Remettons immédiatement les choses au point. Naïvement, je pensais qu'il était évident pour tout conteur d'histoire potentiel qu'un aspect fondamental pour attirer puis conserver l'attention du public c'est d'écrire des personnages dont on souhaite connaître la destinée. On n'est pas obligés de les aimer, hein, on peut vouloir suivre un psychopathe, en espérant le voir finalement tomber. Ou pas, mais ça c'est entre vous et votre conscience!


Dans The card counter, Oscar Isaac a décidé de ne pas jouer. Même pas un peu. Soit parce qu'il n'est pas assez payé pour ça, soit parce qu'il n'aime pas tourner dans des motels; ou peut-être même parce qu'il s'est disputé avec Scorcese. Franchement, peu m'importe la raison, ce qui compte en revanche c'est que la conséquence de ça c'est qu'on se retrouve avec un personnage inintéressant qui se paie le luxe de ne même pas être bien incarné!
Alors je suis peut-être passée à côté du message du film. C'est possible. Mais c'est dingue comme ce long métrage parvient à ne parler de rien. Ni du traitement des prisonniers. Ni des conditions d'incarcération, que ce soit dans des prisons d'État ou dans des zones grises. Ni de l'univers des casinos. Ni de la question de l'addiction au jeu. Ni des stars du poker. De rien.


Alors qu'au vu de la liste rapidement esquissé ci-dessus, il y avait quand même LARGEMENT de quoi faire!


Donc le film ne parle de rien MAIS il parvient quand même à être incohérent. Pourquoi chercher à venger celui qui a détruit notre vie? Pourquoi vouloir aider un inconnu un brin collant? A-t-on vraiment le droit de quitter une table en plein tournoi de poker, alors qu'il ne reste que 3 participants? De quitter l'hôtel où se déroule le tournoi? De quitter la ville où se situe l'hôtel?


Je pose sincèrment la question, j'ignore tout des conventions du poker!


Parlons tout de même des bons points, puisqu'il y en a, et qu'il convient de les souligner!


La séquence d'introduction du film, nous présente succintement les astuces pour gagner au black jack. Les incrustations sur l'écran rendent les explications limpides même si je me doute que c'est loin d'être aussi simple en situation réelle!
Le personnage de La Linda est étonnamment cool.
La séquence dans les jardins illuminés, quoique trop longue, donne envie d'aller se balader la nuit près d'arbres à LED.
Les déformations et la saturation sonore et visuelle des plans dans la prison d'Abou Grahib fonctionnent véritablement!
Ha oui et l'aspect Amérique réaliste, profonde et désaturée, avec des motels dans lesquels il n'y a pas trois meurtres par soir mais où, simplement, il n'arrive jamais rien et chacun attende juste que le temps s'écoule, c'était sympa aussi.


Voilà. Voilà le tour des bons points.
Pour le reste, voilà une liste des remarques non hiérarchisées et probablement non exhaustives.


Pourquoi faut-il que les plans soient si lents? Le dernier plan en est un bon exemple: c'était vraiment nécessaire de filmer ces mains si longtemps? Je comprends la symbolique du geste, mais une fois chaque main en place, il me semble que le réalisateur aurait pu couper la caméra et lancer le générique hein. Et bim, 3 minutes de gagnées!
À quoi sert la séquence avec Jack l'arnaque? (Non ce n'est pas réellement le nom du personnage mais comme on ne le croise que durant une séquence, navrée mais j'ai oublié son blaze.) Il semble être là juste pour rallonger le film: coucou nous sommes dans casino 1 mais nous allons aller dans casino 2 parce que je veux participer au tournoi qui s'y déroule mais en fait on arrive trop tard et holala quel hasard voici justement un nouveau personnage avec qui tu vas pouvoir échanger des lignes de dialogue. Alors qu'il aurait suffit qu'Oscar aille au casino et rencontre Linda par hasard. Bien plus efficace et pas moins cohérent!
Pourquoi assister à une conférence sur la sécurité? Quel est l'objectif du personnage lorsqu'il entre dans la salle? Se rappeler de mauvais souvenirs?


Et d'ailleurs, quelqu'un a compris pourquoi il emballait ses meubles? Pour impresssionant que ça rende les plans d'ensemble (très lent, faut-il le redire), ça n'enbest pas moins dénué de sens! Ou alors j'ai pas compris (ce qui est une réelle possibilité).


Une occasion manquée donc, de parler des conséquences de nos actes passés.
Une occasion manquée de parler de vengeance, de rédemption et d'acceptation.


Une occasion manquée également pour parler de ce que sont les jeux d'argent. Comment gère-t-on l'addiction? D'où viennent les montants des gains mis en jeux lors de tournois? Qui sont les sponsors? Comment fait-on pour vivre du jeu? Quel impact ça a sur la santé? Sur le mental? Est-ce qu'il y a véritablement des figures caricaturales de "winners"?


Peut-être que c'est le mélange des genres qui peine à fonctionner. Peut-être aurait-il fallu s'attacher à un seul sujet et ne pas chercher à mixer les genres. Ou peut-être que le cinéma tranche de vie qui veut porter un message choc mais s'enterre dans ses propres longueurs, c'est juste pénible!

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le 9 févr. 2022

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