Le théorème du homard ou comment trouver la femme idéale....


D’après moi, il s’agit surtout de solitude. Je pense beaucoup à nos
vies. Je pense qu’elles sont vécues dans l’idée d’essayer d’éviter à
tout prix d’être seul. Les gens restent ensemble plus longtemps qu’ils
ne devraient parce qu’ils ne peuvent pas se faire à l’idée d’être
seul. On ne peut pas tout contrôler, mais on a plus que notre mot à
dire au sujet de notre destin et de notre bonheur alors que peu
d’entre nous le font
- Colin Farrell.



Comme le dit si bien Farrell, il s’agit surtout de solitude dans ‘The Lobster’. Et Yorgos la dépeint à travers une vision très perturbante, sinistre et inhabituelle du monde, mais en même temps très logique. Et on le ressent du début à la fin avec cette lumière naturelle et des acteurs sans maquillage paraissant usés par le poids de la vie rendant ces derniers plus froids et moins « humains ».


Cette angoisse est si profonde qu’elle se matérialise à travers le choix de l’animal. C’est en l’occurrence la raison pour laquelle la majorité des célibataires du film souhaite devenir


« un chien » : le meilleur ami de l’Homme.


Il donne la garantie d’être toujours en sa présence et cela rassure. En revanche, David opte pour « un homard » ; choix fort intéressant qui me semble être un clin d’œil au livre « le théorème du homard ou comment trouver la femme idéale » de Graeme Simsion où un professeur de génétique génie des sciences (cf. Sheldon Cooper) inapte à vivre en société met au point un projet « épouse sur mesure » à l’aide d’un questionnaire extrêmement détaillé lui permettant d’éliminer toutes les candidates qui ne répondraient pas à ses exigences. Et c’est exactement la démarche qu’emprunte ce film en dénonçant une société qui déshumanise les rapports.


Je vais exagérer, mais pour synthétiser on nous a tous intégrés un objectif commun lors de notre éducation: fonder une famille avant la ménopause au risque de paraître trop marginal


(et finir dans le bois avec Léa…ok choix fait).


Car pour vivre en société, il faut lui ressembler et ce ne sont pas les moyens qui manquent pour nous faire rentrer dans le moule : entourage oppressant avec parents souhaitant devenir grands parents, amis accouchant, abondance de sites de rencontres, horloge biologique,…ça en devient presque suffocant et on finit par penser au couple plus comme une mission à accomplir sur Terre avant de mourir :-s


Et c’est exactement ce qui se passe dans ce film: ils DOIVENT trouver un partenaire pour rester humain et SURTOUT ne plus être seuls. Car oui, être célibataire ou trouver l’amour n’est pas un choix, mais un ordre d’étapes à respecter. Pour preuve, on dira d’une jeune fille célibataire qu’elle profite de la vie, mais d’une sénior que c’est une vieille fille (magne-toi le cul la vieille, magne-toi le cul !). Même nos qualificatifs nous font sentir le malaise de la situation.


Ainsi, l’instant magique et spontané de la rencontre, de la naissance des sentiments….laisse place à une obsession grandissante de trouver quelqu’un et vite. Seulement, on peut se forcer à travailler, vivre… aux côtés d’une personne, mais on ne peut se forcer à aimer. D’ailleurs, il est impressionnant de constater dans notre société (et ce film) les couples étant ensemble par habitude ou par peur d’être seuls physiquement


(cf. l’homme qui boite avec la femme qui saigne du nez).


Mais ne sommes-nous pas plus seuls finalement aux côtés d’une personne qui ne partage (plus) rien avec nous si ce n’est cette crainte de la solitude ???


(comme David avec La femme sans cœur)


Enfin, comme vous l’aurez compris, David (Yorgos aussi je pense) est en marge du système, mais une marge exemplaire. L’Homme a souvent tendance à rejeter la différence, car minoritaire, inconnue et par conséquent incomprise et non contrôlable. Or, David n’hésitera pas à affronter l’inconnu (l’expérience est la clef), le comprendre et le tolérer ce qui lui permettra de


tomber amoureux d’une femme qui serait jugée incompatible « sur le papier ».


Il privilégie ses désirs plutôt que ceux que la Société impose et n’est-ce pas cela la recette du bonheur ? Apprendre à se connaitre, s'écouter, s'armer de patience pour pouvoir enfin s'entourer, donner et aimer.


Pour conclure, je dirai que Yórgos Lánthimos nous livre une oeuvre sensationnelle et aboutie qui fait écho à la majorité d'entre nous.

sandracritique
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes De toute BEAUté !!! et J'ai touché l'FOND d'la piscine dans mon petit pull marine

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le 28 oct. 2016

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