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Rrrchffrrrr rafrouuuch ahrfffr ...Clips... excuffez-moi, je viens ze me fairrre décoffrher la mâfffoire le temps du film ...Clips...Clips... un, deux, un, deux ... c'est bon ça va mieux ! Bref, comme je le disais, "rrrchffr..". Bon sois-je un peu plus sérieux s'il me plaît.


The Green Knight est un film mis en scène par David Lowery, artisan singulier prêt à expérimenter et détourner les codes narratifs d'un genre en voie d'extinction, le cinéma d'aventure. Derrière les remparts de la forteresse de Camelot, ce sont des chevaliers et un roi vieillissants par des décennies de guerre qui règnent en puissants et bien aimées de leur royaume.


Un premier pilier narratif qui, rapidement, décoche le récit du code d'honneur de la table ronde et l'oriente intelligemment vers de nouvelles étendues thématiques en compagnie de Gauvin, neveu libidineux, passablement alcoolique, du Roi Arthur. The Green Knight c'est un pari illuminé et spirituel, un jeu morbide entre une entité magique et un gamin qui se cherche. Dans cette ambiance solennelle, presque biblique, commence alors une grande épopée solitaire aux proportions parfois homériques.


Les inspirations de David Lowery sont aussi limpides qu'alambiquées. La traversée d'Ulysse, les travaux d'Hercule, un peu du Dracula de Bram Stoker, du Tolkien peut-être, quelque chose du cinéma de John Boormann et de son chef-d'œuvre Excalibur, ... quand bien même ces diverses références, le réalisateur nous plonge le pied le premier dans la fange d'une ballade contemplative hors de l'espace et du temps.


Le parcours initiatique de Gauvin dans ces impressionnants environnements naturels à la grandeur fantaisiste immerge le spectateur dans une aventure sensorielle. L'infiniment petit côtoie ainsi l'hostilité permanente de la terre mère et de ces rencontres mystiques. La photographie de Andrew Droz Palermo aussi saturée que désaturée renvoie une aura fabuleuse qui transforme le périple de Gauvin en une chevauchée bien plus organique. Le rapport à la nature et à la solitude y est sublimée. Le rapport à la destiné et l'honneur aussi. Comme un élément intangible fait d'orgueil et de vanité qui n'aurait pas sa place dans un monde où l'Homme n'est qu'une vulgaire poids sur une terre abondante.


Tout ce ressenti est exacerbé par la composition musicale impériale de Daniel Hart et la manière dont la caméra capte la magie de ces lieux tantôt lumineux, tantôt froids et brumeux, tantôt ardents. Une caméra aux mouvements lents, aux plans séquences ensorcelants qui au détour d'un 720° arrive à raconter un cauchemar puis un réveil tendu. Une caméra qui par un jeu de face à face (implacable Alicia Vikander au regarde livide fixant un Dev Patel perturbé) plonge ses personnages, dans une prophétie de mauvais augure. Cette oeuvre est une réinvention constante dans ses plans, au même titre que l'évolution de son questionnement thématique rendant le personnage central bien plus humain. L'honneur, le destin, l'identité, la valeur de l'être et des choses, l'abandon et l'abondance, le sacrifice, ... le courage, quelle est sa vraie valeur ? Celle qui respecte un code d'honneur obsolète ou celle qui découle de la nature humaine propre à chacun ?


Il y a encore beaucoup de zones d'ombres dans ce mélange allégorique et métaphorique de figures de style. Quand bien même, le spectateur déboussolé, à l'image de Gauvin, n'est jamais totalement perdu. L'essence du récit reste cette quête surnaturelle un peu vaine d'un personnage poussé malgré lui dans une traversée sans fin. Dev Patel l'acteur est tellement imprégné dans la quête du personnage qu'il s'en efface complètement. Par la résilience de l'acteur et du héros, par sa dualité et les épreuves endurées, s'identifier à son périple devient instinctif et on se laisse finalement submerger par la grandeur épique d'un environnement hostile et écrasant.


Une crainte structurelle du récit s'est imicée dans la dernière partie du film. Comme une anomalie venant se faire effondrer les piliers de ce pourquoi le spectateur s'est plongé corps et âme dans cette grande aventure. Cependant, David Lowery n'est pas né de la dernière malédiction et éclaircit cette intention (que l'on aurait aimé plus abondante) la rendant instantanément nécessaire et logique.


The Green Knight c'est l'élu du cinéma d'aventure. Un leader qui réinventant un genre et défiant l'ancien pour renouveller une mythologie bien ancrée dans sa vieille armure rouillée. C'est de plus une expérimentation cinématographique implacable de David Lowery, un artiste en pleine possession de son art.

MassilNanouche
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le 6 janv. 2022

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Massil Nanouche

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