Critique pour Le Bleu du Miroir


Derrière la caméra de The Charmer, le réalisateur Milad Alami, devant l’acteur Ardalan Esmaili. Tous deux sont d’origine iranienne, et c’est certaine l’une des clés de la réussite ce film narrant les débâcles d’Esmail, jeune Iranien tentant de trouver épouse au Danemark pour ne pas être renvoyer dans son pays natal. Une vérité culturelle saisit au plus près, sans vision misérabiliste pour autant. L’épreuve cinématographique est confirmée par la forme même du film passée au filtre du documentaire romancé, émaillée d’un soupçon de thriller, donnant ainsi profondeur au sujet et au personnage principal, dont la complexité n’a de cesse de déstabiliser.


Car au fil de l’histoire, diverses ramifications enrichissent la trame narrative, dévoilant les dessous d’une nature humaine où la survie et la vengeance priment sur tout autre pulsion. L’amour est alors travesti en manipulation sentimentale dans le but d’échapper à l’expulsion. Une immigration qui ne dit pas vraiment son nom, ne sachant si Esmail cherche à fuir une destinée scellée en Iran ou l’espoir de trouver une vie meilleure au Danemark. La rencontre par Esmail avec des personnes de même culture persane déclenche une assimilation qui va tourner cependant à la farce mélo pour ce dernier, la supercherie l’accablant.


À force de séductions répétées, Esmail est alors rattrapé par son passé, promis à rendre son quotidien anxiogène au-delà de la menace des autorités. La violence sentimentale devient physique, versant dans le thriller psychologique. Un basculement haletant incarné par le visage de Lars Brygmann, brillant dans le rôle, face à un Esmail pas si innocent, trahi avec finesse par les yeux Ardalan Esmaili.


Et le charme opère
Le personnage d’Esmail laisse effectivement percevoir rapidement ses parts d’ombre entre séduction et manipulations amoureuses, lâcheté face à ses actes, dévoilant un charmeur dénué de scrupules. Mais Ardalan Esmaili communique à travers son regard toute l’ambigüité d’un personnage habité par une fragilité et une peur sous-jacentes. Le masque tombe morceau par morceau au fil des secrets exposés, mettant à jour une détresse plus profonde qu’il n’y paraissait. Malgré les travers d’Esmail, et sans même connaître ses motivations réelles, l’empathie finit par se développer pour cet homme désarçonné par une existence qui semble manquer de but.


C’est presque le fil d’Ariane de The Charmer qui, au-delà du sujet brûlant de l’immigration et des affres du mariage, expose la difficulté à trouver son existence avec une frontalité intelligente, évitant l’écueil du pathos et le propos abrupte. L’intelligence réside dans la durée même du film qui pourrait s’arrêter après de nombreuses séquences sans que le film ne paraisse inabouti, avec au contraire cette crainte que la suivante puisse plomber le récit. Chaque nouvelle image renforce pourtant avec justesse le désœuvrement auquel fait face le personnage d’Ardalan Esmaili.


Esmail ne semble pouvoir échapper à son conditionnement social et culturel, comme si toute tentative d’une autre vie malgré ses origines était vaine. À travers le portrait d’homme fuyard se dessine une génération, sur fond d’une Europe dysfonctionnelle.

CCorubolo
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le 21 déc. 2017

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