Projet développé en pleine pandémie, le premier long-métrage de Rob Jabbaz s’inscrit pleinement dans son époque entre virus en pleine mutation et défiance face aux institutions étatiques.


Amorçant son récit sur le doux réveil d'un couple, nous prenons le temps de connaître ces individus pendant une accalmie que l’on devine de courte durée. Cet instant nous suffit pour comprendre leur relation. Durant ce moment, des éléments disruptifs ne tardent pas à apparaître présageant le chaos à venir. Nous devinons facilement le contexte social et sanitaire dans lequel nous allons évoluer.
Une fois que le virus commence à impacter notre duo, nous sommes projetés dans une course effrénée pour se mettre à l’abri.


Durant plus d’une heure, le réalisateur alterne les points de vue de Jim et Kat. Nous observons leur progression respective au sein d’une ville en plein chaos. La bascule entre ces deux protagonistes permet d’effectuer des ellipses constantes et d'éviter tout moment de flottement. Nous sommes constamment plongés dans des situations riches en tension.
Outre le fait qu’il soit le fil rouge du récit, leur séparation alimente aussi sa dynamique. Elle permet de multiplier les confrontations et d'avoir un tableau plus vaste sur la chute de la société taïwanaise. Bien que se focalisant sur leur parcours, nous découvrons ce qui se déroule en dehors de leur environnement via des retransmissions radio et télévisuelle. Ces différents éléments nous facilitent l’immersion et décuplent le sentiment de désolation émanant de leurs errements au sein de la ville.
L’œuvre joue sur cette détresse inhérente au déroulement d’un événement incontrôlable. Les organismes étatiques sont inexistants ou totalement débordés. Les rues sont emplies de cris de désespoir ou d’un silence morbide. La menace peut provenir autant des personnes infectées que celles dites saines. Les nerfs sont donc mis à rude épreuve.


Les divers affrontements sont riches en hémoglobines. L’auteur met à profit son environnement pour délivrer des mises à mort aussi variées que brutales. Nous nous retrouvons avec des exécutions sanglantes façon splatter mais avec une approche très réaliste. La sensation de désolation n’en est que renforcée face à la cruauté des actes perpétrés. La désinhibition induite par le virus donne lieu à un déferlement de violence et de sadisme. Pour autant, nous ne sommes pas dans une compilation d’actes abjects. Il y a une montée en tension lors des prémices d’affrontements. L’échéance est retardée au maximum avant que la confrontation ne démarre. L’impact n’en est que décuplé.
De même, le réalisateur choisi par moment d’opter pour un hors-champ in-extremis. Loin d’amoindrir les sévices perpétrés, notre imagination prend le relai pour notre plus grand (dé)plaisir.
Il est aussi intéressant de voir comment l’auteur puise dans le genre zombiesque sans avoir à respecter ses codes à la lettre. Nous nous retrouvons donc avec des infestés évoluant en meute en quête de sang. Pour autant, leur capacité à communiquer et la conservation de leur identité individuelle permettent d’obtenir des interactions plus développées entre personnes contaminées et saines. La présence d’un antagoniste poursuivant inlassablement Kat en est le parfait exemple. Bien que tardif et partiellement inutile, l’explication scientifique fournie légitime d’autant plus cette approche.


Nous obtenons ainsi une œuvre tendue multipliant les confrontations sanglantes pour rythmer un fil rouge pour le moins convenu. The Sadness n’est certes pas un film apportant un renouveau dans le genre ni une originalité dans sa mise en scène. Pour autant, il se pose comme un divertissement efficace et généreux. Rob Jabbaz s'offre une jolie carte de visite qu'il a su présenter dans le monde via son passage dans divers festivals. Il ne reste plus qu'à espérer de futurs projets plus ambitieux scénaristiquement.

tzamety
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le 1 janv. 2022

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