The Plague Dogs
7.6
The Plague Dogs

Long-métrage d'animation de Martin Rosen (1982)

Un récit d'aventure inclassable à ne montrer qu'aux plus grands. Une bonne occasion aux échanges mais aussi à en faire sortir le trop plein d'émotion et d'incompréhension et passage obligé à les éduquer à la réalité de notre société, à la bienveillance et à la lutte contre la maltraitance animale. La vivisection dont on aura un florilège d'images bouleversantes de singes, souris, rats et lapins, rappellent violemment à la réalité et on ne peut qu'être affligé à constater que ce film date de 40 ans déjà.

Axant son récit sur deux chiens, qui de fourrière seront vendus aux laboratoires, ce sont des études cognitives à grand renfort de trou dans la tête, pour Snitter le terrier et les noyades répétitives à vérifier sa résistance pour Rowlr le croisé labrador, d'autant plus poignantes par la résignation d'un chien confiant qui subit. La scène d'introduction saisie et la suite sera dans la même veine d'une claustrophobie ambiante.

Un film d'animation d'une grande force dont on se doute dès l'introduction que la résolution ne sera pas optimiste. Un parti-pris qui appuie définitivement la dénonciation.

Ces deux là, par chance d'une porte mal fermée, se retrouveront dehors tout en hésitant à revenir vers leurs bourreaux. De cette souffrance perpétuelle, dépendants des humains mais rejetés, le désir de fuir sera plus fort et dès lors le plus dur reste à faire. Survivre en chapardant et tuant, devenant ainsi des ennemis publics à abattre. Tout en soulignant les attaques et les tueries nécessaires à leur survie, le cinéaste évite le frontal et opte pour le suspense, l'attente et l'angoisse de ce qui peut advenir, nous laissant toujours espérer, malgré une tension de chaque instant.

Du bleu clinique d'un laboratoire aux teintes glacées, le voyage est servi par un grain prononcé et aux traits accentuant la noirceur, la dangerosité de l'environnement et les circuits à l'aveugle. Les grands espaces, les changements de climat entre pluie, froid et neige se ressentent à chaque scène pour nos deux fuyards malmenés, condamnés à errer sans but. Son aspect dépressif se teinte de fugaces éclaircies, lumineuses et vaporeuses lorsque Snitter, au cerveau lobotomisé, se réfugie dans les souvenirs d'une époque où il était choyé, en vivant en parallèle le traumatisme qui l'a séparé de son maître. Une volonté du cinéaste de nous confronter à la psychologie animale qui renforce la portée des ressentis. Soutenu par Rowlr, aux nombreuses douleurs articulaires, ils vérifieront rapidement que leur désir de revenir à la vie sauvage ne sera pas des plus concluants. Aidé par un rusé renard qui leur permettra de passer bien des épreuves, ce troisième personnage, qui peut dénoter au réalisme du film, allégera un ensemble traumatique en valorisant la solidarité et l'amitié face à la cruauté des hommes.

Des humains vu à hauteur de chiens dont nous ne verrons que le bas du corps, renforçant la menace et l'étau qui se resserre. L'intelligence animale est dotée ici de parole perspicace et de bon sens, pendant que les échanges humains viendront se greffer sur leur périple, jouant de l'ellipse et de la temporalité croisée, pour suivre en temps réel la fuite, la traque et l'hypocrisie des échanges à justifier du bien-fondé de la recherche, d'actes de barbarie et d'armes biologiques, ramenant la simple fuite de deux chiens à une atteinte à la sécurité publique.

Alors pour notre plus grand plaisir, quelques scènes revanchardes de retours de manivelle radicale viennent ponctuer le récit, pour des instants rassurants et forcément jouissifs. Si la compassion s'invite par quelques personnages, hors de doute que le cinéaste pense à ses plus humanistes spectateurs.

Tout en étant accessible et lisible, aux traits animaliers plutôt habituels, il reste parfaitement oppressant pour les plus sensibles et inconfortables pour les autres. Un exercice sans faille ne faisant aucun cadeau contrairement à un animé grand public à l'anthropomorphisme décalé.

Une réussite pour un travail réflexif et d'alerte, allié à l'art du dessin qui trouve la plus belle manière de sensibiliser un public, certes, averti.

Une chose est sûre l'auteur des ouvrages Richard Adams et le cinéaste Martin Rosen sont à suivre de près.



limma
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Créée

le 9 févr. 2023

Modifiée

le 7 févr. 2023

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