Vu il y a plus de 22 ans, plutôt apprécié sans être enthousiaste, sa ressortie au cinéma était l'occasion idéale de redécouvrir « The Truman Show » et le premier constat qui s'impose, c'est honte à moi. Oui, honte pour ne pas avoir saisi l'importance de cet immense film probablement très en avance sur son temps, pour ne pas avoir saisi toute l'intelligence du propos, le brio de la démonstration, le merveilleux équilibre entre intimisme et grand cinéma populaire : trop jeune, sans doute, pas assez conscient de la réalité médiatique et numérique nous entourant.
Tout est placé ici sous le sceau de la pertinence, de la crédibilité, poussant à l'extrême un concept devenu presque banal à travers l'explosion de la télé-réalité (au détail que les candidats savent qu'ils sont filmés, quoiqu'au vu de l'attitude de certains on est parfois en droit de se poser la question), Andrew Niccol se sublimant à l'écriture pour offrir un scénario incroyable où chaque scène, chaque situation, chaque rebondissement est finement pensé : il est clairement, avec Peter Weir (et à un degré moindre Jim Carrey), le grand artisan de cette éblouissante réussite, posant au passage, la question du destin, des choix que l'on veut faire face à ceux qu'on nous impose, nous renvoyant inévitablement à des situations similaires, à des « et si », notamment dans nos relations amoureuses.
À travers ce décor plus vrai que nature (et pour cause), c'est aussi l'image de l'Amérique qui apparaît, pas foncièrement mauvaise, mais terriblement inconsciente du mal qu'elle peut faire pour cultiver son « bon plaisir », à l'image des différents acteurs du « show » ayant renoncé à toute vie personnelle pour jouer un personnage : de quoi, là aussi, presque consacrer un autre film entier. Il y a de quoi être troublé lorsqu'on voit l'étonnante matière apportée à chaque protagoniste, l'un des plus complexes étant probablement Christof, peu scrupuleux pour détruire la vie de son « fils » tout en témoignant d'une affection profondément sincère pour lui.
L'impeccable interprétation vient donner un peu plus de corps : Jim Carrey, bien sûr, dans l'un de ses plus grands rôles, notamment entouré de Laura Linney, Noah Emmerich, Ed Harris (formidable) ou Natascha McElhone dans un rôle particulièrement émouvant. Et alors que le dénouement pourrait paraître facile, la façon dont l'amène Peter Weir (en réussite totale autant dans tous ses choix visuels, télé comme cinéma) est si brillante qu'il se révèle presque idéal, l'ultime réplique, loin d'être anodine, illustrant le peu d'illusions que se font les créateurs de l'œuvre sur l'influence écrasante des images sur la société. Un probable chef-d'œuvre, à qui l'Oscar du meilleur scénario (au moins) a échappé de façon totalement incompréhensible, ne l'empêchant nullement d'être à jamais dans nos cœurs, et encore mille excuses pour ne pas m'en être rendu compte à l'époque : trop jeune, trop ignorant. Mesdames, messieurs : merci.