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Le cinéma animé vit une évolution sensible qui me semble positive. Il n'a jamais vraiment été sous-estimé mais sa distribution la plus populaire était la plupart du temps «pour enfants», ce qui n'est pas bien sûr ici un critère qualitatif. Aujourd'hui l'animé a de plus en plus la revendication d'être «mature» dans leur com. La plupart des gens ont arrêté de le voir forcément comme un «dessin animé» et plus comme le support artistique qu'il est. Cette année, le plus bel exemple est pour moi The Prodigies, adaptation française du roman américain La nuit des enfants-rois de Bernard Lenteric qui raconte le rassemblement de cinq enfants surdoués qui se vengent des violences qu'ils ont subits. L'achat des droits et la réalisation ont été très longs et je crois savoir que l'équipe très motivée qui en est à l'origine vient du domaine du jeux vidéo. Il est mon coup de coeur 2011, notamment que c'est leur premier bébé et là je peux le dire «Oooh quel amour de bébééé !». Par souci de diffusion au cinéma et de réalisation ils ont fait 2 choix. En effet la violence de l'ouvrage est telle qu'ils ont donc utilisé le support animé et l'ajout de pouvoirs télépathiques pour que le fantastique la rende plus facile à digérer.

C'est d'abord sur ces choix visuels que je voudrais insister. Ces enfants sont des surdoués, ils détiennent un véritable savoir et un talent qui les rend supérieurs. C'est une reprise de ce thème du nouvel homme qui peut utiliser des nouvelles parties de son cerveau. Le savoir c'est le pouvoir et celui-ci est représenté par ces dons télépathiques qui sont une véritable tentation de domination difficile à contrôler.
D'autre part on m'a parlé de défauts, d'animation en particulier, car elle serait trop mécanique et peu naturelle. J'avoue ne pas y avoir été sensible car elle n'était réellement importante qu'à certains passages du film et je n'y faisais pas plus attention ailleurs. Mais j'aimerais soulever quelques éléments esthétiques. Il est vrai que ce film ne recherche pas le réalisme le plus précis et on peut même lui reprocher d'être un peu sale dans certains détails. Globalement on retrouve quant même une ambiance intéressante. Tout se passe aux États-Unis (grandes villes, hauts immeubles, républicains) et il y a déjà cette impression de modernité. Dés le début dans son enfance, Jimbo, le personnage principal, s'est déjà fait son IA personnelle alors qu'il est môme, plus tard on voit des écrans ultra-perfectionnés, une multinationale au gratte-ciel qui mérite cette appellation. C'est peut être un peu facile mais je pense qu'il est important de le dire : ça veut dire «eh ça se passe aujourd'hui !». Les enfants savent peut être se servir d'un ordinateur pour pirater des systèmes complexes mais ce qu'ils subissent, ce qu'on montre dans ce film n'est pas une notion éphémère mais quelque chose d'actuel, de vrai, et cela caché derrière une vitrine moderne et lumineuse digne d'un apple store. Il y a également quelques plans statiques qui me font penser à des tableaux par une sorte de grain qui dénote avec le reste du film. Ce sont des paysages comme une clinique psychiatrique ou la ville de New-York qui ressemblent alors à ces peintures qui doivent certainement s'appeler «Souvenir d'une enfance emmerdante» ou «la ville on dirait un caca : vive les hippies !». Ce sont des représentations internes de lieux importants qui sont prêt à être détruits à la fin par un ******** (passer la souris sur ces étoiles ne vous révélera pas le spoiler).

Mais de quoi parle vraiment le film ? C'est une histoire sur les enfants. On a Jim et les 5 adolescents et ils sont tous les enfants-rois. Ils sont en fait le même enfant. Rien ne les sépare. Leurs histoires sont les mêmes : violentés, traumatisés, rejetés et stigmatisés. C'est d'abord l'injustice qui les lie car on semble s'acharner sur ces êtres intelligents capables de douceurs d'enfants notamment lorsqu'ils se retrouvent. Ils ont ce lien spirituel entre eux qui n'est pas la caricature glauque d'une secte pour mineurs, même si ça peut y ressembler. Ils font partie de la même notion de l'enfant sensible et malheureux, et plus particulièrement Jim et l'un des 5, Jill, qui sont le même personnage. Ils se ressemblent physiquement, ont des prénoms similaires, ont des pères se ressemblant et il y a une sorte de miroir entre les deux, l'enfant et l'adulte, la colère et la sérénité (bien mise à l'épreuve), l'inexpérimenté et l'expérimenté. Plusieurs passages du film soulignent le parallèle de ces deux personnages qui sont deux facettes paradoxales de l'enfant sur le thème de la colère, de l'expérience acquise qui régissent sa faculté notamment à régler sa propre justice et sa dignité.
Il y a également une volonté de s'attacher. A nos yeux ils sont comme des orphelins qui se soudent les uns aux autres. Ils sont comme une nouvelle famille et parfois l'attachement va plus loin. Les deux personnages (Jill et Jim) ont une relation incroyablement proche et explosive (à voir la scène où Jill est assis par terre demandant à Jim de les rejoindre pendant qu'il se fait rouer de coups). La fille tombe amoureuse de lui et voudrait presque remplacer sa femme.
Le principal élément qui me fait penser que les personnages ne sont en fait qu'un seul et même enfant sont les plus grosses scène de violence.

Ce sont des points de départ. Un traumatisme déclencheur dans le mal-être de l'enfant. C'est pourquoi elles sont retranscris de manière étrange, dans un décor blanc où les couleurs et les formes sont altérées. Il paraît justifié de dire qu'elles ont été ainsi faites pour moins choquer directement le spectateur. Mais si on est attentif, la violence s'en retrouve décuplée car nous la vivons alors à travers les yeux d'un enfant qui voit ses agresseurs à chaque fois sous l'apparence d'ogres, de monstres imaginaires aux gestes brutaux et terrifiants. Y-a-t-il un point de vue plus fort que celui d'un niño dans cette expérience de la brutalité ?
Et c'est pourquoi le moment fondamental du film a autant été soulevé par les critiques dès qu'ils l'ont vu : la scène du parc. Bien sûr je pars du principe que le spoiler est ici essentiel pour parler du film. Les enfants-rois se rassemblent dans le parc de la Killian University pour la première fois et subissent une agression alors qu'ils attendaient Jim. Le début est tendre car c'est leur union. Mais rapidement ils sont font agresser. Deux voyous lâchent sur eux une violence gratuite, pulsionnelle exacerbant l'injustice, plus encore que celle des parents ou d'un entourage incompréhensif. Le dialogue qui précède alors montrait une forme d'espoir, de positivisme malgré les quelques méfiances. C'est en partie pourquoi la scène est une vraie rupture car tout est brisé dans la violence la plus profonde et choquante, notamment dans celle liant le plus sauvagement l'enfant et l'adulte : le viol.
«Merde, c'est un viol collectif». Le coté super-héros du film (pouvoirs, bla bla bla) donne fugacement l'idée d'une force, au moins pour se défendre maintenant qu'ils sont ensemble mais ils restent faibles. Et cela devient le cœur d'une ironie tragique sur leur faiblesse d'enfant. La plus jolie fille, montrée bien sûr comme un objet attirant (belle, mannequin, riche, intelligente) se fait violer mais de notre point de vue ce n'est pas cela. Finalement leurs capacités se retourne contre eux et tous se font violer avec elle, ils subissent tous cette violence, comme des marionnettes du fatum. Et c'est cela qui va tout faire exploser. Au sens visuel en plus. Le profond scandale, profond car je l'invente ici en tant que sentiment, déchaîne une colère, une haine noire qui donne envie de se venger sur tout le monde, tous ceux qui n'ont RIEN fait pour empêcher cela. C'est bien sûr ces passages ultra-forts des visions de destruction de la ville sous les yeux des personnages. Mais bon sang qui n'a jamais eu envie de tout exploser autour de soi par colère ! C'est l'enjeu de la fin que de savoir si cette volonté est légitime, rédemptrice, si elle apporte la sérénité.

J'ai voulu présenté cet aspect de la violence sur l'enfant dédoublé en plusieurs personnes dans ce film car c'est ce que j'ai considéré être l'«emotional point», qui m'a mému, conmovido. C'est subjectif, non-exhaustif, un peu descriptif mais bon c'est le témoignage d'un spectateur convaincu. Par son style sympa le film nous tient en haleine sur cette histoire de l'enfant-roi qui, paradoxalement à cette appellation, se révolte contre une violence exacerbée contre lui. Passage difficile à l'âge adulte ? En tout cas à la fin... Non je vous laisse regarder. Je n'oserai pas faire des comparaisons lourdaudes mais au niveau du comportement on peut facilement faire des parallèles avec certaines œuvres littéraires et cinématographique. Je vous invite à le faire car je trouve que c'est une manière plus forte de s'interroger sur ce sujet que de regarder un documentaire.
Cet article ne suit pas (vraiment) le plan d'une dissert.
Grimythomas
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le 3 déc. 2011

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