Ce film est plutôt sympathique: bons acteurs, beaux décors, image soignée, parlante, questionnement intéressant, assez original.
Le bémol se situe pour moi au niveau du scénario, qui s'étire un peu trop.


J'avoue que je n'ai pas tout-à-fait compris pourquoi ce film s'appelle comme ça.
La fille ne joue pas non plus un rôle si central. Peut-être était-ce pour donner une touche de mystère, on s'intéresse beaucoup à ce petit personnage à cause du titre, mais vous verrez, il n'est pas - ou alors j'ai raté quelque chose - le clef de l'énigme.


Ce qui est assez chouette dans ce film, c'est d'abord qu'il n'est pas prévisible: on ne sait pas ce qui va se passer, et ça, c'est très bien.
D'autre part, il garde le flou sur le monstre, on ne sait pas finalement si le monstre est une matérialisation de l'esprit dérangé de l'héroïne, ou un véritable démon.
Et ça, c'est une réflexion intéressante: et si tous les démons n'avaient jamais été que des hallucinations créées par l'esprit des gens qui les voyaient? Et si les démons existaient d'une certaine manière, comme incarnation d'un problème psychique profond? Cool!
Le film laisse planer le mystère, même s'il semble pencher vers l'interprétation psychologique du phénomène. J'ai apprécié ce doute, qui brouille la frontière entre réel et irréel.


D'autre part, le film s'intéresse à deux sujets chers à la psychologie de l'époque, à Freud tout particulièrement: les femmes, et la sexualité. Des vrais problèmes de société à cette époque.
Pendant tout le film, on passe par tous les degrés de la condition féminine: au départ boutiquière, l'héroïne devient une demoiselle amoureuse, puis une lady, puis malade, mère poule, hystérique, superstitieuse... Je ne vous dit pas tout.
Et on voit clairement que l'évolution de cette femme, qui passe par tous les clichés de l'époque sur les femmes, est favorisée par les rapports qu'elle entretient avec son mari, et la place de la femme dans la société de l'époque.


Le mari non plus n'est pas épargné, ou plutôt, l'homme comme il était à l'époque (et est encore un peu aujourd'hui :-D, oui oui). Aimant, très amoureux même, moral, tendre, gentil, et puis joli aussi, ce qui ne gâche rien, il semble la figure parfaite du mari rêvé de toute jeune femme.
Et pourtant... il perd le contrôle. Et au lieu d'essayer de comprendre sa femme, de discuter avec elle, il ne dit jamais rien sauf pour faire de l'autorité. Doucement, au début. Et puis de plus en plus connement: incapable d'écouter, de comprendre les problèmes de son épouse, il la laisse sombrer seule et les empire même en lui criant dessus dès qu'elle essaie de lui en parler.


C'est intéressant aussi le choix de faire de lui un de ces médecins cartésiens, persuadés que les animaux, dépourvus de conscience, sont également incapables de sentir la douleur( esprits sensibles, préparez-vous, il s'agit d'une scène très choquante reflétant à merveille la réalité de l'époque, et dans une certaine mesure celle de nos jours aussi).
Car à cette époque, on croyait aussi que les femmes avaient moins de conscience que les hommes. Quoi d'étonnant, partant de là, qu'il n'ait même pas l'idée de dialoguer avec sa femme sur la souffrance qui la ronge, qui la conduit lentement mais sûrement vers l'événement final?
Bref, le mari est quant à lui l'incarnation de l'échec de l'homme de l'époque à comprendre la femme de l'époque, tous les travers du patriarcat, et ce malgré toutes les qualités avec lesquelles il démarre. Qui montre que ce modèle est malsain pour le couple, qui se dégrade inéluctablement dès l'apparition du premier problème.


Pour ce qui est de la sexualité, ce film est louable: il nous montre vraiment ce que c'était à l'époque, et pourquoi il y avait tant de maladies psychiques dues à des troubles de la sexualité.
Souvent, on entend dire que Freud était un obsédé, car il parlait souvent, très souvent, de maladies liées à la sexualité. Mais non, pas du tout: il faut prendre conscience de ce qu'était la vie à l'époque.


La sexualité était totalement réprimée par la morale. Regardez notre petit couple de héros: au début, ils le vivent bien car ils peuvent coucher ensemble pour avoir un enfant dans les règles de la morale.
Et puis quand survient le problème (je ne vous dis pas lequel), ils se trouvent dans l'incapacité de trouver une solution: incapables de parler, incapable de concevoir d'autres manières de coucher ensemble. L'homme seulement parvient à exiger de sa femme qu'elle lui fasse des préliminaires, sans jamais avoir l'idée de lui en faire lui-même pour la convaincre et adoucir son jugement sur le sujet. Il en vient à la violer (ok, elle est semble consentante car elle aussi a envie, mais elle dit tout de même non et on comprend très bien pourquoi! et ça... aujourd'hui c'est considéré comme un viol), il se vexe affreusement qu'elle refuse de dormir avec lui, alors qu'il sait très bien à quel point c'est risqué pour elle. Aucune compassion intelligente, c'est un boulet au lieu d'être une aide.


Bref... Pas étonnant que notre héroïne développe une maladie psychique liée à sa frustration et sa peur de la sexualité.
Et pas étonnant non plus, le petit clin d’œil à Freud au début du film.


Enfin, un film sympa, qui réfléchit et propose une interprétation psychologique intéressante des phénomènes paranormaux, tout en militant posément contre le modèle patriarcal et la vie de misère affective qu'il impose aux individus.

VioletteArdloch
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le 2 mai 2019

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