J'ai eu l'occasion de visionner « The Follower », premier long métrage de Kévin Mendiboure à l'occasion du FANtastic Horror Film Festival de San Diego, et je tenais à poster une critique qui, je l'espère, sera objective.


On pourrait s'attendre à ce que le film se repose surtout sur son format : un stream d'un Youtubeur entraîné dans une histoire qui le dépasse. Mais première et excellente surprise, The Follower se repose avant tout sur le développement de ses personnages et son originalité, plutôt que juste sur une nouvelle forme de « found footage ». Il se veut être un film à part entière, ambitieux et original.


Ce qui frappe en premier le spectateur est le jeu d'acteur parfait de Chloé Dumas, incarnant le personnage de Carol. Un personnage complexe, dont le script demandait une actrice capable de passer de l'intimidant au vulnérable, en passant par la pure sauvagerie et la délicatesse en l'espace de quelques plans seulement. Et Chloé Dumas réussit-là un tour de force, tant elle explore toute sa gamme d'actrice professionnelle, la présentant sous tous ses angles de façon aussi subtile que convaincante. Son interprétation est un succès complet, puisque le personnage de Carol, semblant tout droit sortie d'un conte de Grimm, reste présent dans l'esprit du spectateur bien après que le film ne se termine.


On en viendra presque à craindre que Carol puisse se « stabiliser » et trouver la paix trop tôt, tant l'anticipation et la peur qu'une de ses nouvelle facettes surgisse fait partie du plaisir et du suspense que l'on ressent en tant que spectateur. Pour être même brutalement honnête, Chloé Dumas en viendrait presque à faire de l'ombre à Nicolas Shake, qui incarne pourtant le personnage principal, lorsqu'ils partagent l'écran. Après, il est normal que le personnage qui « découvre » le surnaturel soit plus effacé et moins sensationnel, donc ce n'est pas gênant et ça n'enlève rien à son propre talent.


Introduite à la façon d'un personnage de littérature fantastique d'un autre siècle, Carol semble flotter dans son propre univers et sa propre réalité, en contraste total avec le personnage principal, qui est défini par son coté flamboyant, certes, mais avant tout terre-à-terre et pragmatique (« The Follower » étant un film qui sait respecter les codes de l'horreur quand il faut). Ces deux personnages sont à deux extrémités du spectre et c'est très intéressant de les faire interagir... Car l'apparition de Carol change radicalement le ton du film. Le spectateur pense que tout le film sera sur le même ton que l'introduction -moderne, pragmatique, n'hésitant pas à utiliser Youtube comme outil narratif etc.-, et se retrouve complètement désarçonné par un nouveau genre qui vient se greffer avec le personnage de Carol. A ce stade là, son personnage semble hanter le récit à la façon d'un fantôme. Un effet subtil, évidemment voulu par le réalisateur, osé et efficace.


Quelques une de ses interprétations peuvent surprendre -on pourrait la croire trop moderne et trop connectée au monde réel à certains moments-, mais l’effet et volontaire et expliqué plus tard dans le film. Sans spoiler, donc, comprenez que les moments de doute qu'on peut avoir sont volontaires et mènent quelque part.


Kévin Mendiboure n'hésite pas à prendre le temps de développer ses personnages avant d'introduire le fantastique. Un parti pris de la qualité et de la subtilité, de ne pas succomber à la facilité comme c'est trop souvent le cas dans le genre, surtout dans le genre du found footage. De plus, trop de réalisateurs et scénaristes s'attachent tellement à leurs personnages qu'ils en viennent à oublier de leur donner des défauts et donc, de les rendre crédibles. Ce n'est pas le cas dans « The Follower », ou les personnages principaux n'hésiteront pas à se montrer colériques, émotionnellement immatures... mais contrairement à trop de films, au lieu de réduire l'empathie qu'aurait le spectateur pour les personnages, ici ça l'accentue et augmente l'impression de réalisme et de spontanéité, essentiel pour que le genre marche.


On appréciera notamment l'originalité d'un personnage principal n'ayant tout simplement pas les épaules pour faire face au conflit de l'histoire. Cela peut surprendre, car c'est très rare, mais un héros dont on sait qu'il n'a pas la force mentale pour avancer... ça marche. Car on n'a aucune idée de comment il va faire pour se tirer de ce mauvais pas, et l’effet sur le suspense et l'immersion est notable. Le film est donc courageux, et n'hésite pas à faire des effets et des expériences rares dans le genre, quitte à désarçonner le spectateur. On sera surpris de la même façon lors du milieu du film, avec un changement de décor radical, désarçonnant mais efficace pour relancer l'attention et entraîner le spectateur à se poser les bonnes questions. Sans spoiler donc, disons qu'un film d'horreur aussi courageux est rare.


Un excellent travail a d'ailleurs été fait sur l'importance du décor ; la photographie et le production design du vieux manoir, lieu central de l'histoire, sont très bons, rappelant parfois ceux du classique « Ils », à ceci près que le manoir est présenté comme un personnage de l'histoire à part entière, et non pas comme un simple décor.
Bien que The Follower soit un film indépendant à budget serré, rien n'est à reprocher niveau technique, on sent que le réalisateur a eu cœur à suivre le développement technique de sa vision. Même les scènes de nuit ne souffrent pas de couleurs noirs trop opaques ou de spots blancs brûlés, les angles sont maîtrisés, le sound design est pro... Le montage, en revanche, est assez déconcertant, mais en bien. Disons qu'on s'attend à une construction en trois actes assez standard, et on a ici un squelette narratif plus original, faisant un peu penser à celui de « Lords of Salem ».


Autre excellent point : la mention de l'odeur des décors. Trop de films ne se concentrent que sur notre vue, et c'est très rare que d'autres sens soient mis à contribution. Une horreur complète, pourtant, n'hésite pas à faire appel à l'imagination du spectateur pour qu'il imagine les odeurs, renforçant ainsi l'immersion. C'est un détail notable, car trop rare dans le genre, et c'est une bonne surprise de la trouver dans « The Follower ».


L'intrigue est centrée autour d'un mystère qui se révèle très tardivement, mais pour lequel beaucoup d'indices sont disséminés ici et là (avec son lot de fausses pistes, volontaires, entraînant le spectateur sur plusieurs hypothèses et laissant l'esprit mariner jusqu'au dernier acte et à ses révélations. L'imagination est donc constamment mise au travail). Un spectateur très attentif verra les indices dans les plans les plus inattendus, et Kévin Mendiboure a clairement pensé aux potentielles secondes vues du film. C'est un film qui se veut vivant, restant dans votre esprit et vous incitant à le revoir sous de nouveaux angles.


Les personnages secondaires, s'ils sont rares, sont surtout très originaux et assez radicaux. D'un personnage qui aurait simplement pu être l'épicier du coin, Kévin Mendiboure dessine un individu tout droit sorti du « cauchemar d'Innsmouth » de Lovecraft, par exemple. Idem pour le meilleur ami du héros (excellent d'ailleurs, le fait que le héros ait une vie sociale et des contacts totalement indépendants de l'intrigue. C'est rare) et surtout, j'ai adoré le personnage du medium, étonnement détaché de la gravité de la situation, cassant donc les codes qui exigeraient que tous ceux qui apparaissent à l'écran soient totalement investis dans l'intrigue. Le parti pris de personnages qui ne se greffent pas comme par magie au destin du héros les rend originaux et attachants, même lorsqu'ils n'ont que quelques secondes ou minutes d'apparition à l'écran.


On regrettera peut être d'ailleurs la seconde apparition d'un des derniers personnages (comme dit, pas de spoiler), peut être un peu facile. L’effet aurait peut être été plus efficace si David serait allé vers lui plutôt que l'inverse, mais on n'en voudra pas à « The Follower » de ne pas systématiquement nous désarçonner à chaque scène !


J'ai noté et adoré le fait que les personnages réagissent de façon crédible à la caméra et la remarquent. Le genre d'attention au détail qui rend ce film original, tandis que ses homologues n'hésitent pas à rendre la caméra totalement invisible. Ici, elle est intrusive, lourde et elle se fait remarquer par les personnages. Carol est éblouie par le flash de la caméra, l'épicier fanfaronne sur le fait d'apparaître dans un film etc. On apprécie, on apprécie tellement ce genre d'éléments qui accentuent l'immersion.


Niveau mauvais points, et en pinaillant, on regrettera parfois une perte de repères temporelle. Il est difficile d'estimer combien de temps prend l'histoire (l'intrigue peut se dérouler sur trois semaines comme sur trois mois, difficile de dire) et de saisir le temps qui passe entre différentes scènes. C'est un détail, mais qui est à noter, car elle permet généralement de mieux comprendre les relations entre les personnages. Une poignée de séquences de transition sont donc peut être à regretter, mais comme dit, c'est vraiment en pinaillant. On regrettera peut être également l'introduction un peu trop tardive d'un personnage lors du dernier acte, mais rien qui devrait vous décourager à regarder le film. Quand on rentre dans le pinaillage pour rester objectifs, c'est le signe qu'un film a bien fait son travail et mérite d'être vu.


Pour reprendre et pour conclure, « The Follower » est une de ces gemmes que l'on aime découvrir, qui n'hésite pas à être original et à entraîner le spectateur hors des sentiers battus, soutenu par une actrice incroyable et une très bonne maîtrise technique. Une excellente surprise, à voir et à revoir.

WeinzaepflenSimon
10

Créée

le 10 mars 2018

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