Une critique en retard (du moins par rapport à la plupart des blogs l'ayant faite dès l'avant première), c'est un peu devenu une tradition sur ce blog. Quelles que soient les raisons, j'ai mis à profit ce temps passé depuis la sortie du film pour me repencher un sur la carrière du chevalier noir, à travers plusieurs oeuvres bien distinctes. Un peu de recul n'est jamais de trop pour critiquer un tel film et, une fois n'est pas coutume, je vais spoiler. Ce sera plus intéressant pour développer mon avis, et je pense que ceux qui souhaitaient le voir l'ont déjà fait.


Par où commencer ? Je ne vais pas refaire l'histoire de Batman depuis les années 40, les fans la connaissent, Wikipedia fera l'affaire pour les autres. Son histoire plus récente a par contre un intérêt certain dans la critique à venir. J'ai commencé par revoir les deux films de Burton, qui a eu une approche radicalement différente de Nolan (euphémisme). Le premier opus est relativement sage, Burton exprimant ses délires fantastiques par l'intermédiaire d'un Joker démentiel interprété par un acteur parfait pour le rôle, j'ai nommé Jack Nicholson. Les libertés prises au niveau adaptation (le Joker a tué les parent de Bruce Wayne, Harvey Dent est noir) sont justifiées par l'histoire ou insignifiantes.


Pour Batman Returns, Burton a carte blanche après le succès remporté par le premier opus, et se lâche clairement sur les thèmes qui lui sont chers. Le film n'a presque de Batman que le nom, puisque le Pingouin et Catwoman occupent bien plus de temps à l'écran. L'abandon, l'exclusion, la trahison, la vengeance, le questionnement de la normalité sont remarquablement traîtés par le prisme du film de super héros, dans lequel Batman est mis face à ses limites et ses contradictions de façon intelligente par ceux qu'il combat.


La lecture de "The Dark Knight Returns" et "Batman: Year One" de Frank Miller s'est également montrée passionnante et très instructive, il était en effet le premier a avoir montré Batman de façon aussi sombre et réaliste. On sent l'inspiration que Nolan a pu trouver dans ses oeuvres, notamment le traitement poussé du côté technologique, des blessures, du côté humain de Batman et de l'impossibilité de sauver Gotham de ses propres maux.

On retrouve certains dialogues presque au mot près, sur les inquiétudes d'Alfred face au danger couru par son maître, la perception de Batman par les médias, et de façon plus générale la trame (retour après 10 ans d'absence notamment). Découvrir ces comics égratigne un peu la réputation de Nolan pour l'écriture de scénarios profondément originaux et personnels au passage, mais toujours moins que la révélation que j'ai eu en apprenant qu'Inception était un plagiat assez énorme de l'histoire Le rêve d'une vie de Picsou (je ne peux que vous conseiller de chercher ça sur Google, ça vaut le coup d'oeil).

Enfin pour conclure ce retour en arrière et être le plus neutre possible, j'ai revu The Dark Knight, le précédent film de Nolan, qui reste pour moi un des meilleurs films de super héros. Fluide, dynamique, sombre, intelligent, pas caricatural pour deux sous, doté d'un méchant déjà culte à l'aura renforcée par la mort soudaine de son interprète, à la fin d'un pessimisme rarement égalé dans un blockbuster... un grand film tout court.

Alors, tout ce blabla sans avoir encore parlé de The Dark Knight Rises (ou TDKR pour la suite), qui est après tout le sujet de l'article ? Pour ceux qui suivent encore, je pense que cela restait la meilleure façon de remettre le dernier film de la trilogie dans son contexte, à savoir une oeuvre attendue avec ferveur par beaucoup, et annoncée bien à l'avance comme le blockbuster de l'année, qui ridiculiserait Avengers et The Amazing Spider-Man. C'est peu de dire que Nolan était attendu au tournant.


Autant le dire d'emblée, TDKR est un film qui souffre terriblement de la comparaison avec son prédécesseur. S'il était possible de pardonner les nombreux défauts de Batman Begins rien que parce qu'il devait effacer le pénible souvenir de Batman & Robin, il est ici difficile de ne pas voir la différence de qualité. TDKR a le problème du blockbuster trop ambitieux qui aurait du être soit plus court, soit bien plus long. La première moitié du film installe pourtant un rythme assez confortable, nous gratifiant de quelques scènes d'action assez marquantes comme l'attaque de l'avion ou le premier combat entre Batman et Bane dans les égouts.


Le problème, c'est que dès le début, le scénario a bien du mal à tenir debout, miné qu'il est par les incohérences. Elles ont d'ores et déjà été listées par de nombreux internautes, mais il reste difficile pour moi de les passer sous silence tant il faut être tolérant pour les ignorer. Dès cette introduction dans l'avion, le plan de Bane prévoit de transfuser le sang du docteur dans un futur cadavre, en plein vol, pendant que l'avion se désintègre. Passons les risques totalement stupides que cela implique, la question qui se pose est: pourquoi ? Depuis quand on identifie les victimes d'un crash par leur sang ? Et des questions de ce genre là, vous pourrez vous en poser un paquet pendant le film.

Comment la nuit peut-elle se coucher en moins de 8 minutes pendant l'attaque de la Bourse ? (si si, il fait plein jour quand les motos sortent - d'on ne sait où d'ailleurs - et nuit quand Batman arrive). Comment Batman peut-il marcher sans risque sur la glace alors que les prisonniers la traversaient en pesant la moitié de son poids ? Quand a-t-il eu le temps de peindre une énorme chauve souris à l'essence ? Et encore ce sont des détails pris sur des scènes précises, mais à l'échelle du film il y a d'énormes problèmes de cohérence et beaucoup trop de facilité, à commencer par le plan de Bane qui est passablement capillo-tracté et nécessite beaucoup trop de chance pour être crédible.


Comment pouvait-il prévoir que les flics seraient assez idiots pour se précipiter à 5000 dans les égoûts pour s'y retrouver prisonniers ? Pourquoi faire tourner la bombe dans des camions histoire que les gentils devinent l'actuce au lieu de la planquer dans un endroit connu de lui seul ? Pourquoi avoir une voix aussi ridicule ? (merci la post production, qui a jugé la voix initiale de Tom Hardy trop difficile à comprendre et l'a intégralement trafiquée pour la rendre "plus audible", il suffit de regarder les premières bandes annonces pour voir la différence).


On se retrouve en gros avec un méchant digne d'un mauvais James Bond là où Bane est censé être d'une intelligence redoutable, et apte à défier le plus grand détective du monde. C'est exactement le genre de film dont j'ai du mal à ne pas voir les défauts, et dont les louanges assez incroyables qu'il reçoit me laissent perplexe, surtout lorsqu'il est considéré meilleur que le précédent. On est loin du schéma du dernier Spider-Man où tout était assez moyen, ici on a des fulgurances trop souvent contrebalancées par du gros n'importe quoi ou des défauts assez rhédibitoires.

La mise en scène de Nolan fait plus penser à Inception qu'à The Dark Knight lors des scènes d'action, à savoir pas toujours très lisible ou inspirée, et la musique de Zimmer n'aide vraiment pas. On remarque d'autant plus les passages sans musique comm le combat dans les égoûts, le reste du temps elle trop souvent assommante et pas originale pour deux sous. En comparaison, les notes stridentes marquant l'entrée du Joker étaient vraiment bien senties.

Mais malgré tout cela, j'étais assez satisfait du film jusqu'au passage du puits, qui amène encore son lot encombrant d'incohérences. C'est vraiment à partir de là que ma déception s'est vue plus marquée, avec le retour "pile-au-dernier-moment" de Bruce Wayne, les passages clichés qui s'empilent avec la bombe, les gentils flics qui chargent, le pseudo dilemme de Selina Kyle (attention, ne l'appelez surtout pas Catwoman, personne ne le dit dans le film), le combat final tout pourri contre Bane, le twist ultra pénible du méchant caché...

Pas ça, au secours, surtout pour que ce soit Cotillard qui avait déjà du mal à être crédible avant. Cette fois c'est donc le cliché du "mouahaha je servais à rien tout le long du film mais en fait c'est moi le super méchant, surprise !", éculé depuis quelques bonnes dizaines d'années. Donc pour faire bonne figure elle poignarde Batman ce faisant, et là, en plein suspense que vous êtes, vous vous demander ce qu'il va bien pouvoir se passer pour que Batman se sorte de cette mauvaise passe...


Et bien oui, quel étonnement, c'est bien Cat... Selina Kyle qui déboule à moto, dégomme Bane (qui attendait sagement dans son coin pendant ce temps là), fait fuir la méchant et sauve l'homme chauve souris. C'est déjà bien gratiné, mais ce n'est pas fini ! La poursuite débouche sur une des morts les plus nanardes du cinéma "sérieux", qui fait l'objet de moqueries sans fin depuis la sortie du film. Et dans la série des clichés, on se paye au passage le baiser pas du tout innatendu entre Selina et Batman (qui a oublié en moins de 30 secondes sa précédente conquête, elle est morte après tout) ET le coup du décompte de la bombe maléfique.


Batman se sacrifie donc pour sauver Gotham, et là je dois avouer que j'étais vraiment ému de voir que Nolan avait eu le courage d'aller jusqu'au bout de ses idées. Voilà qui aurait pu permettre d'être bien plus indulgent sur un bon paquet de défauts cités précédemment, mais non, ce n'est toujours pas fini. C'est le moment du twist encore plus pourri, "je vous ai fait croire que j'étais mort mais c'était seulement pour couler des jours tranquilles". Sérieusement ? De plus l'explication donnée ne tient même pas debout, Bruce Wayne est supposé avoir patché le pilote automatique alors qu'il ne connaissait même pas l'existence du Bat et qu'il se morfondait dans son manoir.

Et au cas où, on nous assène un coup final dans une séquence italienne à la photographie digne des Feux de l'amour, vraiment, c'est dur. En parallèle nous étions informés que le vrai prénom de John Blake était Robin (comme s'il n'y avait pas assez d'indices tout le long du film), et le film se finit sur sa découverte de la caverne de Batman. Quel intérêt, franchement ? Nolan avait fermement déclaré que ce film était le dernier et n'appelait pas une suite, alors pourquoi finir de façon aussi ouverte ?


Alors oui, cette critique a toutes les chances de me faire passer pour quelqu'un d'aigri, quelqu'un qui digère mal sa déception et qui attendait trop du film, mais ce serait trop facile. Je n'ai rien contre Nolan, je le répète, j'ai vraiment adoré The Dark Knight même en le revoyant juste après, et je ne souhaitais en aucun cas avoir le même film. C'est bizarrement le cas, ce TDKR étant une sorte de mélange des deux précédents et du comic The Dark Knight Returns, trop impersonnel, trop ambitieux, et manquant étrangement de passion à tous les niveaux.


Il mérite largement d'être vu au cinéma pour quantité de scènes impressionnantes, les 2h45 passant assez rapidement, et pour constater que Nolan est loin d'avoir tout perdu comme pourrait le laisser penser ma critique. Une scène comme le garçon qui chante un hymne au stade est vraiment géniale, par exemple, et ne fait que confirmer à mes yeux que Nolan est encore capable de sortir un film du niveau de The Dark Knight avec plus de rigueur et de passion. Surtout que me donner tort comme ça par rapport à ma dernière phrase de la critique de Spider-Man, c'est un peu humiliant, alors hop, au boulot Chris.
blazcowicz
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le 27 août 2012

Modifiée

le 27 août 2012

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