Voilà un court métrage de 1947 un peu étonnant, découpé en deux parties très différentes. Dans la première, on est dans un documentaire assez classique, on nous montre le fonctionnement d’un studio de télévision de l’époque, avec le décor, les caméras dédiées aux trois types de plans, les différents techniciens, la régie, puis le câble qui parvient à la Tour Eiffel avant l’émission des images.


En 1947, le nombre de postes de télévision est encore limité, mais on lui promet un bel avenir. Et c’est justement ce futur où la télévision serait omniprésente que l’on nous décrit dans une seconde partie, dont certaines idées ont été tirées de « Cinéma total » de René Barjavel. Car la TSF semble détrônée, l’avenir est à la télévision, qui élargira assurément le champ des possibles : il n’y aura plus d’agents dans la rue, mais des caméras de télévision, qui pourront permettre d’appréhender facilement les délinquants. Ce n’est rien d’autre que la vidéosurveillance ! On pourra se voir par écran de télévision interposés (c’est skype !), mais il ne faudra pas oublier à s’habiller, notamment pour la femme sortie du bain… Le film adopte le ton solennel de l’époque tout en glissant quelques touches d’humour de-ci de-là, qui fonctionnent de façon inégale. Dans une agence de voyage, on voit notamment un gars ressemblant un peu à Strauss-Kahn qui cherche un hôtel confortable à Caracas, et demande les images, notamment de la literie. Le film ne dit pas s’il demanda à voir la femme de chambre, mais voilà un des possibles entrevus.


Le plus amusant, c’est de voir ce film a posteriori : on voit un Ministre des Colonies qui communique via la télévision au sujet d’un problème de cyclones (c’est ça le problème de certaines colonies à l’époque !) ; surtout, une image est assez visionnaire, celle où l’on voit des hommes et des femmes, sortes de zombies ne marchant qu’en regardant leur petit appareil à la main, un « singulier spectacle » comme le dit le commentateur, mais qui ressemble à beaucoup de nos congénères dans la rue ou dans les transports en commun. Le film nous parle aussi des futurs smartphones, sur lesquels chacun pourra se brancher sur l’édito politique de son journal, la chronique de mode, les résultats sportifs, etc.


Enfin, on nous décrit les changements politiques qui seraient induits par l’essor de la télévision : « Les ministres de demain, au lieu d’être choisis pour leur valeur, leur intelligence, leur dévouement à la cause publique, seront choisis pour la séduction de leur sourire, et le velouté de leurs yeux ».


Voilà, je vous ai un peu révélé tous les passages intéressants. En dehors de cet aspect visionnaire pour l’époque, et surtout de l’ironie de voir ces hommes obnubilés par leur appareil quasiment greffé à la main, je n’ai pas trouvé un très grand intérêt à ce film un peu particulier, accolant un film documentaire à des éléments d’anticipation, d’où cette note moyenne.


Si vous souhaitez le voir, le film est ici : http://www.ina.fr/video/CPF04010181

socrate

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