Dégâts collatéraux des lésions cérébrales (Prix Spécial du Jury au Festival de Dinard)

Déjà coscénariste sur le peu remarqué et sans doute peu remarquable « Six Minutes to Midnight » (2020) de Andy Goddard, l’acteur britannique Celyn Jones passe, pour la première fois, derrière la caméra, en reprenant, secondé par Tom Stern, le projet délaissé par Guillaume Gallienne et en adaptant, avec l’auteure au scénario, le roman éponyme (2008) de Kaite O’Reilly. Sans renoncer pour autant à occuper l’un des quatre rôles principaux.

Un titre poétique et mystérieux (« L’Amande et l’Hippocampe »), qui désigne en réalité deux parties du cerveau ( « l’amande » valant pour « l’amygdale », en raison de sa forme) jouant un rôle important dans la gestion de la mémoire et des affects. Le scénario suivra en effet deux couples, dont l’un des membres a subi, depuis plusieurs années déjà, une atteinte cérébrale, par accident ou maladie. Point de convergence : l’établissement hospitalier dans lequel ils sont suivis, et notamment le Docteur Falmer, femme aussi charismatique qu’énergique, incarnée par Meera Syal.

Apparaissent ainsi Sarah (Rebel Wilson) et Joe (Celyn Jones himself), son jovial mari, aussi oublieux que désinhibé, dont le cerveau a subi l’ablation d’une tumeur importante. Toni (Charlotte Gainsbourg) et Gwen (Trine Dyrholm), quant à elles, tentent au mieux de surmonter le traumatisme crânien subi par cette dernière dans un accident de voiture survenu une quinzaine d’années plus tôt et qui a provoqué le perte du bébé dont elle était porteuse. Deux situations dramatiques, auxquelles le montage alterné adopté d’un bout à l’autre du film s’emploie à donner un rythme, afin d’éviter une exposition coup de massue ou trop doloriste. Une intention louable, mais les couleurs pimpantes, le ton léger, souvent même allègre, et la musique sautillante finissent par susciter une sorte de malaise et par créer un décalage agaçant avec la gravité de ce qui est montré.

 Il n’empêche : un certain effet comique parvient par moments à être atteint grâce aux grimaces du réalisateur-acteur et aux situations mises en place. Et surtout, l’intense Charlotte Gainsbourg, toujours très habitée, permet à elle seule de mesurer la détresse et la douleur des proches, confrontés à un être aimé devenu en partie, et irréversiblement, autre.

Grâce à son personnage et à la sincérité avec laquelle elle l’incarne, cette première réalisation de Celyn Jones, Prix Spécial du Jury au Festival du Film Britannique de Dinard 2022, peut prendre son sens et atteindre l’un de ses objectifs, qui est de sensibiliser le grand public à des drames qui se vivent dans l’ombre, la personne malade, atteinte au cœur même de sa personnalité, se trouvant coupée de son ancienne vie sociale et happant bien souvent dans une marge qui ressemble à un trou noir celle qui consacre désormais son existence à lui porter secours au quotidien.

AnneSchneider
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le 8 oct. 2022

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Anne Schneider

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