Adulé par ses désormais deux classiques Sixième Sens et Incassable, la carrière cinématographique de M. Night Shyamalan s'est par la suite peu à peu mitigée. Et même si ses deux films suivant, Signes et Le Village, avaient tout de même gardé certaines brides de ses talents de surdoué, il s'est littéralement auto-détruit par la sortie de véritables ratages que sont Le Dernier Maître de l'air et After Earth, ces derniers n'obéissant à aucune logique d'auteur, banals sujets de grosses commandes, signes d'une inévitable dépossession d’identité artistique. Mais parfois, la détresse intérieure peut apporter de nouveaux moyens car c'est avec le salaire perçu sur After Earth que le réalisateur a l’opportunité de se relancer, The Visit bénéficiant d'un budget 26 fois inférieur à son lamentable aîné. C'est dire.
Disposant un pitch bien moins grandiloquent, The Visit se crée une notoriété très discrète, au même titre que les productions indépendantes du genre horrifique, souvent intéressantes, traînant son lot d'adeptes inconditionnels. Il est utile de préciser que le dernier film de Shyamalan ne se hisse absolument pas au même titre démesuré que ses aînés, laissant ainsi presque anonyme son auteur. Le résultat de prime abord confirme nettement les brides naissantes à son égard, même si les premières minutes s'avèrent particulièrement laborieuses. En effet, d'allure convenue, centrée sur deux insupportables garnements au discours rappeur-geek pour l'un, pseudo-militante pour l'autre, la première partie déconcerte car nécessite une importante adaptation du spectateur. A l'image du budget concordant, la caméra portée est de la partie et omniprésente, avec comme principal atout, la singularité d'alterner les plans d'une caméra à l'autre, les deux enfants acteurs mais surtout cadreurs mutuels.
Temps d'adaptation oblige au risque de quitter la salle en furie, le spectateur finit par lier une attache des plus amusantes et sincères envers les deux principaux protagonistes. Les présentations sont faites et ce dernier suit finalement avec grand plaisir les péripéties des deux jeunes héros. Outre les dialogues burlesques et les situations farfelues au possible, il est à rappeler que formellement, The Visit est bel et bien un film d'horreur, réutilisant avec grande aisance les codes typiques du film d'horreur indépendant, pardonnez la répétition. Privilégiant davantage le sursaut et un caractère insolite des plus originaux que la banale exhibition d'images choquantes et gores, The Visit ravit par ses multiples séquences saugrenues, sa culture permanente de légèreté, en totale incohérence avec le jusqu'au-boutisme de certaines scènes, à l'image de cette intrigue se réduisant en entonnoir pour flirter avec l'apothéose. LES GRANDS-PARENTS SONT TERRIBLES !
The Visit, ou le chahut horrifique de deux enfants malchanceux, permet donc à son réalisateur de prendre tout doucement ses distances d'avec ses douloureuses années de crise artistique. M. Night Shyamalan revisite les fondements du found footage avec une fraîcheur revigorante et livre une passionnante réflexion sur le pouvoir des images. Un modeste métrage qui prouve ouvertement que le réalisateur a pu garder le contrôle créatif de son oeuvre afin d'exploiter aisément les pistes thématiques tout en accordant une confiance démesurée mais réelle à son duo d'acteurs, inconnus mais tout bonnement formidables. Et puis, en plus, c'était l'ambiance dans la salle...