On pourra reprocher à ce second opus d'avoir perdu un peu de l'énergie punk et de l'aspect artisanal du premier (Terminator 2 étant à sa sortie le film le plus cher de tous les temps), de pencher, fort de son succès, vers un scénario plus conventionnel et une amoralité disparue (le méchant Terminator est à présent un gentil, affublé d'un enfant qui l'accompagnera tout au long de son aventure et lui révélera sa part humaine, lui interdisant toujours de tuer).
Y compris au niveau esthétique, le film est tout autre, James Cameron penchant à présent pour un Los Angeles écrasé par le soleil, pour un travail des matières et des lumières et une image très brillante et rutilante, loin de la noirceur et du grain du premier épisode.


Et c'est précisément cela qui fait de Terminator 2 un excellent film. Car entre les deux épisodes, James Cameron a fait ses armes sur deux films brillants : la suite culottée et badass d'Alien, et le mystique et impressionnant Abyss. Désormais en pleine possession de ses moyens, il parvient à créer avec ce Jugement Dernier un univers visuel unique et tout simplement superbe, noyé dans des visions apocalyptiques saisissantes, plongé dans les flammes, où les corps explosent, se déforment, fondent, où les matières sont mouvantes, frôlant parfois le meilleur de l'horreur à la Carpenter (le méchant T1000, génial et immortel, qui peut fusionner avec n'importe quel corps, est une riche idée parfaitement exploitée). Cameron, tout en gardant l'aspect analogique et en ne cédant pas aux CGI qui commençaient à naître, en indétrônable roi des effets spéciaux, impressionne par sa maîtrise fascinante des technologies et sa mesure, ne se vautrant jamais dans la débauche que le budget de production aurait pu permettre.


Film sur la matière et les machines, Terminator 2 est un brillant film d'action (peut-être l'un des meilleurs), superbement réalisé (pas une fausse note, la caméra est toujours impressionnante), prenant, réjouissant, drôle, souvent jubilatoire (auto-références amusantes), et parfaitement rythmé ; Cameron, est bien l'un des maîtres du genre et un prince d'efficacité et d'intelligence rythmique.


Mais derrière les fusillades, les explosions et les sensationnelles courses-poursuites, se dessine une lutte plus insidieuse et bien plus destructrice, le véritable sujet du film : la lutte contre le temps.
Mettant au cœur de son récit un enfant (toujours convaincant Edward Furlong), Cameron y place de fait le thème de l'apprentissage, renversant habilement la balance en faisant de l'apprenant le robot immortel qu'incarne à nouveau le bloc Schwarzie.
Ainsi ce divertissement de grande qualité se teint d'un sentiment de nostalgie et de peur du futur (paradoxal lorsqu'on considère la carrière futuriste de son auteur) ; peur d'une humanité comme seule espèce vivante capable de s'éradiquer elle-même (le spectre de la guerre nucléaire post-guerre froide hante le film du début à la fin, par ses visions cauchemardesques hallucinantes), contrairement à la machine qui elle ne peut s'auto-détruire.


Terminator 1 était un film sur la destruction et la mort ; Terminator 2, avec son titre, ses visions bibliques et son ton prophétique, est avant tout un film sur la vie, sa possibilité, sa nécessité, sa beauté.
Si l'enfant sauvera temporairement le monde, c'est peut-être bien dans le cœur bionique des robots que survivra le peu d'humanité qui nous reste sur cette planète.

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le 5 mai 2021

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Charles Dubois

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