The Lobster est un film très attachant par son inventivité et sa volonté de créer un univers étrange et absurde. Lanthimos fait appel à un imaginaire foisonnant mais sobre, naturel. Son film est cependant quelque peu bancal,mais nous y reviendrons.
Il faut tout d'abord saluer la première partie du film:cette peinture de cet hôtel est mordante, angoissante. Le prologue (une femme tire sur ce qu'on suppose être son mari,transformé en cheval) annonce immédiatement la couleur. On rentre dans un univers glacial et déshumanisé(référence à 1984 d'Orwell avec la chambre 101 qu'occupe Farrell sauf qu'ici c'est inversé, les gens sont obligés de trouver un partenaire) très surveillé. Ces hommes infantiles, lâches et immatures qui doivent trouver "l'amour" (sous peine d'être transformés en animaux, sont dépeints comme lâches, infantiles. Il y a un très beau travail sur le hors-champ (malgré la voix-off un peu lourde) qui renforce l'impression de solitude des personnages. Lanthimos croque très bien l'ambiance doucement dépressive qui plane sur cet hôtel. Mais, si il y a une poignée de scènes à retenir de ce film, il s'agirait sans doute des scènes où le personnage de Colin Farrell essaie de se mettre en couple avec une femme insensible à toute chose. Ces scènes d'une noirceur effarante, mais également d'une drôlerie qui, dans le genre "rire qui reste coincé dans la gorge" trouve toute sa mesure ici (pas étonnant que ce film ait plu aux frères Coen). Les résidents, pour gagner des jours en plus, doivent abattre des" Solitaires", des résistants. Les scènes de chasse sont brillantes, car Lanthimos critique le côté débile en faisant des ralentis qui ridiculisent les personnages. Visuellement, la mise en scène accentue le côté distancié,déshumanisé,par des couleurs où le blanc"après-midi pluvieux" tient une grande place et par des cadrages symétriques (c'est un peu la même approche que dans Youth de Sorrentino).Le personnage de Farrell rejoint ces "Solitaires" et participe à une action résistante qui est une autre fulgurance de ce film :Les résistants s'amusent à détruire les couples de l'hôtel.Ces scènes très cruelles, grinçantes sont cauchemardesques.La forêt des Solitaires est un autre endroit où le cinéaste s'amuser à déployer son imaginaire(on voit se balader des flamants roses, des chameaux).Visuellement,il magnifie la fôret mais ne cache pas une certaine angoisse qu'elle referme.
Dans la dernière partie, Lanthimos s'adoucit et s'attache au couple Rachel Weisz-Colin Farrell, couple très attachant. Ces scènes ne marchent malheureusement que très peu, car le scénario se répète, piétine, s'enferme dans des péripéties inutiles qui sortent le spêctateur de l'action.Seul la toute fin, autre grand moment d'angoisse, sauve le film.
Lanthimos ,maîtrise bien son film.J'ai déjà souligné,la réussite visuelle du film,mais il faut également souligner la direction des acteurs,tous excellents:Farrell, qui retransmet parfaitement l'angoisse, le mal-être de son personnage, Weisz, dans un rôle complexe, émouvant (c'est le seul personnage à peu près mature).Les autres acteurs s'amusent dans leurs rôles d'adultes puérils :Léa Seydoux en cheftaine autoritaire,John C.Reilly en copain un peu lâche,Ben Whishaw en jeune qui veut se donner un côté digne mais qui renforce son immaturité(ici,on pense à Wes Anderson).
Quant à l'interprétation,au "message" du film, la fin me paraît très représentative.On nous présente un système binaire: soit l'amour forcé,soit l'amour interdit. Le caractère du personnage de Farrell,qui est indécis, hésitant, est symbolisé par sa myopie. Il avait trouvé l'âme soeur en le personnage de Weisz (myope comme lui)


mais celle-ci est rendue aveugle;elle rentre dans le système binaire. Farrell ne sait donc s'il doit se crever les yeux ou non:sa myopie symbolise son hésitation.


Le film a évidemment une résonnace toute actuelle, avec les étiquettes qu'on colle aux gens sur les réseaux sociaux. Lanthimos, lui, se fit le chantre de l'hésitation, du doute.

Oktaf
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le 12 nov. 2015

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Oktaf

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