Les clippeurs font-ils de bons réal ??
Après Control, le réalisateur, clippeur et photographe Anton Corbijn nous sort un film inattendu : The American. Un thriller brumeux qui dévoile un George Clooney d'une justesse déconcertante.
Est-ce que les clippeurs font de bons réalisateurs ? En tout état de cause, nombreux sont ceux ayant passé le cap avec aisance. On pense à Fincher (on en parlait la semaine dernière), Michel Gondry (Eternal Sunshine and the spotless mind, Be Kind Rewind) ou Mark Romanek (le clip de closer de NIN). Anton Corbijn porte aussi la casquette de photographe. Derrière l'objectif du néerlandais sont tout de même passés quelques grands noms : Clint Eastwood, Kurt Cobain, Skin ou encore Miles Davis. Doué d'un sens de l'esthétisme intelligent, déjà aperçu dans son premier long-métrage Control (sur la vie du chanteur de Joy Division, Ian Curtis), Corbijn réalise The American. Inspiré du roman de Martin Booth A very private gentleman, le film raconte l'histoire de Jack, tueur en bout de course, épuisé par la vie qu'il mène, tentant d'y échapper. Un classique du film noir qui n'a, a priori, d'original que l'acteur qui interprète ce fameux tueur : George Clooney. Pour Corbijn, ce dernier est son Atlas, supportant son film avec une maestria que seul lui pouvait composer. Cadré longuement et sous toutes les coutures par un cinéaste à la recherche de l'expression juste, Clooney est magnifié à travers la prostration, la tension, la peur. Autour de lui se dressent les Abruzzes et le village de Castel del Monte, théâtre magnifique et morne d'un destin tragique, et puis Clara, somptueuse et prostitué, sorte de lumière au bout du tunnel qui ne se révélera que trop tard.
L'œil du photographe
On pourrait reprocher à l'ex-photographe (la couverture de Jack est peut-être un clin d'œil puisqu'il se dit photographe) de faire de son film un exercice de style tant le dépouillement, autant musical que textuel, s'avère pesant. Mais c'est tout là l'intérêt du film. Les scènes s'enchainent parfois dans un silence mortuaire laissant place aux sons. Les bruits de pas, les soupirs ou les résonnances métalliques d'une arme (voir la scène où Jack fabrique le fusil à lunette) suffisent à porter un trouble autour du personnage. Un lyrisme feutré que certains violons viennent accentuer comme dans les scènes sexuelles, pour le moins frappantes.
Avec Control, Corbijn faisait une entrée remarquée au cinéma. The American confirme le talent d'un réalisateur/artiste, espèce finalement assez répandu chez les clippeurs. En stylisant un sujet qui n'en valait peut-être pas la peine, il réussit une œuvre terriblement sexy en s'appropriant les clichés du genre et en les transformant en moments de poésie. On ne saurait conseiller à ceux qui n'aiment pas Clooney de passer leurs chemins. Les autres y redécouvriront un grand acteur.
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