Tony embauche Hugo, jeune valet, une vraie perle.


« C’est l’histoire de gens différents pris dans le même piège, c’est l’histoire de ce piège. The Servant est un film sur la peur et la servilité. Servilité du maître, mais aussi servilité des gens qui ont peur de ne pas être aimés ou de ne pas aimer, qui ont peur de leur femme, de leur maîtresse, de leur père, de leurs maîtres, de la bombe atomique ou de tout ce que vous voulez. » Joseph Losey.


Le miliardaire. Le majordome. La femme de chambre. L’ambition, la détresse, la solitude. L’admiration. La dévotion. La dépendance. Joseph Losey les allie avec élégance derrière une façade victorienne, dans un huis clos contemporain paradoxalement chaleureux.


Le plaisir de la projection.
L’écran devient miroir. Losey met en boîte ce que la société dissimule, ce qui ne peut être vu, découvre du monde sensible. C’est le premier fantasme qu’il réalise: il pénètre dans l’intimité pour la dérober, dans cette maison, jusque sur le plateau, dans la liaison de deux acteurs peut-être. Joseph Losey en 1963 présente le reflet cru de la société Londonienne, piétinée par son propre désir, sa servitude volontaire, la liberté de vivre ensemble.


La séance de lutte.
Non, le propos de Losey n’est pas cathartique, la lutte n’est pas un objet: le geste, le dialogue ou le non-dit n’est pas le support du plaisir coupable, « c’est le film qui serait objet de lutte. De critique. Et de transformation » , comme le dit P. Bonitzer en 1968 dans l'écran du fantasme. Militant ou provoquant, J. Losey unit la convention et la débauche dans un retournement progressif de situation: une prise de conscience, le drame psychologique de la lutte des classes. Il ne montre pas l’envers du décor, il le met en scène dans une société en proie au réel qui lui fait peur. Passion, adultère, homosexualité, inceste: la philosophie marxiste ayant aboli la contemplation, Losey est méticuleux, il n’est pas pervers. The servant matérialise dans le cadre le fantasme, celui de la liberté individuelle. S’il est cynique, sarcastique, sadique sinon sadomasochiste c’est qu’il est réaliste. Losey met en scène l’absurdité des relations, et la détresse de l’individu. Humaniste, il peut sans aucun mal être qualifié, sous la dénomination de Truffaut qui relit André Bazin et son cinéma impur, de « cinéaste de la cruauté ».


« Vous voyez que je peux encore vous faire du bien, je suis un être humain, sinon vous ne m’auriez pas embauché. » Dit avec un sourire Hugo, ce débauché.

Camille_H
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste éloge de la cinémathèque

Créée

le 8 mai 2015

Critique lue 542 fois

12 j'aime

8 commentaires

Camille_H

Écrit par

Critique lue 542 fois

12
8

D'autres avis sur The Servant

The Servant
Sergent_Pepper
8

Vol avec escalier.

De Losey, je n’avais jusqu’alors vu que La Bête s’éveille qui était loin de me laisser un souvenir impérissable, et dans lequel on retrouve quelques éléments qui font de cet opus une version bien...

le 14 sept. 2015

38 j'aime

The Servant
JZD
8

Bien sapé.

Tony, est un beau, jeune, blond et riche jeune homme, aristo moderne et infiniment anglais, traine depuis un moment au bord de la crise de nerf. Il aime avec flegme une jeune femme de son milieu et...

le 10 août 2012

35 j'aime

5

The Servant
oso
8

Iznogoud sournois

En filmant l’inversion du rapport de force entre un riche bourgeois et son valet, Joseph Losey illustre avec vice et violence le pire de la nature humaine, sa quête de désir, sa recherche constante...

Par

le 14 oct. 2014

25 j'aime

1

Du même critique

Dead Man
Camille_H
8

«-William Blake killed the white. - We need a canoe.»

Dead man, c'est un voyage avec un homme mort. Dead man est simple mais déjanté. L'acte est prévisible, et donc plein de rebondissements. Des péripéties retardent le dénouement. Dead man, ce n’est pas...

le 28 sept. 2014

24 j'aime

Le Roi et l'Oiseau
Camille_H
9

De la peinture qui parle.

A cette époque régnait encore le roi Charles V + III = VIII + VIII = XVI du royaume de Takicardie. Ce n'était pas un bon roi. Tout le monde le détestait, ses amis aussi. Nous n'étions pas amis, dit...

le 2 mai 2015

22 j'aime

2

The Lobster
Camille_H
7

Pourquoi tu te méprises.

Véhémence Les solitaires ne peuvent pas vivre en ville. Leur place est avec leurs semblables, les animaux dans la forêt. Ils sont imprévisibles, libres, nuisibles. Il ne s'agit pas de fonder une...

le 22 oct. 2015

20 j'aime

4