Oda Nobunaga (1534-1582) est une figure centrale de l'histoire du Japon, le premier au cours de la période mouvementée du XVIe siècle à entreprendre l'unification du pays et s'emparer de la capitale, Kyoto. Un personnage haut en couleurs, devenu si puissant de son vivant qu'il signait les documents officiels Tenka fubu (天下布武), littéralement : "Dirige par l'épée tout ce qui se trouve sous le ciel". Qui de mieux alors pour incarner cette grande fresque de 2h48 réalisée dans le cadre des 70 ans de la Toei et dotée d'un budget conséquent ?

Nobunaga qui a déjà fait l'objet de nombreux téléfilms et séries a eu une vie particulièrement remplie et agitée, lui qui était connu pour son extravagance et ses choix parfois iconoclastes, comme promouvoir de la piétaille au rang de général, s'habiller avec des vêtements occidentaux (il a aussi fait très bon usage des fusils portugais dans les batailles), ou raser entièrement des communautés religieuses... Passée l'ouverture du générique avec son célèbre logo triangulaire sur fond de mer agitée qui évoque instantanément les légendaires productions du studios et des grands noms comme Imai, Uchida, Fukasaku, on s'aperçoit rapidement que le sujet principal ici ne sera pas tant Nobunaga que sa femme, la princesse Nō, fille d'un seigneur ennemi particulièrement sournois qui souhaitait mettre son jeune rival sous la surveillance de sa fille voire le faire assassiner si besoin.

Nobunaga est au contraire montré ici comme un simple idiot, dont le comportement embarrasse tous ses vassaux et ses serviteurs. Sa femme y voit une opportunité de le contrôler et dès lors s'impose au château comme la figure dirigeante du petit fief d'Owari, au point de donner des directives à son benêt de mari et lui souffler ses propres discours. Si comme je l'expliquais plus haut, Nobunaga a eu quelques extravagances au cours de sa vie il était surtout un chef très charismatique que l'on a du mal à cerner ici dans cette représentation très romancée.

De même, ses deux fidèles compagnons d'enfance qu'il surnommait affectueusement Saru ("le singe") et Inu ("le chien") pour des raisons de croyance astrologique plus que pour leur apparence physique, représentés ici en simplets édentés est trompeuse : on parle là de Hideyoshi qui achèvera l'unification du Japon entre 1584 et 1590 puis envahira à deux reprises la Corée, mettant tous les seigneurs du pays à sa botte, et de Maeda Toshiie qui se construira le domaine féodal le plus puissant du Japon et une fortune qui fera de l'ombre aux shoguns !

Bref, on est certes dans la fiction mais dans cette vision tronquée du réalisateur Keishi Ōtomo on doit s'efforcer de croire que toute cette armée qui a mis le Japon sous sa coupe n'était qu'une bande de ploucs dont la réussite reposait en grande partie sur l'épouse de leur chef. C'est "contemporain" comme vision, malheureusement tout le traitement du film est ainsi et semble plus inspiré des light novels ou des mangas Shōjo que de faits historiques.

Le film en lui-même est très long, centré sur la relation de ce couple au détriment des grands faits historiques qui sont survolés tellement rapidement que c'en est incompréhensible. En réalité Nō avait du mal à donner un enfant à Nobunaga et celui-ci l'a très vite isolée pour s'entourer de concubines... Bref malgré une belle photographie, des intérieurs et des costumes sympas, le film est dans l'ensemble raté à cause du traitement voulu par son réalisateur.

Yushima
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le 25 févr. 2024

Modifiée

le 29 févr. 2024

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