Yare yare... La Désastreuse Adaptation de Saiki Kusuo.

Depuis le boom du manga initié par Glénat dans les 90’s, on a tendance à voir sortir tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi.
Hélas pour certains (dont moi), on bouffe du avant tout du shōnen, de qualité bien souvent trop moyenne (si ce n’est moins), et surfant généralement plus sur les succès d’estime et/ou commerciaux que sur les succès critiques. Du coup, parmi la myriade d’éditeurs actuels (Kazé, Tonkam, Pika, Kana, etc), il est triste de constater qu’on peut trouver des trucs comme Yotsuba & ! (chez Kurokawa), mais qu’aucun n’a eu la bonne idée de publier Saiki Kusuo no Ψ nan en France...
C’est d’autant plus curieux quand on voit que dans la cuvée 2012 de Weekly Shōnen Jump, les francophones ont préféré éditer Haikyū !! (pourquoi ?), Food Wars ! (c’est drôle mais c’est pas dingue non plus) et Assassination Classroom (bon, celui là je comprend).
Heureusement, il reste les scans de fans, mais surtout, et c’est encore plus évident ici, il reste les animes.
C’est par ce biais que j’ai découvert Saiki Kusuo no Ψ nan, et même si j’adorerais avoir l’intégrale en manga papier, je dois bien avouer que ça reste, pour moi, un des animes les plus drôles et les plus barrés depuis Ranma 1/2 (oui, je suis vieux, et pour moi c’est une référence).
Comme souvent, quand un manga ou un anime a du succès (du moins au Japon), il n’est pas rare qu’il finisse par être adapté en Live, que ce soit pour le cinéma ou pour la TV.


Le gros problème des adaptations nippones c’est que, depuis plusieurs années déjà, on ne sait plus de quelle façon ils vont l’adapter.
Quand on voit les adaptations de mangas dans les 70’s (Baby Cart, La Femme Scorpion, Hanzo the Razor, Lady Snowblood, Golgo 13, etc), on se dit qu’on avait de vraies, bonnes, adaptations ; dignes du cinéma, avec de vrais moyens, de bons acteurs, et des réalisateurs qui connaissaient leurs sujets.
Hélas, depuis les 90’s et l’avénement du DTV, la qualité à tendance à nettement baisser. Et avec l’explosion des dramas et des films tournés à la pelle pour les chaines de TV, ça ne va pas en s’arrangeant.
Du coup, ça fait une vingtaine d’année qu’on navigue entre des adaptations véritablement cinématographiques, et des adaptations ultra cheap vraiment bas de gamme, même pour de la télévision.
Là où ça fait vraiment mal, c’est que la majorité des adaptations venant d’univers de science-fiction ou fantastiques (ou tout ce qui devrait s’approcher plus ou moins d’un tokusatsu) ont tendance à être cheap, alors que c’est souvent eux qui devraient bénéficier de meilleurs costumes/maquillages/effets spéciaux. C’est également le cas avec beaucoup d’adaptation de comédies où, sous couvert des divers aspects comiques, ils pensent apparemment qu’on leur pardonnera plus facilement.
C’est peut-être le cas au Japon (en fait non, mais c’est un autre débat), mais ça passe généralement mal en occident.
Avec cette adaptation Live de Saiki Kusuo no Ψ nan, on est à fond dans le cheap et l’enchainement de mauvaises décisions...


Il ne faut pas se voiler la face, la quasi intégralité des personnages sont ratés. Aussi bien sur l’aspect visuel que sur les dialogues ou sur le jeu de leurs acteurs.
Les costumes cheap, les perruques, les coiffures hasardeuses, les prothèses loupées et les accessoires ratés, la photographie douteuse, l’image qualité HDV minable, les effets spéciaux à peine dignes d’un Super Sentai, tout ça, on peut éventuellement en faire abstraction (bien que ce soit difficile).
En revanche, on ne pourra pas fermer les yeux sur le casting bancal (à l’exception, peut-être, des personnages de Saiki Kurumi -la mère du héros- et de Matsuzaki -le prof- ), le jeu lamentable des acteurs (ou le foirage total de la direction de ces acteurs), le scénario raté, la réalisation aux fraises, ni la bande son lamentable, qui nous donnent au final un massacre total de l’œuvre originale, ce qui reste clairement en travers de la gorge ; encore plus quand on a vu l’anime.
L’anime fonctionne bien grace à un bon nombre de choses, parfois dissonantes prises une à une, mais qui ensemble forment une alchimie comique.
Concernant le personnage principal, Saiki Kusuo, on a le fait que plus de 99% de ce qu’on entend est en voix off, aussi bien ses pensées que les réponses qu’ils fait aux autres. Il y a également le débit de paroles, très rapide, bien rythmé, très ciselé (un peu comme la voix-off dans Bref). Ses reflexions sont souvent décalées et ne manquent pas d’humour... Absolument rien à voir avec le film. Dans le film il parle (réellement), le débit est lent, sans rythme, pas ciselé pour deux ronds, et l’humour quasi absent.
Comme il est télépathe, on devrait aussi normalement entendre quelques pensées de ses camarades, et là ce n’est quasiment jamais le cas, sauf avec Teruhashi Kokomi.
Parlons-en de Teruhashi. Dans le manga, quand elle est seule, elle est souvent représentée avec des effets style bokeh (petits ronds, étoiles, etc) ou des sortes de rayons donnant un effet lumineux. Dans l’anime, elle est sans cesse entourée d’un halo lumineux. Dans le film ? Rien...
Dans le manga et l’anime, Teruhashi est un modèle de perfection, que ce soit physiquement (d’après tout le monde, et elle-même), ou dans sa façon d’agir, mais quand Saiki lit ses pensées, on découvre souvent des réflexions un peu égocentriques, en décalage avec l’image qu’elle montre, donnant lieu à des situations comiques. Dans le film ? Elle est atrocement banale physiquement (voire grotesque avec ses wabaki compensées ultra hautes), ses pensées la font passer pour une sorte de psychopathe machiavélique narcissique mégalomane, et elle passe son temps à faire d’horribles grimaces bien trop exagérées, ce qui est totalement à l’opposé de ce personnage qui veut avoir l’air d’incarner la perfection...
Et ce genre de problèmes se retrouvent chez Kaido qui est encore plus ridicule sur absolument tous les points, Nendo qui traine plus avec Hairo qu’avec Saiki et qui n’a pas l’air de faire de fixette sur les ramens (et qui est carrément plus petit et moins barraqué), Hairo est quant à lui nettement moins musclé et nettement moins enflammé, Kuboyasu à l’air d’un abruti et d’un détraqué, bien trop collant, tactile et extraverti... Quant aux autres personnages secondaires emblématiques, ils sont tout simplement absents (ah non, il y a Chōno le magicien, c’est vrai).
Ajoutons à ça que, à part peut-être Saiki et Teruhashi, tous les acteurs ont l’air d’avoir facilement dix ans de plus que les personnages qu’ils sont censé incarner...


Si les caractéristiques des personnages ne sont pas respectées, on pourrait croire que des efforts ont été faits sur l’histoire. Que nenni... L’histoire est une sorte de patchwork ; des morceaux choisis du manga/anime, greffés sur une une trame de fond, elle aussi extraite du manga/anime, à laquelle on a tenté d’ajouter quelques touches d’originalité. Pour un spectateur lambda, ça pourrait éventuellement fonctionner. Pour une personne qui connait le manga et/ou l’anime, c’est une catastrophe tant les éléments paraissent mal agencés alors qu’ils étaient marquants et se suffisaient largement dans le manga/anime. Là c’est trop gros, ça fait tâche, et les touches originales sont plus pitoyables les unes que les autres...
Bien entendu, rien de ce scénario bancal, ou du massacre des personnages et des gimmicks, n’est sauvé par la réalisation ou le montage. La réalisation est plus plate qu’un drama de seconde zone, le montage est bien trop académique, ce qui donne des longueurs barbantes, des blagues qui tombent à plat, une absence totale de tension dramatique ou d’émotions.
Idem pour la musique, avec une OST qui ne marquera pas les esprits, et quasiment aucun des gimmicks musicaux de l’anime, alors qu’ils soulignaient parfaitement certaines situations et que beaucoup de personnages avaient leurs propres thèmes (ah si, ils ont quand même repris celui de Chōno).


Il y a beaucoup d’adaptations qui peuvent être très cheap, pas malines, peu judicieuses, voire mauvaises, mais à qui on pardonne beaucoup de choses parce que quelque part ça fonctionne, qu’on sent de la bonne volonté, que malgré tout on sent que des efforts ont été fait, et du coup j’arrive sans trop de problème à les apprécier (même si je sais que ça ne fait pas l’unanimité, comme avec Death Note, Space Battleship Yamato, Casshern, etc). Eh bien ce n’est pas ce que j’ai ressenti ici.
Même en restant le plus objectif possible, en me mettant à la place d’un spectateur qui ne connait absolument rien de Saiki Kusuo no Ψ nan, et en restant dans l’optique d’un film cheap type Serie B (voire nanar), ça ne mérite peut-être même pas la moyenne ; ou à peine, avec le plus de recul possible... Les spectateurs rompus aux films comiques japonais bien cheap, avec des acteurs qui en font des tonnes dans tous les domaines, alors oui, ça restera une comédie moyenne, mais passable, loin d’être inoubliable.
En revanche, si vous connaissez le manga, ou pire, si vous avez vu l’anime, alors il y a de fortes chances que vous soyez déçus. Ne vous infligez pas ça, ça n’en vaut pas la peine, restez-en à l’anime.
D’ailleurs, voyez l’anime si vous ne connaissez que le manga, ou si vous ne connaissez ni l’un ni l’autre, ou si vous n’avez vu que ce film. Franchement, l’anime est top.

DocteurKi
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le 11 janv. 2021

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