The Night Owl
6.8
The Night Owl

Film de Ahn Tae-jin (2022)

The Night Owl, thriller dramatique d'époque sud-coréen

Si nous sommes légèrement déçus au début en découvrant Ryu Jun-yeol dans le rôle d'un aveugle, nous sommes très vite détrompés, car son interprétation va au-delà de ce regard qu'on lui connaît si bien. Des scènes lumineuses, ensoleillées en contraste à la dure situation de son handicap et de son statut social, donnent un côté enjoué à sa situation. Une ambiance de "il fait bon y vivre" qui ne nous laisse pas présager la noirceur, la lourdeur du palais, de ce qui va lui arriver à l'intérieur de la citadelle.

Du moment où l'acupuncteur aveugle traverse ces portes, une atmosphère pesante et instable s'installe, prélude d'un danger imminent. L'introduction, la présentation des personnages, se fait très vite pour donner place à un complot, qui semble monter en puissance tel un tsunami. Nous rentrons presque directement dans le cœur d'un suspense qui nous empêche de respirer. Il s'agit de l'une de ces histoires où le personnage central tombe dans un engrenage, alors que son intention n'était autre que de servir de son mieux.

Ainsi comme le personnage de Shahrukh Khan dans le film Dil se, écrit, produit et réalisé par Mani Ratnam en 1998, une course effrénée devient le sujet principal. Plus notre personnage essaye d'avancer, plus il s'enfonce. Plus on a l'impression qu'il va s'en sortir, plus ses sentiments, son sens de l'honneur le trahissent. Comment prouver qu'il a été témoin d'un meurtre alors qu'il ne voit pas ? Comment trouver ce chemin qui épargnera les innocents et tous ceux qu'on appelle les dommages collatéraux ?

Le suspense tient toute la ligne du début à la fin mais laisse quand même un arrière-goût de pas assez. Des sujets qui auraient pu être un tout petit peu plus explorés, un certain manque de liaison entre des scènes capitales. En fait, le film est tellement passionnant, qu'il aurait mérité un peu plus d'épanchement, une présentation plus approfondie de chaque personnage.

L'acupuncteur aveugle souffre d'une maladie appelée héméralopie. Il s'agit d'une forme de cécité qui empêche la personne de voir pendant la journée, mais qui lui permet de voir un peu pendant la nuit. Pour ce faire, le réalisateur met un point d'honneur à nous transmettre la vision, ou le manque de vision, que des personnes souffrant de cette maladie ont pu décrire lors des nombreuses interviews. Même les voiles installés pour que le peuple ne puisse pas voir le roi ou d'autres personnes clés, rejoignent ce manque de vision. Comme si le film voulait nous montrer que l'on voit seulement ce que l'on veut voir. Ou élargir le thème de la cécité pour que le spectateur reste dans la même pénombre incertaine que l'acupuncteur.

C'est la première fois que Yoo Hae-jin incarne le rôle d'un roi. Nous l'avons vu récemment à côté de Hyun Bin dans Confidential Assignment (1 et 2), dans The Battle: Roar to Victory, Malmoe: The Secret Mission et tant d'autres. Son charisme et ses performances ont déjà fait plus que ses preuves. Il peut être drôle, bouleversant, dramatique, même horrible comme dans Fatal Intuition. Mais, oserions-nous dire qu'il n'est pas assez consistant, dur, pour interpréter le rôle du terrifiant roi Injo ? Un roi sans scrupule qui est capable du pire pour arriver à ses fins ? Pourquoi est-ce que l'on n'arrive pas à oublier son rôle drôle et rigolo dans Confidential Assignment ?. Cela défavorise légèrement sa performance, comme si sa colère et sa frustration, sa folie en somme, rencontraient une limite qui l'empêchait d'aller plus loin. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit quand même de Yoo Hae-jin, et qu'il fait vraiment de son mieux pour camper un roi qui se veut solide, et puissant, mais qui est finalement faible, inconsistant et fou.

Pour incarner ses personnages dans les films L'armée des 12 singes et Seven, Brad Pitt s'est volontairement enlaidit, fatigué d'être toujours pris par le beau de service (il y en a qui ont de ces problèmes !). Ce qu'il ignorait probablement à l'époque, c'est qu'un acteur connu par sa beauté ne tiendra pas longtemps la route s'il n'assure pas. Ryu Jun-yeol nous surprend encore une fois par son humilité malgré son physique avantageux. Il n'en parade pas mais se concentre comme à son habitude dans ce rôle hors du commun. Sa performance est étanche, aucune maladresse s'en échappe.

Lors de la conférence de presse du film, Ryu a déclaré qu'il avait rencontré de nombreuses personnes malvoyantes et qu'il avait même eu la chance d'interviewer des personnes atteintes d'héméralopie. Dépourvu de l'un de ses meilleurs atouts, son regard pénétrant, nous écoutons sa voix de la même façon qu'il écoute les sons autour de lui. Nous scrutons sa gestuelle de la même façon qu'il scrute le moindre élément autour de lui. Son non regard devient notre angoisse. Son émerveillement dans le noir devient le nôtre.

Et puis, bien sûr, comment ne pas parler de Lee Joo-won, ce jeune acteur qui interprète son rôle comme si sa vie en dépendait. Parce que la vie de son personnage en dépend. Il arrive à nous transmettre la même nervosité que des abeilles qui pourraient se sentir en danger. Il court à droite et à gauche, comme un insecte dans un bocal, en contraste avec cette lourdeur qui règne tout le long du film. Il ne s'agit pas de sa première interprétation, il joue depuis sa plus tendre enfance. Son talent monte en crescendo à vue d'œil.

Tous les acteurs interprètent à la perfection leur rôle, évoluant « à l'aveugle » sur un échiquier placé sous leurs pieds à leur insu.

Ahn Tae-jin a été l'assistant de réalisation dans le film le roi et le clown. 17 ans plus tard, à l'âge de 51 ans, il peut enfin réaliser son propre film. Il remporte le prix du nouveau réalisateur aux Director's Cut Awards et aux Baeksang Arts Awards. Il a commencé à écrire le scénario de The Night Owl il y a quatre ans, mais il faisait encore des corrections deux jours avant le début du tournage. Selon ses dires et comme nous l'avions constaté un peu plus haut, certains « trous » sont présents. Il a fait de son mieux pour les combler en discutant surtout avec les acteurs et le personnel. Depuis la sortie du film, d'autres réalisations restées en stand-by refont surface et les nouvelles propositions se multiplient. Il est évident que nous attendons avec hâte sa prochaine création.

Pour s'avérer le premier film du réalisateur, la mise en scène est très soignée et nous sommes très heureux de suivre un thriller clair et précis, très bien organisé. Son suspense retiendra notre souffle tout le long du film sans nous permettre le moindre répit.



Cooleur_Asia
8
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Créée

le 30 août 2023

Critique lue 97 fois

Cooleur Asia

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