et les natures mortes citadines qu'il observe et dépeints à bord de son vaisseau.
Cet œil qui se repose à la vue de Betsy, cette once d'humanité dans le marasme quotidien dont il est témoin et acteur.
Un œil qui se vide, pour se remplir aussitôt d'un nihilisme inarrêtable provoqué par sa rencontre avec une prostituée...mineure d'age...quand il vivra le rejet ultime de tout ce qu'il pouvait encore s'efforcer d'aimer dans ce monde perdu en la personne de Betsy.
L’œil qui se fermera une fois que le poids sera devenu trop lourd et qu'il aura libéré le peu qui lui reste : cette enfant...et le salut de son âme, âme dont on a pu admirer le reflet tout le long.
Travis Bickle, symbole de l'enfant éternel emprisonné dans une carcasse d'adulte torturé, incapable de comprendre les rouages du monde moderne, d'en appréhender les vices, sujet à la colère et la frustration inexprimable que tout ceci provoque, finira par s'endormir bercé par les lumières de la ville et les notes qui s'échappent du saxophone de Bernard Herrmann.
Aucun autre œil que celui de Scorsese, n'aurait pu nous faire voir cette fresque urbaine et intemporelle, avec autant de pudeur, de réalisme et de franchise.
À voir, à revoir encore et encore... a chaque fois avec un œil nouveau.