(Attention légers spoilers)

J'aime Batman. Ce héros sombre et torturé me fascine depuis mes 13 ans. C'était pourtant l'époque où les deux monstruosités de Joël Schumacher squattaient les salles de ciné. L'univers de Batman était devenu une farce. Pendant ce temps, l'ado que j'étais découvrait les comics de Miller, Moore, Doug Moench, se familiarisait au concept des "Legend of the Dark Knight" et attendait frénétiquement la parution trimestrielle du prochain volume du "Long Halloween" de Loeb/Sale. Je me souviens avoir espéré plus d'une fois qu'un jour, un réalisateur retranscrira avec exactitude ma vision du chevalier noir. Batman pourrait alors évoluer dans un monde sombre, réaliste et chaotique. Et puis cet éventuel réalisateur ne prendra pas les fans du Batman au mieux pour des gamins farfelus, au pire pour des décérébrés ou des gays refoulés. (ouais Joel Schumacher nous prenait vraiment pour ça!)
Même si j'adore les deux films de Burton et le dessin animé culte de Bruce Timm, j'ai également vite compris que les meilleures BD de Batman étaient des polars diaboliquement ficelés qui mériteraient de servir d'inspiration à un visionnaire (là je ne me doutais pas que l'avenir allait dépasser mes espérances). J'en suis aussi arrivé à la conclusion qu'il ne suffisait pas de faire venir Batman dans un univers personnel et gothique pour retranscrire pleinement la complexité des productions papier génialissimes des 90's. Burton, bien qu'ayant sa propre vision intéressante du personnage n'a jamais été pour moi une référence ultime. Car le problème de Burton est là: il se contente souvent de faire venir les personnages dans son propre petit univers sans explorer leurs psychologies. Il ne va pas à eux, il ne leur offre pas la dimension épique qu'ils méritent.


Il est chose ardue d'enchaîner après la perfection...

En 2005 Christopher Nolan est arrivé avec son prometteur "Batman Begins", j'ai alors constaté que ce mec avait compris beaucoup de choses dans l'appréhension du héros et de son environnement. Et puis arriva le fameux "The Dark Knight" qui devint un de mes films vénérés. Blockbuster intelligent au scénario complexe et subversif, "The Dark Knight" allait concrétiser à la fois toutes mes espérances d'ado et tous mes fantasmes de cinéphile. Nolan était allé au delà de mes rêves les plus fous. Il m'avait donné le film parfait. L'ayant vu une bonne vingtaine de fois en 4 ans, j'allais forcément créditer une confiance illimitée au réalisateur brittish et lui donner une indulgence totale en cas de ratage.
Parce qu'il faut avouer qu'on y a tous pensé un peu, au ratage... La mort tragique d' Heath Ledger avait forcément bouleversé les plans de Nolan. On n'oublie pas non-plus ses hésitations en 2008 lorsque les questions sur un ultime opus se posaient. Ledger ne pouvait qu'occuper le devant de la scène dans ce troisième volet tant son personnage était devenu culte. Car ce Joker fut un des plus grand méchants de l'histoire du cinéma, allant jusqu'à presque ringardiser Nicholson dans la version de Burton. (Le Joker de Ledger a bien plus d'épaisseur et d'ambiguïté, il fait peur dans son réalisme, il fait réfléchir, fascine, entraîne des questionnements contemporains, donc oui il fout bien plus les jetons que Jack dont le personnage se contente d'évoluer dans un monde imaginaire et abstrait).
Bref, il fallait pourtant introduire un nouveau méchant susceptible de reprendre ce flambeau révolutionnaire et destructeur, c'est donc Bane qui sera choisit. Le clown avait "laissé entrouvrir les portes à l'anarchie"... on s'est donc dit que Bane allait l'étendre en embrasant Gotham. En voyant certaines images on s'était dit qu'une lutte des classes aurait sans doute lieu. L'attaque de la bourse semblait prouver que l'anarchie allait s'étendre! Sauf qu'en réalité le chaos dans Gotham se révèle moins ambigu que prévu...


Un scénario plus classique et moins dérangeant.

Car soyons clairs: il apparaît indiscutable que les fameux journalistes américains qui ont formulé tant de critiques dithyrambiques avant la sortie du film devaient être en réalité payés par la Warner. Bien que Nolan remplisse une fois de plus parfaitement son contrat, ce n'est pas "le meilleur film de super-héros de tous les temps". Faut pas non-plus nous prendre pour des jambons... Bane, ce nouveau vilain brutal dont on ne voit que les yeux, n'a pas le charisme du Joker. Il n'en a pas la folie, il ne procure pas de fascination, il ne heurte pas nos convictions. Bane n'est pas un individu insaisissable que l'on ne peut ni raisonner ni corrompre. Il ne fait qu'obéïr religieusement à son ancien maître Ras Al Ghul... mouais... avouez que ça fait un peu bateau... Alors que l'on s'attendait à un flamboyant bouquet final anarchique de "The Dark Knight", on a donc finalement l'impression d'assister à une simple suite de "Batman Begins" assez conventionnelle dans le contenu. Nolan s'embourbe un peu dans les thèmes sous-jacents du film. Le propos politique notamment fait Pshiiiiit. L'anarchie attendue n'est qu'une révolution d'opérette sans idéal ni cause collective orchestrée par des prisonniers mutins de Panurge dépolitisés. Bane ressemble surtout à un religieux fanatique au cerveau lavé issu d'une secte apocalyptique plutôt qu'à un leader politique. Et par dessus le marché il agit par amour pour Marion Cotillard (c'est dire s'il est lobotomisé le pauvre...)
L'autre interrogation du film était l'introduction de Catwoman. Anne Hathaway campe une Selina Kyle convaincante, crédible, énigmatique et ambivalente comme il le faut. Rien à redire. Le personnage très étoffé de J. Gordon-Levitt apporte également un plus indéniable, il reprend en quelque-sorte le flambeau d'Harvey Dent en tant que chevalier blanc de Gotham, humain, droit et juste. Contrairement à Dent qui reprèsentait l'élite éclairée, il représente le citoyen "normal", l'homme de bien qui contribue à édifier une civilisation. Il en vient à presque occulter un Jim Gordon un peu fatigué et mis de coté.
Il n'y a aucune référence au Joker qui brille forcément par son absence. La seule référence au film précédent est la mort d' Harvey "Two face" Dent: un évènement charnière qui aura des conséquences immenses dans le comportement du Caped Crusader et dans la figure du héros symbolique que les citoyens de Gotham ont nécessairement besoin.


Une apothéose épique.

Le film est légèrement inférieur à "The Dark Knight". Le scénario y est moins élaboré, moins dense, moins grinçant et tordu aussi. Mais il n'en reste pas moins bien supérieur à l'immense majorité des super-productions actuelles. La réalisation est impeccable et on prend une fois de plus une claque visuelle par Nolan qui nous offre des scènes dantesques dans la seconde partie. On retrouve aussi toujours ces séquences qui foutent les frissons et hérissent le poil. Le britannique apporte surtout une conclusion épique et méritée au chevalier noir et à son double: Bruce Wayne. Car le vrai héros du film cette fois-ci c'est bien lui. La personnalité de Bruce Wayne y est encore plus disséquée que dans les autres films. Sa relation amicale avec Alfred est poignante, sa relation avec son alter-égo masqué l'est encore plus. Batman a droit à une sortie digne dans ce cycle mythologique abouti et ancrée dans notre monde moderne. La deuxième partie du film est une apothéose qui fait entrer cette version de Batman définitivement dans la légende. L'ado boutonneux et réveur qui subsiste toujours un peu au fond de moi est rassasié. La boucle est bouclée. Aucun quidam ne pourra plus jamais avoir de ricanement moqueur lorsque j'avouerais:
"J'aime Batman".
PhilippeFromNYC
7
Écrit par

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Créée

le 2 août 2012

Modifiée

le 5 août 2012

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